PAGE 50 : DES HOMMES EXTRAORDINAIRES : AUJOURD'HUI ELIE THOUEILLES, CHEF MAQUISARD.

DES HOMMES EXTRAORDINAIRES :

L’Histoire locale, c’est aussi les hommes qui ont côtoyé la grande Histoire. Je vous présente, de temps à autre, un portrait d’homme, ou de femme,  parfois vivant, parfois disparu, que nombre d’entre nous ont côtoyé sans savoir vraiment qui il est ou elle était. J’ai eu envie de les mettre à l’honneur et de jeter un éclairage particulier sur ce que ces personnages « lambda » ont pu réaliser d’extraordinaire dans des circonstances exceptionnelles… A l’image d’Angelo Bernardi, « l’inventeur » de la Blonde d’Aquitaine, ces hommes ont tracé à leur manière , l’Histoire de notre pays, avec un grand « H »….

Elie présente un livre sur l'histoire de "son" réseau, "Dollé". (photo PG)

ELIE THOUEILLES MAQUISARD

Tous ces anciens combattants de l'ombre, du moins les vrais, ont en commun une chose, la modestie. Ils n'aiment pas parler d'eux mêmes. A l'origine, le président de l’ANACR n'habitait pas le livradais. Il travaillait la ferme familiale, du côté de Trentels, près des « Ondes » au « Reset ». A la nouvelle de la déclaration de guerre, en 1939, il s’engage comme volontaire pour la durée de la guerre. Il n’a que 19 ans ! La France vaincue, il revient au « Reset » et, bien vite, prospecte pour entrer en résistance.

Au centre, en noir, le Lieutenant, Elie Thoueilles et sa section. (repro PG)

UNE RENCONTRE DETERMINANTE :

Après l’armistice de « 40 », certains ont du mal à digérer la situation. La Résistance s’organise. Chacun essaie de voir  comment s’organiser…

 Le pays se prête peu à de grandes actions d'éclat, comme le maquis de Dordogne avec ses forêts, ou de Corrèze avec ses étendues de rochers, mais nous avons mené la vie rude aux Allemands qui croyaient que nous étions plus nombreux. »

 En Périgord, justement,  un jeune Lorrain, René Schleiweiler, que la Gestapo a failli cueillir à Thiviers, débarque au "Reset". Ce représentant de l'AS (Armée Secrète) élit domicile chez les Thouielles et devient le chef du réseau sous le nom de "Dollé", une marque de machines agricoles. Le « Reset »d’Elie devient le PC du réseau, avec l’accord d'Irène, son épouse.

LES FRANÇAIS PARLENT AUX FRANÇAIS :

« Au début, nous n’avions rien… nous n'étions qu'une poignée, à la fin, quand la victoire fut  certaine,  tous se disaient maquisards, même ceux qui avaient penché du côté de la Milice... Notre groupe comptait jusqu’à 250 maquisards. Le groupe Dollé cachait les réfractaires au STO, les maquisards recherchés... Tout çà dans un grand bois derrière la ferme familiale.

 Il nous fallait des armes et des explosifs. Un radio de Londres se déplaçait dans les maquis pour expédier les messages codés. »

 « Un jour, j'ai eu 17 conteneurs d'armes enterrés chez moi et jusqu'à 3 tonnes d'explosifs... On détruisait les voies de communications, ponts ferroviaires ou routiers au plastic. Parfois on faisait prisonniers des Allemands, comme ceux qui se baignaient un jour à St-Sylvestre, on les a gardés 15 jours et échangés à la Croix Blanche contre 5 otages, dont le maire de Monflanquin... »

Le temps à passé, mais Elie se souvient de tout! (PG)

QUAND J’Y PENSE,ON A EU DE LA CHANCE !

Les « Dollé » bénéficiaient d’un bon accueil auprès de la population locale. « Quand j'y pense, on a pris des risques. Tout le monde était au courant et pouvait nous dénoncer... On a eut de la chance, Les parachutages étaient dangereux pour tout le monde, civils compris, le propriétaire d’un champ où avait eu lieu le largage pouvait être embarqué comme maquisard,  comme ce pauvre Abouly, à Vergt, que les Allemands ont pendu par les pieds pour le faire parler et tabassé jusqu'à ce que mort s'en suive, et qui n'a pas  parlé. Même pas les gendarmes de Trentels,  qui étaient dans la confidence et nous faisaient stopper la circulation, la nuit des parachutages... Une fois, nous avons oublié un de nos parachutes, c’était le 26 mai, le lendemain, jour d’enterrement, les gens regardaient en l’air. Il y avait une corolle blanche pendue à un arbre avec un container. Il était là, bien visible. Maintenant, tout le monde savait et on pouvait être dénoncé à tout moment, c’est que la Milice des collabos n’était pas loin. Juste à quelques kilomètres, à Villeneuve.

LA LIBERATION ET LES MARTYRS

 En juin, les maquis se montrent au grand jour et lancent la libération du département. À Villeneuve, ils libèrent 45 patriotes à Eysses, le lieutenant Élie Thoueilles et sa section sont sur tous les fronts. Les morts s'accumulent, une dizaine à Villeneuve, autant à St-Jean de Thurac, en tout, plus de 250 martyrs et 650 déportés, payeront le tribut de la libération du département.

« Derrière ces chiffres, il y a des visages, du sang et des larmes, je ne les oublierai jamais... »

 (Patrick GARCIA)