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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
29 juillet 2013

PAGE 75 : A LA DECOUVERTE DE CRO-MAGNON

crom 2

"Crom", imaginé dans toute sa splendeur. (Image du Net) 

En Lot et Garonne, nous sommes sensibilisés sur l’Histoire de notre ancêtre commun, « l’HOMO SAPIENS ». Sauveterre la Lémance possède même un musée renommé dédié au « SAUVETERRIEN ». Ce groupe a été reconnu en 1928 par Laurent Coulonges pour nommer les industries découvertes entre l’Azilien et le  Tardenoisien dans l'abri du Martinet, à Sauveterre la Lémance (47). Il est globalement compris entre - 8 500 et- 6 500 ans. Très proche, aussi, la Dordogne, « le Pays de l’Homme » ... entre autre, de CRO-MAGNON !

Jean François Garnier (archéologue et historien villeneuvois) a fait parvenir aux adhérents de l’Association des Archéologues de Lot et Garonne, la dernière livraison du « Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord » rédigée par deux éminents spécialistes de notre ancêtre l’Homme de Cro-Magnon, Brigitte et Gilles Delluc ( respectivement : Docteur en Préhistoire, ancien directeur du musée de site de l’abri Pataud, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle et  Médecin chef des hôpitaux, docteur en Anthropologie et Préhistoire, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle) . Cette note que j’ai malheureusement dû alléger tout en gardant les éléments essentiels pour suivre l’enquête réalisée par les deux spécialistes, se lit comme un « polard ».

Qui était  Cro-Magnon ? Comment est-il mort ? De quelles maladies souffrait-il ? Quelle cérémonie a suivit son décès et à quel âge…. A quelle période de l’histoire vivait-il ???? 

Si par moment les termes médicaux employés sont rebutant pour le néophyte, la trame, la remontée à travers le temps et les résultats de ces recherches sont époustouflants… Je vous conseille, à vous aussi, de plonger sur la vie et la mort de ce voisin qui vivait à quelques kilomètres de chez nous…

Pour la compréhension de l’article de Brigitte et Gilles Delluc, j’ai rassemblé les notes en fin de récit, afin de ne pas trop perturber le fil de cette enquête sur un des sujets les plus passionnants de l’Histoire de l’Homme.

 

Les squelettes de l’abri

de Cro-Magnon.

Datation et pathologie.

Évolution des idées

par Brigitte et Gilles DELLUC

 

Deux questions sont souvent posées à propos des squelettes exhumés dans l’abri de Cro-Magnon :

1 - De quand date cette sépulture ?

2 - De quelles maladies avaient souffert les humains découverts en ces lieux ?

Le but des pages que voici est d’essayer de reconstituer les principales étapes ayant permis, non sans mal, de résoudre peu à peu ces problèmes en un siècle et demi.

Le lecteur trouvera, en outre, deux petites actualisations concernant la datation et la pathologie.

 

 La ligne de chemin de fer Périgueux-Agen, via Les Eyzies, a été inaugurée le 3 août 1863. C’est le 24 de ce mois que le paléontologue Édouard Lartet et son ami Henry Christy 1 débarquent aux Eyzies. Ils sont attirés en ce lieu par l’observation dans une boutique parisienne d’un bloc de brèche, contenant des silex et des os de renne : ce fragment de sol calcifié provient d’une grotte des Eyzies. Ils souhaitent en outre rendre visite au vicomte Alexis de Gourgues, qui, sur les coteaux du Bergeracois, recueille de nombreux objets préhistoriques. C’est ainsi que débute une fructueuse campagne : ils vont découvrir et fouiller les plus grands gisements de la vallée de la Vézère. Les résultats de ces investigations seront publiés dans les Reliquiae aquitanicae, being contribution to the Archaeology and Paleontology of Perigord andthe adjoining provinces of Southern France. Ce gros livre d’É. Lartet etH. Christy paraîtra en anglais de 1865 à 1875, en 10 livraisons sous des signatures diverses 2.

 

Une découverte en deux temps

Cinq   après l’expédition d’Édouard Lartet aux Eyzies, la découverte de la sépulture de Cro-Magnon survient à l’occasion de travaux de voirie : la création d’une nouvelle route 3 et non un aménagement ferroviaire comme on le dit souvent 4. L’entrepreneur François Berthoumeyrou est chargé de ce travail avec son demi-frère L. Delmarès. Vers la fin du mois de mars 1868, il fait attaquer par ses ouvriers un terrain taluté lui appartenant, au pied du rocher, à 130 mètres de la gare. Cela pour deux raisons : il veut extraire des sédiments (on dit ici de la castine) pour charger la nouvelle route ; peut-être veut-il aussi ouvrir dans ce talus « le chemin destiné à remplacer celui que la voie ferrée avait fait disparaître 5».

En fait, l’histoire a télescopé deux opérations effectuées sur ce talus. Il y avait eu, précédemment, pendant les travaux ferroviaires antérieurs à août 1863, une première extraction de sédiments par la Compagnie des chemins de fer d’Orléans 6 pour « l’établissement de la chaussée [sic] du chemin de fer qui amena l’enlèvement d’une partie importante du talus et celle d’un bloc gigantesque détaché du rocher », c’est-à-dire de l’auvent éboulé de l’abri supérieur 7. Le mot « chaussée » désignait la plateforme du chemin de fer et non la route. En mars 1868, c’est la deuxième opération, effectuée pour la route cette fois, qui conduira à la découverte.

Une précieuse aquarelle, figurant la coupe de Cros-Magnon [sic] par l’archéologue et agent voyer Maurice Féaux, reconstitue l’état initial des lieux et les deux opérations 8 (fig. 1). Le rocher n’était pas vertical mais se creusait de deux abris sous roche superposés. Le toponyme « Cro-Magnon » désignait l’abri supérieur, largement ouvert, vide et visible de loin 9. En revanche, c’est dans l’abri inférieur, profond alors d’une douzaine de mètres, invisible car quasi totalement comblé et scellé depuis des millénaires sous quelque quatre mètres de sédiments, que se trouvait la sépulture, associée à une faune depuis longtemps disparue du Périgord 10.

 

Dans cet abri, les squelettes se trouvaient au sommet des sédiments, eux-mêmes séparés de la voûte par un mince espace vide. D’après la coupe de Lartet, le crâne de l’un d’eux (le « vieillard »), non totalement enfoui, affleurait à la surface. L’auvent de cet abri s’est effondré depuis : l’abri supérieur n’est

 

 

plan-1

 

 Fig. 1. Coupe des 2 abris de Cro-Magnon par M. Féaux, vue du sud (coll. SHAP).

