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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
9 mars 2013

PAGE 57: PACO MADERA, RÉPUBLICAIN ESPAGNOL: « LES PAYSANS AVAIENT PEUR QU'ON MANGE LES ENFANTS »

Dans notre série des « Hommes Exceptionnels » je vous présente un républicain espagnol, venu en France après avoir courageusement combattu contre Franco. Son destin va l’emmener à être enrôlé de force dans le STO et à construire des blockhaus et une poudrerie pour les Allemands… J’avais  fait paraitre cet article dans la Dépêche du Midi en 2009. Tout comme le suivant, en 2011, qui traite de l’inauguration d’une stèle en faveur de ces travailleurs qui ont été utilisés dans des conditions peu reluisantes, à la construction de la poudrerie…

PACO MADERA RETIRADA

Paco Madera, montre le squelette d'un bunker de la poudrerie (photo PG)

 

Premier article 

« Un ancien combattant Républicain Espagnol âgé de 90 ans, Francisco Madera (Paco), va commémorer "la Retirada" (l’Exode). C'est un de ceux qui ont pris le parti « de la Liberté » contre celui des franquistes.

« J'AI CRU EN LA RÉPUBLIQUE »:

À 17 ans, il rejoint les troupes des Républicains qui ont maille à partir avec les fascistes de tous poils, partisans de Franco, Mussolini ou Hitler. « Ils avaient les armes, les avions, les chars et les mercenaires "Maures" et l'Église avec eux… Nous n'avions que notre courage et l'aide de jeunes venus des quatre coins de l'Europe... Les fameuses Brigades Internationales ».

Leur combat était voué à l'échec, mais ils étaient courageux. Une première fois, Paco est blessé par un obus de mortier. Des hémorragies internes, deux mois d'hôpital... Il se réengage dès sa sortie et est incorporé en juin 1937 dans les "Carabiniers". Il prend part aux combats de Teruel. Il fait moins 17°C, il aura les pieds gelés. « La nuit, si on s'endormait, on ne se réveillait plus... Quand on avançait, il fallait "arroser" les arbres, car les Maures s'étaient fait une spécialité d'être sniper.  Alors on arrosait partout, et parfois, les "fruits" tombaient à terre... Près de l'Ebre et de Lérida, un des derniers combats où j'ai participé, ma position était tenue par 15 hommes; à la fin, nous n'étions plus que 3. J'ai été grièvement blessé encore. J'ai de la mitraille dans tout le corps, des éclats m'ont traversé le nez, j'en ai dans le visage, le poumon perforé... J'ai malgré tout pu nager dans la rivière pour sauver ma peau. Peu s'en sont sortis. Puis quand le dernier bastion est tombé, ce fut "la Retirada". "

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Nouveau reste de bunker (Photo PG)

 

DE LA LIGNE MAGINOT À LA POUDRERIE DE STE LIVRADE:

« Me voila à St Laurent de Cerdans, de l'autre côté de la frontière, en février 1939, dans un petit camp, encadrés par des militaires français. Un mois plus tard, le 9 mars, nous sommes transférés à Caussade, puis près de Valenciennes, dans des wagons à bestiaux où il y avait marqué, je m'en souviens, 40 hommes ou 8 chevaux, serrés comme des sardines. Nous allons construire des blockhaus et des fossés anti chars sur la ligne Maginot. Un travail harassant! Vous vous rendez compte que le ferraillage dans le bêton armé était constitué de rails de chemin de fer! Il fallait 7 000 sacs de ciment pour un seul  blockhaus ». Paco a une mémoire étonnante! La veille de l'Armistice, il est transporté sur un autre chantier gigantesque, la poudrerie de Ste Livrade. Avec 5 000 autres espagnols républicains, il continue un chantier incroyable, il n'y a qu’à voir les squelettes qui ont survécus. Les gardes sont ici d'anciens militaires français à la retraite qui ont la dent dure. Le travail y est tout aussi pénible et la nourriture aussi pauvre: « Un os dans de l'eau avec un peu de pain... pour 12 heures de travail ». Les ouvriers sont logés à Casseneuil, à l'emplacement de France Prune. Sur un site de 450 hectares, les « Espagnols » vont multiplier les poudrières disséminées afin que l'explosion de l'une n'embrase pas les autres. Aujourd'hui encore, des dizaines de maisons à l'aspect géométrique sont les survivances de ce passé. L'armistice avec les Allemands signé en 1940, les « Espagnols » vont détruire pendant des mois, ce qu'ils ont été obligés de construire auparavant, du moins en parti, puisqu’il en reste encore de larges éléments, des murs immenses et des squelettes de hangars.