1 - Rochers calcaires ; 2 - Rocher et terres enlevés par la Compagnie d’Orléans ; 3 - Plateforme de la voie ; 4 - Chemin d’accès ; 5 - Ancien Cros-Magnon ; 6 - Faille ; 7 - Caverne ; 8 - Squelettes ; 9, 10 et 11 - Foyers ; 12 - Lame de dent d’éléphant.

 

 presque plus visible ; l’abri inférieur est moins profond que jadis 11. C’est ce dernier qui porte désormais le nom de Cro-Magnon 12.

La découverte de ces squelettes, dans un milieu clos, accompagnés seulement d’objets de silex, d’ossements divers et de coquillages marins, prouvaient, pour la première fois, qu’on avait affaire à des squelettes préhistoriques : les restes de quatre adultes et d’un enfant, semblables à nous.

François Berthoumeyrou fait arrêter les travaux et prévenir Édouard

Lartet 13. Ce dernier, se jugeant trop âgé (67 ans) 14, délègue son fils, Louis, géologue, pour effectuer l’exploration du site 15.

La découverte est présentée dès le 16 avril 1868 au Comité impérial des travaux historiques et, le 21 mai 1868, Louis Lartet donne une communication à la Société d’Anthropologie de Paris. Il rédigera une publication détaillée dès 1868 et 1869, reprise presque intégralement et très bien illustrée dans lesReliquiae aquitanicae16.

 

I La datation des vestiges osseux de Cro-Magnon

Elle a été précisée en une douzaine d’étapes.

 

1. De la même époque qu’Aurignac

En 1868, Louis Lartet fouille l’abri et décrit 12 niveaux (A à K), dont 5 contenant des vestiges charbonneux qu’il nomme « foyers » (B, D, F, H et J), d’âge glaciaire, superposés sur 2,50 m de haut. Certains niveaux contenaient « des ossements brisés, brûlés et travaillés et des silex taillés suivant différents types ». La couche I, « de terre jaunâtre un peu argileuse, [contenait] encore des ossements, des silex et des instruments en os, ainsi que des amulettes […] et serait limitée à sa partie supérieure par une couche charbonneuse et très-peu étendue (J) 17, que M. Laganne a pu observer avant mon arrivée, mais dont je n’ai pu retrouver que de simples traces ».

Au niveau de la couche H, la hauteur disponible sous abri était de 1,50

à 2 m environ. La sépulture, « d’un âge immédiatement antérieur à l’époque artistique », se trouvait au fond de l’abri, au niveau de la très mince couche J, à la surface de la couche I, d’après la coupe de L. Lartet. À ce niveau, l’abri était haut seulement de 0,50 cm (fig. 2).

plan 2

Fig. 2. Coupe de l’abri sépulcral par L. Lartet en 1868, vu du nord.

Légende : A, C et E - Débris de calcaire ; B, D et F - Couches de cendres ; H - Couche de cendres avec ossements ; G et I - Terre avec ossements ; J - Lit mince de graviers lavés avec calcite. Trace à peine visible d’un foyer ; K - Éboulis calcaires ; L - Talus enlevé ; N - Fissure ; P - Toit de l’abri ; Y - Pilier soutenant le toit ; a – Défense de l’éléphant ; b - Squelette du vieillard ; c - Bloc de gneiss ; d - Ossements humains ; e - Blocs calcaires détachés du rocher (LARTET, 1869a et b).

 Dans les Reliquiae aquitanicae, deux planches hors texte montrent des lames et grattoirs épais à retouche écailleuse comme ceux d’Aurignac 18. Rien n’évoque une époque plus récente. L’année suivante, le texte de Louis Lartet, publié dans les Matériaux pour l’histoire naturelle et primitive de l’Homme 19, est orné d’une belle planche hors texte, représentant des objets provenant de la « grotte sépulcrale de Cro-Magnon 20 » : silex aurignaciens, pendeloques, coquillages, mais aussi deux harpons magdaléniens à double rang de barbelures. Heureusement, un erratum précise que ces harpons « sont d’une époque moins ancienne que la sépulture de Cro-Magnon ». Ils proviennent probablement de la Madeleine et ont été placés là par le graveur sans doute dans un but décoratif... (fig. 3).

La grotte d’Aurignac (Haute-Garonne) avait été fouillée en 1860 par E. Lartet, mais le mot d’« Aurignacien » ne sera choisi qu’en 1906, par H .Breuil et É. Cartailhac, pour désigner la première des grandes culturesdu Paléolithique supérieur 21.

planche 3

 Fig. 3. Planche des Matériaux (1869).

Deux harpons proviennent de

la Madeleine.

 

 2. Des pointes d’Aurignac au-dessus du Solutréen ?

Le nom d’Aurignac et le Solutréen apparaissent au terme des fouilles faites entre 1869 et 1873 à Cro-Magnon par le collectionneur Élie Massénat, industriel corrézien, venu « quelques jours après L. Lartet 22 ».

 Le Paléolithique supérieur est aujourd’hui divisé en 4 cultures principales, de la plus vieille à la plus récente (environ de -35 000 à - 10 000 ans avant nous) : Aurignacien, Gravettien, Solutréen et Magdalénien.

……

 

Que représentait Aurignac à cette époque ? Cette petite grotte de Haute-

Garonne avait été découverte en 1852 par le sieur Bonnemaison et étudiée en 1860 par Édouard Lartet. Celui-ci avait entrepris des fouilles : l’industrie originale, découverte dans une épaisse couche en avant de l’étroit porche, servait de base à sa classification naturaliste pour le Paléolithique supérieur.

C’était « l’âge du Grand Ours des Cavernes », la période la plus ancienne de l’Âge du Renne 30.

……

 

3. Cro-Magnon en pleine bataille de l’Aurignacien

Mais Henri Breuil va s’opposer à cette conception dès 1905. Il décrit plusieurs sites comportant un niveau archéologique « présolutréen », avec de l’industrie osseuse et des outils en silex bien particuliers. L’année suivante, il déclenche la célèbre « bataille de l’Aurignacien », en présentant de nombreux gisements, dont Cro-Magnon, et en contestant très durement les conclusions d’Adrien de Mortillet, P. Girod et É. Massénat 32. Il propose le terme d’« Aurignacien » pour nommer les industries trouvées entre les niveaux du Moustérien et ceux du Solutréen et sort victorieux de cette bataille « délétère ».

Elle trouvera sa conclusion définitive dans Les subdivisions du Paléolithique supérieur et leur signifi cation33.

À Cro-Magnon, en 1897, l’abbé, lui-même, avait pu « gratter quelque peu » dans l’abri de Cro-Magnon avec Gaston Berthoumeyrou 34, lors de son premier voyage en Dordogne. Il y avait vu « les couches actuellement connues comme aurignaciennes ». Au début de la « bataille de l’Aurignacien », il y avait fouillé à nouveau en 1905 (35) sans trouver de Solutréen 36.

 

4. Des squelettes néolithiques sur un dépôt magdalénien ?

Dès 1871, É. Cartailhac et le Dr E. Trutat, naturaliste, avaient réfuté, à propos d’Aurignac 40 et aussi de Cro-Magnon, le synchronisme de la sépulture et du remplissage pléistocène sous-jacent : elle serait postérieure au niveau d’Aurignac. É. Piette évoquera même l’Azilien en 1902 et 1903 41.

 

…..

 

5. Du Magdalénien dans la couche inférieure ?

Laissons la bataille de l’Aurignacien et Gabriel de Mortillet et revenons un peu en arrière. En 1893, le Dr Émile Rivière reprend une fouille, « immédiatement au-dessous du point où l’on a trouvé, en 1868, les célèbres ossements humains 46 ». Il fouille, sur un mètre de profondeur, ce qu’il juge être « un gisement magdalénien non remanié ». Il exhume « grattoirs, burins, pointes, lames […], faune dans laquelle le Renne prédomine, un beau poinçon en os long de 8 centimètres, une lame en bois de Renne, dont l’une des faces est ornée de traits gravés irrégulièrement et, pièce surtout remarquable, une lame [de matière dure animale], dont les deux bords sont entaillés de 43 coches sur l’un des bords et de 38 sur le bord opposé », sans compter une incisive de cheval portant un trou de suspension et des traits encochés 47.

En 1897, il reprend cette fouille, continuant à trouver, selon lui, « d’intéressants produits de l’industrie de l’époque magdalénienne » et, en septembre, il participe à une fouille de Gaston Berthoumeyrou, « à peu près à la même distance de l’hôtel de la Gare, mais un peu en arrière et proche du rocher 48 ». Il trouve notamment des grattoirs, dont un caréné, des burins, des lames de silex, « deux pointes de flèches, plates, fendues à la base pour recevoir le bois sur lequel elles étaient montées », une « très belle pointe de sagaie, longue de 0,103 m, dont l’extrémité est taillée en biseau ».

Du Magdalénien ?

En fait, la présence d’un grattoir caréné et de deux sagaies à base fendue témoignaient sans conteste de la présence d’Aurignacien.

On verra plus loin que le Dr Rivière avait également trouvé du Gravettien, mais ne le publia pas. En outre, c’est au cours de cette excavation que furent découverts, à 35 cm de profondeur et par un tiers, un fragment de côte, gravé d’un personnage (asexué, un peu météorisé mais sans sein ni fesse marqués) et un autre, gravé d’un bison 49. H. Breuil dessinera ces deux gravures mobilières découvertes par G. Berthoumeyrou dans l’extrémité gauche de l’abri, « dans un milieu qui pourrait être gravettien 50 ».

C’est sans doute à la suite du Dr Rivière qu’Otto Hauser fera de Cros-Magnon [sic] un site magdalénien dans son guide intitulé Le Périgord préhistorique. Il observait : « Pour la stratigraphie, il est difficile de contrôler maintenant les couches emportées et détruites par un grand nombre de fouilleurs 51 ».

 

6. La couche inférieure est franchement aurignacienne

….

En bref, Cro-Magnon - ou du moins ce qu’il en reste - est désormais daté de l’Aurignacien et, pour son niveau le plus bas, de l’Aurignacien I, comme le pensait H. Breuil et D. Peyrony lui-même en 1907.

 

7. La couche supérieure : plutôt un Aurignacien évolué, sinon tardif

 

En 1960, Denise de Sonneville-Bordes  pense que le niveau supérieur

J, qui serait celui de la sépulture, semble remonter à un « Aurignacien évolué, sinon supérieur », avec ses burins busqués et ses grattoirs à museau 60. Mais, commentant les fouilles de D. Peyrony, elle pense aussi qu’au moment de ces travaux, cette très mince couche supérieure avait déjà disparu.

Elle attribue les couches inférieures B à F à l’Aurignacien I (lames étranglées), le grand foyer H à l’Aurignacien II, « mais il n’est pas exclu que la séquence aurignacienne ait été plus complexe ». Enfin, « le niveau J, auquel correspondent les restes humains, ne peut être attribué à l’Aurignacien ancien, mais tout au plus à un Aurignacien évolué sinon tardif, vu la position qu’il occupe au-dessus de cinq couches aurignaciennes …

En 1960, l’Aurignacien et le Gravettien sont parfaitement individualisés.

Si D. de Sonneville-Bordes ne parle pas de Gravettien, c’est que, manifestement, elle n’a pas observé de matériel de cette époque.

C’est également à l’Aurignacien évolué que seront attribués plus tard les squelettes de Cro-Magnon par Bernard Vandermeersch 65.

 

8. Du Gravettien de Cro-Magnon exilé en Suisse

 

Des collections de Cro-Magnon à Lausanne ? Oui, car les collections

Berthoumeyrou passèrent au Dr Rivière. Peu après la mort de celui-ci, survenue en 1922, elles furent mises en vente à l’Hôtel Drouot et acquises à bas prix par un étudiant de l’École dentaire de Paris, le Suisse Henry Gass. Ce jeune homme mourut prématurément en 1927. Au décès de sa mère, à la fin des années 1950, les collections furent acquises par le Dr Moll, amateur helvétique de Préhistoire 69. En 1966, Jean Bouchud, apparenté à F. Berthoumeyrou 70 et archéozoologue au Muséum national d’histoire naturelle, publie un article très documenté sur la découverte du site et sur les travaux de L. Lartet. Il et conclut au caractère gravettien du niveau supérieur, surmontant les niveaux aurignaciens du gisement 71.