« LES PAYSANS AVAIENT PEUR QU'ON MANGE LES ENFANTS »:

Jusqu’en 1945, ces prisonniers vont être utilisés, certains pour aider les paysans, d'autres ailleurs ou envoyés au STO (Service de Travail Obligatoire en Allemagne). Paco rigole: « Ces pauvres gens, on leur avait tellement bourré le crâne avec des bêtises, qu'ils croyaient qu'on mangeait les enfants et les curés. C'est l'Église qui racontait çà partout, depuis la Guerre d'Espagne, pour éviter qu'on nous aide. On touchait 300 francs par mois pour travailler la terre chez les paysans. Mais en réalité, les gardes prélevaient 270 francs pour eux et nous en laissait 30 pour vivre. C'était leur manière de faire la guerre... »

De nombreux républicains sont ensuite rentrés en clandestinité et ont rejoint le maquis dont certains étaient exclusivement composés de ces espagnols dont l’expérience du combat et l’esprit revanchard a fait leur réputation, mais ça, c’est une autre histoire. Paco, lui, a continué le travail de la terre à Ste Livrade, à la Landette, il y a connu son épouse, Maria Uros, réfugiée elle aussi. Mariés en 1948, ils ont eus 3 enfants, 5 petits enfants et 3 arrières petits enfants… Une vie bien remplie, quoi !»

 PG

ARTICLE 2

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Laure Lataste Garralaga et Tony Martínez ont entonné le fameux « Hymne des Guérilleros » (photo PG)

 

«A Sainte-Livrade, samedi 11 juin, à l’occasion de la parution du livre écrit par Mario Graneri et Jean Morente, « La Poudrerie, des  camps et des hommes… », un marbre commémoratif a été dévoilé à proximité des grands squelettes de béton qui témoignent du labeur imposé en 1939-1940 aux  républicains espagnols réfugiés en France.

Accompagnés par une centaine de personnes émues, Jean Morente, fils de guérillero arrêté à Monflanquin dès 1942 et déporté vers Dachau en 1944, puis Henri Farreny, vice-président national de l’Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France (AAGEF-FFI) sont intervenus. Une gerbe a été déposée par Laure Lataste Garralaga, présidente de l’AAGEF-FFI pour la Gironde et Tony Martínez, président de l’AAGEF-FFI pour le Lot, qui ont entonné le fameux « Hymne des Guérilleros » et le tout aussi célèbre « Paso del Ebro » (« Ay Carmela »).

Des médailles spécialement frappées pour marquer les 80 ans de la 2e République espagnole ont été remises à trois anciens de la Poudrerie de Sainte Livrade :

Florencio Gomez (qui fêtera ses 100 ans en octobre), Julio Nombela et Francisco Madera. Et aussi à M. et Mme Simon, spoliés de leur propriété en 1939, qui ont offert et aménagé le lopin de terre sur lequel est installée la stèle. Deux anciens du camp de Casseneuil furent également honorés : Jaime Olives, arrêté en Villeneuve en 1942, lieutenant FFI à la Libération, et Luis Casares.

Puis, dans l’amphithéâtre du lycée agricole, 150 personnes ont suivi les deux conférences agrémentées de poésies (déclamées par Anne-Marie Frias et Jean Morente), de danse et de chants. Le diaporama d’Henri Farreny, professeur des universités honoraire, était intitulé : « De la guerre d’Espagne à la Résistance en France, via Sainte-Livrade, Casseneuil et alentours ». Mario Graneri, inspecteur honoraire de l’Éducation Nationale a retracé l’histoire de la Poudrerie  et des communautés qui se sont succédé sur le site : Espagnols, Indochinois, Algériens notamment. Un repas amical a conclu cette belle manifestation. »

PG

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Lors du dévoilement (Photo PG)

 

 

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Commentaires
B
Emouvant témoignage sur des hommes d'exception...
Répondre
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  • Blog de PATRICK GARCIA pour les amoureux de notre belle région : la GUYENNE, nommée quelques fois, MOYENNE GARONNE en particulier, mais aussi le récit de mes balades en France dans des lieux typiques et historiques. Me joindre? autostar47@outlook.fr
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