Pour définir les niveaux principaux de Cro-Magnon, il tient compte des ressemblances signalées par D. Peyrony entre Cro-Magnon, d’une part, et, d’autre part, les proches stations de Gorge d’Enfer (abris Pasquet, Lartet et du Poisson). En effet, D. Peyrony a récolté en stratigraphie, lors de la

vidange complète de l’abri de Cro-Magnon, vers 1960 (pour l’élargissement du chemin), des objets aurignaciens : « pointes en os à base fendue et à base losangique, grattoirs carénés », analogues à ceux des abris aurignaciens de Gorge d’Enfer.

En outre, pour Jean Bouchud, la couche K 72, surmontant par endroits le niveau J des squelettes, évoque celle, analogue, qu’il a observée à l’abri Pataud, où il travaille sous la direction de Hallam L. Movius. Il signale « la similitude stratigraphique de l’abri Cro-Magnon et de l’abri Pataud » et la présence, dans les deux sites, d’« à peu près les mêmes espèces de coquilles marines » dans la couche K de Cro-Magnon et dans le Gravettien de Pataud 73.

Convaincu que les ossements ont été déposés à la surface du sol de la couche J, puis englobés dans les petits éboulis calcaires de la couche K, il n’hésite pas à modifier la coupe de Louis Lartet. Il prolonge d’un discret trait de plume la mince couche J jusqu’au rocher de la paroi de l’abri et il densifie la couche I : il fait ainsi apparaître deux couches superposées. Dès lors, sur son dessin modifié, les crânes reposent sur le nouveau trait et semblent appartenir à la couche K de « petits éboulis calcaires postérieurs au Gravettien 74 » (fi g. 4).

 

plan 4

 

 Fig. 4. Coupe de l’abri par L. Lartet modifi ée par J. Bouchud en 1966 (détail). La couche I est densifiée et un trait de plume prolonge la couche J.

 

9. La sépulture continue à être aurignacienne

En 1969, Hallam L. Movius, négligeant l’anecdote suisse et les publications précédentes et se fiant à ses observations dans l’Aurignacien de l’abri Pataud, entérine l’attribution aurignacienne traditionnelle et assigne à la sépulture de Cro-Magnon une datation d’environ 30 000 ans BP.

En l’absence de toute datation C14 à Cro-Magnon, il applique à ce gisement les datations C14 de la séquence aurignacienne de l’abri Pataud 75.

Par la suite, les squelettes continuent donc à être « classiquement attribués à l’Aurignacien 76 » et Cro-Magnon, dit-on, « la seule sépulture indiscutable d’Europe attribuée à l’Aurignacien 77 ».

 

10. Des objets gravettiens dans la Ville rose

En juillet 1987, préparant le colloque sur l’art des objets au Paléolithique

(Foix, 1987), nous identifions, au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse, une pointe de la Gravette, une fléchette de Bayac et des coquilles marines (littorines), réunies sur un vieux plateau portant l’étiquette jaunie

Cro-Magnon.

Mlle C. Sudre, conservatrice, informée de cette trouvaille, nous autorise à prendre deux photographies 78.

Lors des travaux d’aménagement du musée de site de l’abri Pataud, l’un de nous (GD) signale cette observation à Henry de Lumley, qui est fort surpris : les sujets de Cro-Magnon sont toujours réputés aurignaciens.

Suite à la trouvaille de la coupe inédite du site par Maurice Féaux, nous publions une modeste révision de la découverte de Cro-Magnon, avec une note concernant les objets gravettiens de Lausanne et de Toulouse 79. Ces objets confirmaient donc les souvenirs de H. Breuil et d’E. Pittard.

Ils montraient qu’il existait donc certainement un niveau gravettien, au-dessus des niveaux aurignaciens. Les squelettes, exhumés du niveau supérieur du gisement, étaient donc rapportables au Gravettien.

 

11. Un Gravettien ancien ou moyen plutôt qu’un Aurignacien récent

Les ossements de Cro-Magnon n’ont pas pu faire l’objet d’une datation

C14, faute de collagène dans les pièces osseuses choisies au musée de

L’Homme. Mais une datation par accélérateur de particules d’un des quelque 300 coquillages 81 a fourni la date de 27 680 ± 270 BP 82.

D. Henry-Gambier, à l’initiative de cette mesure, note qu’est peu plausible « l’hypothèse d’une collecte de coquillages, datés de 27 000 à 28 000 BP, par des groupes humains beaucoup plus récents  83 ». La date, obtenue sur cette coquille non fossile, conservée au Musée de l’Archéologie nationale, « exclut définitivement une appartenance à l’Aurignacien ancien, qui correspond à un intervalle de temps plus ancien en Europe 84 ». Quelques autres indices culturels (pendeloques) et la comparaison avec la sépulture de Pavilland (Pays de Galles), parée de coquilles de littorines et datée de 26 360 ± 550 BP (OxA-1815) et la datation obtenue plaident en faveur d’une attribution au Gravettien ancien ou moyen 85 (fig. 5).

Rappel : Le Paléolithique supérieur est aujourd’hui divisé en 4 cultures principales, de la plus vieille à la plus récente (environ de -35 000 à - 10 000 ans avant nous) : Aurignacien, Gravettien, Solutréen et Magdalénien.

 

planche 5

 

 Fig. 5. Quelques littorines de Cro-Magnon (Muséum d’histoire naturelle de Toulouse

 En 2004, après cette datation du coquillage, Denis Vialou concluait de même :

« Cet âge fait davantage rapporter la sépulture à un Gravettien ancien ou moyen plutôt qu’à un Aurignacien récent. La carence des fouilles empêche de traduire en certitude cette possibilité 86 ».

12. Certainement du Gravettien ancien et peut-être moyen

L’attribution chronologique peut encore être précisée grâce à quatre constatations.

a. Un recoin inhabitable

Pour J. Bouchud, les squelettes ont été déposés à la surface de la couche

I, dans le prolongement de la couche J et noyés ultérieurement dans les éboulis de la couche K 87. C’est pour expliciter cette hypothèse qu’il a modifié la coupe de L. Lartet. Ainsi les crânes apparaissent à la surface de la couche J prolongée par son trait de plume 88.

…………………

b. Les pointes de la Gravette

Compte tenu des pointes de la Gravette signalées dans la collection du Dr Rivière et observées par H. Breuil, J. Bouchud conclut que les sépultures de Cro-Magnon étaient gravettiennes. Il les rapporte au « Périgordien IV 96 », c’est-à-dire au Gravettien ancien. La comparaison avec l’abri Pataud est licite. En effet, ce dernier site, occupé aux mêmes époques, est situé à 200 m de Cro-Magnon dans la même ligne de rochers coniaciens. Mais les deux abris n’ont pas évolué de la même façon. Les dates Carbonne14 obtenues s’échelonnent entre 26 600 ± 200 et 28 400 ± 1100 BP.

 

……

 

 

c. Les coquillages

Jean Bouchud insiste sur la présence des mêmes coquillages à Cro-Magnon et dans le Gravettien de Pataud 98. À Cro-Magnon, les sépultures sont accompagnées de très nombreux coquillages, surtout des littorines : 300 environ 99.

Toutefois, dans la couche 5 de Pataud (Gravettien ancien), Carole Vercoutère n’a identifié que 2 littorines 100. Dans la couche 4 (Gravettien moyen), elle en a compté 37. Elle n’en signale pas dans le Gravettien supérieur de ce gisement 101.

La date du coquillage de Cro-Magnon (27 680 ± 270 BP 102) comparée à celles de l’abri Pataud exclut le Gravettien supérieur (entre 23 000 et 24 000 BP), mais ne permet pas de choisir entre le Gravettien ancien et le Gravettien moyen 103.

 

d. Les objets de Cro-Magnon conservés à Toulouse

En 1987, nous avions observé, dans une vitrine du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse consacrée à Cro-Magnon, une pointe de la Gravette et une fléchette de Bayac, à côté d’un collier de littorines. Ces deux objets nous faisaient évoquer une datation gravettienne, et même gravettienne ancienne, pour les squelettes de Cro-Magnon 104 (fig. 6).

Une nouvelle observation des objets issus de Cro-Magnon, conservés dans ce muséum, nous a permis de confirmer la présence de la pointe de la Gravette et de la fléchette 105.

 

planche 6 aplache 6 b

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig. 6. Cro-Magnon : pointe de la Gravette et fléchette de Bayac (Muséum d’histoire naturelle de Toulouse)

La pointe de la Gravette, marquée CMA 9925.29, est une pointe allongée et robuste (8,5 x 1,3 x 0,7 cm).

Elle s’ajoute aux pointes de la Gravette de la collection Rivière, identifiées par H. Breuil et mentionnées par J. Bouchud.

La fléchette (CMA 9925.36), pièce foliacée à courtes retouches sur tous les bords (6,1 x 2,4 x 0,8 cm), est caractéristique du Gravettien ancien du gisement de la Gravette. À Pataud, elles abondent dans la couche 5 de Gravettien ancien (123 exemplaires) et font défaut dans les niveaux plus récents, alors que les pointes de la Gravette sont présentes dans tous les niveaux gravettiens. Ces découvertes vont bien dans le sens d’une datation archéologique gravettienne des squelettes de Cro-Magnon, en accord avec la datation C14 de la littorine. L’abondance relative du matériel gravettien (en particulier plusieurs pointes de la Gravette) permet d’envisager que la couche I (y compris sa limite supérieure J) appartiendrait au Gravettien. La présence d’une fléchette de Bayac, dans la collection Cartailhac, va dans le sens du Gravettien ancien.

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Les sujets étudiés plus bas, en particulier celui de droite dit: "le Vieillard"...(Photo du net)

 

II. La pathologie des sujets de Cro-Magnon

 Six ans à peine après la découverte, A. de Quatrefages et E. Hamy introduisaient la notion de « race » de Cro-Magnon, à côté de celle de Cannstadt, cette dernière désignant pour eux la plus ancienne « race » fossile 107.

Les humains de l’abri de Cro-Magnon sont aujourd’hui appelés Homo sapiens ou Hommes anatomiquement modernes. Cinq sujets ont été conservés :

un squelette masculin à peu près complet, un crâne féminin, une calottecrânienne, des fragments attribués à un autre crâne et quelques restes d’unnouveau-né 108. La pathologie concerne essentiellement les sujets nos 1 et 2.

 

1. Le sujet n° 2

Le crâne de cette femme, au moins quinquagénaire 109, porte une large brèche osseuse frontale, produite par un instrument tranchant. Cette lésion a évoqué, durant des décennies, un traumatisme paléolithique110.

De plus, sur le côté gauche du crâne, les deux tiers antérieurs de la région temporale font défaut et les bords restants du pariétal et du frontal ont une telle apparence qu’ils nous font hésiter : la condition présente de cette partie du crâne est-elle due à la blessure pendant la vie ou aux dégâts ultérieurs. Cette femme a été tuée, peut-être, alors qu’elle était enceinte, puisque, comme nous l’avons remarqué, ont été trouvés là le fragment d’un crâne et certains des os longs d’un fœtus, associés avec d’autres os humains 111 ».

C’est seulement un siècle environ après la découverte que fut reconnue l’étiologie véritable de cette brèche osseuse, dépourvue de traces de cicatrisation : un malencontreux coup de pioche ou de pelle lors de son exhumation en 1868 par un ouvrier de François Berthoumeyrou 113. Durant cent ans, cette blessure avait fait évoquer un meurtre voire une querelle de ménage…

2. Le sujet n° 1 ou « vieillard de Cro-Magnon »

Devant ses lésions frontale et maxillaire, la démarche diagnostique est ici passée par une dizaine d’étapes, échelonnées sur plus d’un siècle, au fur et à mesure que progressait la classification anatomo-clinique des maladies (Fig. 8 et 9).

planche 8planche 9

 

Fig. 8a et 8b. Lésion frontale gauche du crâne du « vieillard » de Cro-Magnon. Radiographie correspondante (cliché Thillaud).

 

.

 

a. Agents physiques et accident de chasse

Dès le 21 mai 1868, le célèbre Paul Broca, chirurgien, anatomiste et anthropologue français 114, affirme, devant la Société d’Anthropologie de Paris, que l’érosion bien visible sur le front du squelette n° 1, un homme baptisé « le vieillard », n’est pas d’origine pathologique, mais « paraît avoir été produite après la mort, dans le sol de la caverne, par les agents physiques 115 ».

 

planche 9 aplanche 9 b

Fig. 9a et 9b. Lésion maxillaire gauche du crâne du « vieillard » de Cro-Magnon. Radiographie correspondante (cliché Thillaud).

 Il note seulement, près de l’extrémité inférieure du fémur gauche, une dépression peu profonde, « évidemment traumatique, due au choc d’un corps très dur, qui a produit l’enfoncement de la lame compacte dans le tissu osseux subjacent, sans interrompre la continuité de l’os […], résultat de l’action d’un projectile mousse, lancé peut-être par une fronde […]. Un coup de corne, un coup de défense d’éléphant [sic] auraient très bien pu produire le même effet 116 ».

En revanche, au niveau du crâne, Louis Lartet signale « some alterations from desease » : « Le diploé est mis à nu 117. Le bord extérieur decette dépression est plus épais que le bord interne, et tout ici nous amène àsupposer que l’os frontal a été atteint par la carie durant la vie 118 ».

b. Carie osseuse et traces de rachitisme

La même année, comme L. Lartet, le Dr Pruner-Bey affirme le caractère pathologique des lésions les plus évidentes, c’est-à-dire « la carie qui a entamé le côté droit du front et les alvéoles de la mandibule 119 ». Considérant les autres lésions frappant notamment les côtes, les os longs des membres, les métatarsiens et les phalanges, et, essayant de relier ses diverses observations, il y voit une atteinte diffuse, en l’espèce « des traces de rachitisme 120 ». Ce que son confrère Broca s’empresse de contester 121.

c. Coup de hache, d’épieu ou de massue, ostéite post-traumatique, syphilis ou encore érosion posthume

En 1881, Jules Le Baron, étudiant en médecine, reprend l’examen de cet homme de Cro-Magnon. Il attribue la lésion frontale successivement à un coup de hache ou d’une autre arme, une ostéite post-traumatique, une gomme syphilitique 122 ou, plus simplement, une érosion post-mortem. Sa thèse est le premier ouvrage français de paléopathologie.

La conclusion est prudente : « Chacune de ces hypothèses peut être vraie. La certitude, nous ne la possèderons probablement jamais ». Chemin faisant, il a noté, au niveau du bassin, au-dessus du cotyle gauche 123, « une cavité sphérique à fond criblé de trous », évoquant, pour lui, la trace d’un coup d’épieu, tandis que la lésion du fémur gauche, attribuée par Broca à un projectile émoussé ou à un coup de corne, serait plutôt celle d’un coup de massue 124.

Presque tous ces diagnostics font intervenir des traumatismes. Ils cadrent bien avec l’idée que l’on se faisait alors de la dangereuse vie de nos ancêtres, sans cesse aux prises avec leurs semblables ou avec des animaux.

 

 

d. Abcès ou kyste de la mandibule

En 1922, le Dr Pierre Bouvet, dans sa thèse de Médecine soutenue à

Paris sur les lésions dentaires préhistoriques, revient sur la lésion de l’hémimandibule gauche 125. Il évoque une abcédation alvéolo-dentaire et conclut : « Le célèbre crâne de Cro-Magnon a été si altéré par son séjour dans le sol qu’il est très difficile de faire la part de ces altérations posthumes avec celles de lésions pathologiques […]. Au maxillaire inférieur, une cavité paraît être due à un kyste ou à un abcès ; la région des prémolaires et molaires est très altérée et il est difficile de préciser l’origine de la perte de substance et des modifications du tissu que l’on constate ». En outre, ce jeune médecin signale que « quelques fragments de dents et de racines persistent » et que la deuxième molaire supérieure gauche est réduite à l’état de chicot, alors que la denture robuste de la femme de Cro-Magnon ne présente pas de trace d’altération pathologique 126.

…..

f. Arthrite et ostéite

En 1965, le Dr Henri V. Vallois et Mme G. Billy inventorient les vestiges osseux découverts dans l’abri de Cro-Magnon et attribuent 36 os, complets ou non, au squelette n° 1. L’âge de celui-ci, d’après l’état des sutures crâniennes et des arcades dentaires, est estimé à 50 ans, au grand maximum. Le surnom de « vieillard » est donc indu.

Les lésions alvéolo-dentaires sont attribuées à « une polyarthrite particulièrement développée 128 », étonnant les auteurs : « On a l’impression qu’un énorme abcès a détruit, non seulement la paroi antérieure des alvéoles, mais la majeure partie de ces cavités ». Les autres lésions osseuses sont au nombre d’une douzaine et sont étudiées séparément sans essayer de les regrouper en une seule maladie.

Pour la lésion frontale, « l’idée d’une origine pathologique ne doit pas être exclue ». Les 5 vertèbres lombaires semblent frappées d’une « ostéo-arthrite chronique 129 ». La petite cavité sphérique de la hanche gauche, découverte par J. Le Baron, paraît « résultant d’un processus inflammatoire localisé », ce qui ne signifie pas grand-chose. Enfin, ces auteurs signalent, au niveau de la hanche droite, en arrière du cotyle, « une profonde dépression ovalaire à fond irrégulier [qui] résulte certainement d’une ostéite suppurée 130 ».

 

g. Actinomycose

En 1967, le chirurgien orthopédiste Jean Dastugue publie les résultats de son étude. Elle est consacrée à la seule pathologie des sujets de Cro-Magnonet a été effectuée à la demande des auteurs précédents. Le grand mérite de ce médecin a été de regrouper les lésions du frontal, de la mandibule, des deux os iliaques, du fémur gauche et du tibia droit.

Ces lésions ont, selon lui, trois caractères communs :

1 - elles attaquent l’os de dehors en dedans, respectant la corticale interne;

2 - elles n’entraînent pas de réaction périostée de voisinage ;

3 - la réaction vasculaire consécutive est « discrète et inégale ».

Il procède à un diagnostic différentiel et élimine donc

 es grandes maladies osseuses : ostéomyélite, syphilis, tuberculose, cancer, échinococcose. Il conclut au diagnostic d’actinomycose osseuse, car « il paraît difficile de trouver meilleure concordance avec les constations faites sur le sujet n° 1 (131) ». Il attribue ces lésions à un « champignon », Actinomyces bovis, originaire de la cavité buccale du sujet ou de la manducation de végétaux infestés.

Aujourd’hui, ce diagnostic n’est pas évident pour deux raisons :

1 -l’actinomycose humaine est mieux connue et son nom est trompeur. Cette maladie rare, décrite en 1879, est en fait due à une bactérie filamenteuse anaérobie Gram + (Actinomyces israelii), assez proche mais distincte d’Actinomyces bovis, agent de l’actinomycose bovine.

2 - Cette pseudomycose, habituellement présente dans la bouche, provoque la formation d’abcès chroniques, à localisation surtout cervico-faciales (pouvant envahir le périoste), thoracique, abdominale, pelvienne, hépatique, cérébrale et vertébrale, traduisant un grave envahissement par voie sanguine et s’ouvrant par de multiples fistules. Ce sont cette atteinte (cervico-faciale, vertébrale et autre) qui ont dû faire évoquer ce diagnostic rare et plutôt inattendu au Dr Dastugue. En outre, l’auteur signalait, sur ce sujet n° 1, une « spondylose » d’une vertèbre cervicale 132 et surtout de deux vertèbres lombaires, dont on reparlera.

Il mentionnait aussi une lésion de l’extrémité inférieure d’un tibia, faisant évoquer une ossification du ligament fibulo-tibial postérieur consécutive à une entorse grave 133, et une phalangette d’orteil montrant une surface articulaire pathologique (sans étiologie évidente)

………….

i.Histiocytose langerhansienne

 

Le diagnostic d’histiocytose proposé par P.-L. Thillaud est très convaincant. Sous le nom d’histiocytose langerhansienne est décrite désormais une série d’entités cliniques peu fréquentes 142, d’aspects et de pronostics très variés, ayant en commun une infiltration importante (granulome) des tissus concernés par des cellules de Langerhans (ou histiocytes) 143.

Elle peut donner :

1 - des formes localisées, osseuse ou pulmonaire 144 ; 2 - des formes multifocales, telles le granulome éosinophile multifocal (comme ici) ...  il est noté qu cette maladie peut induire « un tassement des corps vertébraux (vertebra plana), avec, en principe, respect du mur postérieur 148 et des disques intervertébraux 149 ».

photo 10

Fig. 11. Histiocytose langerhansienne.
La même prolifération des cellules de
Langerhans atteignait le « vieillard » de
Cro-Magnon.

 

CONCLUSION :

 

En conclusion, cet homme de Cro-Magnon est aujourd’hui bien daté du Gravettien, plus probablement ancien que moyen. L’abri de Cro-Magnon entretient d’étroites relations avec l’abri Pataud, son voisin.

Nous avons tendance à considérer l’homme de Cro-Magnon comme un athlète de haute taille, familier des longues courses et des chasses prolongées.

En fait, notre quadragénaire de Cro-Magnon boitait du fait d’une sévère séquelle d’entorse de la cheville. De surcroît, depuis son adolescence, il était un peu handicapé par quelques douleurs liées à une lacune qui tuméfiait son front. Il était un peu voûté par des tassements vertébraux et il était contraint de mastiquer du côté droit de sa mâchoire du fait du mauvais état de son hémi-mandibule gauche...

Ces derniers troubles étaient dus à une histiocytose langerhansienne, ainsi nommée parce qu’un biologiste berlinois, Paul Langerhans, avait découvert ces curieuses cellules en 1868, l’année même où deux Périgourdins avaient exhumés les squelettes enfouis à Cro-Magnon…

B. D. 150 et G. D. 151

 

 

150. Docteur en Préhistoire, ancien directeur du musée de site de l’abri Pataud, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle.

151. Médecin chef des hôpitaux (H), docteur en Anthropologie et Préhistoire, département de Préhistoire du Muséum national d’histoire naturelle.

gilles.delluc@orange.fr

 

 

crom

Nous connaissons un peu mieux "Crom" grâce à ce beau travail des époux Delluc.

 NOTES DE L'ARTICLE CI-DESSUS:

1. Ce Britannique n’était pas banquier comme on le dit parfois, mais fabricant de chapeaux (GUICHARD, 1982).

* Les documents iconographiques présentés dans cette rubrique sont archivés à la SHAP.

2. É. Lartet meurt en 1871 et H. Christy en 1865.

3. Aujourd’hui nommée rue de Tayac. Avant les travaux, « un chemin coupait la partie détruite de l’abri avant de rejoindre dans les bois la vieille route des Eyzies », qui gagnait le Port de Laugerie, en rive gauche de la Vézère. Là, un bac permettait de joindre, en rive droite, la route de Périgueux (BOUCHUD, 1966 ; carte de Belleyme, n°23 et cadastre dit napoléonien, 1832).

4. Cette légende est apparue très tôt et fut même reprise par J. Bouchud, pourtant bon connaisseur des lieux, qui citait « l’aménagement d’une nouvelle route lors [sic] de la construction de la ligne de chemin de fer Périgueux-Agen » (BOUCHUD, 1966, p. 25). La voie ferrée existait en fait

depuis le début d’août 1863, date d’inauguration de la ligne qui vit arriver peu après É. Lartet et H. Christy (DELLUC, 2001).

5 GIROD et MASSÉNAT, 1900, p. 10.

6. Future Compagnie du Paris-Orléans ou P.O. L’entreprise Bernard frères assurait les travaux. Trois trajets avaient été proposés. Le trajet Est fut choisi. À l’ouest, les deux autres (via Mussidan et via Vergt) auraient évité les Eyzies.

7. LARTET, 1869b, p. 137 et fi g. 3, p. 136.

8. Dessin d’après M. Sinsou, agent voyer en chef, coll. de la Société historique et archéologique

du Périgord (DELLUC, 1984, 2001 et surtout 2008).

9. Cro veut dire trou en occitan.

10. LARTET, 1868a et b et 1869a et b ; BOUCHUD, 1966, p. 29.

11. 3 m au lieu de 10 m environ pour une longueur d’une quinzaine de mètres.

12. BOUCHUD, 1966 ; DELLUC, 2001. L’auvent rocheux, soutenu par un pilier de maçonnerie, s’effondra bientôt et les éboulis furent enlevés. Un hôtel et des maisons furent construits à une quarantaine de mètres à droite de l’abri abandonné. En 1964, le site, encore masqué par des constructions utilitaires vétustes, fut restauré et muni d’une clôture par la municipalité des Eyzies-de- Tayac et inauguré le 8 août 1965 (BOUCHUD, 1965). Longtemps oublié depuis, il fait actuellement l’objet d’un aménagement muséal par M. Jean-Max Touron.

13. Entre temps, il avait prévenu l’ex-chef de chantier d’É. Lartet, Alain Laganne. Peu de jours plus tard, ce dernier recueille, « devant MM Joly et Simon, de Périgueux, deux crânes et quelques autres ossements humains, ainsi que des os de renne travaillés et de nombreux silex taillés » (LARTET,

1869b). Ce Joly est le Dr Édouard Galy (1814-1887), conservateur du musée de la Dordogne depuis 1856, président de la Société d’Agriculture, futur président de la Société historique et archéologique du Périgord (lors de sa création en 1874) et maire de Périgueux. On peut lire le compte-rendu de sa visite dans les Annales de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Dordogne, t. 29, p. 690 (séance du 2 avril 1868), signalant « sept squelettes […], d’une race intelligente et forte […]. On sourit

en pensant aux excentricités de Darwin et il n’est plus question ni de singes ni de brachycéphales.

Les principales pièces ont été envoyées à S. Exc. M. Duruy, mais en réservant la propriété au musée départemental de la Dordogne. L’académie des Sciences a été saisie de la question et M. L. Lartet a été envoyé pour continuer les fouilles ». Simon est sans doute son collègue le Dr Achille Simon, maire de Ribérac et conseiller général, qui publie de nombreux articles sur la vie en Dordogne.

14. Il étudiera cependant la faune de Cro-Magnon notamment pour les Reliquiae aquitanicae.

15. Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III de 1863 à 1869, est intervenu dans ce choix. Fondateur de l’École pratique des hautes études le 31 juillet 1868, il abandonnera son poste ministériel un an plus tard. Le ministère donnera les pièces recueillies au Muséum d’histoire

naturelle de Paris.

16. LARTET, 1868a et b et 1869a et b.

17. À la suite d’un oubli de virgule dans son texte, Lartet (1869a et b, p. 140) semble indiquer 0,5 m d’épaisseur pour la « très-mince » couche J. Il faut certainement attribuer cette épaisseur à la couche I, ce que confirme bien sa coupe.

18. LARTET, 1868b, pl. XIX et XX et p. 83-88.

19. En 1869, É. Cartailhac est devenu le directeur de cette revue fondée par G. de Mortillet.

20. LARTET, 1869a, planche IV.

30. DELLUC, 1989.

31. DELPORTE, 1989 ; HUREL, 2011.

32. BREUIL, 1907a, p. 37-47.

33. BREUIL, 1913.

34. Fils de François et co-inventeur de la grotte ornée de la Mouthe en 1895, pour le compte du

Dr Rivière. D. Peyrony signale « sa gracieuseté habituelle » (PEYRONY, 1908, p. 2).

35. « Non loin de l’abri éponyme », note A. Roussot (s. d.). En fait, on verra que D. Peyrony va continuer la fouille de H. Breuil.

36. Breuil, autobiographie, dans HUREL, 2011.

40. Des squelettes chalcolithiques y avaient été superposés aux couches aurignaciennes.

41. HENRY-GAMBIER, 2002b.

 

45. En 1912, Paul de Mortillet fera une description confuse, mélangeant les observations précédentes et la conclusion de son père : « L’hôtel de la Gare [à l’est de l’abri] est construit au pied de l’abri qui contenait à la base une couche solutréenne, avec grattoirs, pointes à cran et une pointe

en feuille de laurier, et, au-dessus, une couche magdalénienne avec silex taillés, lissoirs et pointes de sagaies à fente en bois de renne ». Le fond de l’abri « renfermait une sépulture robenhausienne, reposant sur une importante assise magdalénienne remaniée » (MORTILLET, 1912, p. 115). P. Girod, en 1900, mélangeant l’opinion de Mortillet et celle de Massénat, il conclut à une sépulture néolithique sur un gisement solutréen (Préface, dans GIROD et MASSÉNAT, 1900).

46. RIVIÈRE, 1894. A. Roussot indique « à droite de l’abri éponyme » (ROUSSOT, s. d.).

47. RIVIÈRE, 1894, p. 198-199.

48. A. Roussot indique « sous le rocher » (ROUSSOT, s. d).

60. SONNEVILLE-BORDES, 1960, p. 71-73.

 

65. VANDERMEERSCH, 1988, p. 273 ; TABORIN et THIÉBAULT, 1988, p. 272.

69. Ce praticien, membre de la Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies

(SERPE) nous confi rma le fait lors d’un colloque organisé en Espagne (à Llanes, Asturies, en 1974),

en présence notamment de Jean Guichard, conservateur du musée des Eyzies, et d’Arlette Leroi-Gourhan. Sa collection est au Laténium de Neuchâtel.

70. Il avait épousé l’arrière-petite-fille de F. Berthoumeyrou, fi lle de la propriétaire des lieux.

71. BOUCHUD, 1966. Cette couche est nommée par lui « Périgordien supérieur ou Périgordien IV »

à la façon de D. Peyrony.

72. Faite de petits éboulis calcaires marquant une recrudescence du froid sec.

73. BOUCHUD, 1966.

74. BOUCHUD, 1966, p. 35.

75. MOVIUS, 1969.

76. Par exemple, par H. Delporte (DELPORTE, 1993).

77. Rapporté par HENRY-GAMBIER, 2002a et b.

78. À condition de ne pas utiliser de flash…

79. DELLUC, 2001, p. 217, note 11 et 2008, p. 40.

80. VALLOIS, 1970, p. 16-17.

81. Essentiellement 300 littorines (Littorina littorea), alias bigorneaux, d’origine atlantique et non fossiles, toutes percées et associées à la sépulture, et aussi 5 Nucella lapillus, 4 Turritella communis (fossiles), etc. (LARTET, 1869 ; TABORIN, 1993, p. 427). Les littorines ont été dispersées dans divers musées de France à la demande de V. Duruy.

82. Littorine de la collection Lartet (MAN, Saint-Germain-en-Laye). Beta Analytic INC RadiocarbonDating Service, Miami, USA, juillet 2001.

83. HENRY-GAMBIER, 2002a, p. 99.

84. HENRY-GAMBIER, 2002a, p. 99.

85. HENRY-GAMBIER, 2002b, p. 202-203.

86. VIALOU, 2004, p. 502.

87. BOUCHUD, 1966, p. 32.

88. BOUCHUD, 1966, p. 33.

96. BOUCHUD, 1966, p. 35.

97. BRICKER, 1995, p. 149 et 157.

98. BOUCHUD, 1966, p. 36.

99. LARTET, 1869a et b ; TABORIN, 1993, p. 427.

100. VERCOUTÈRE, 2004, p. 165.

101. VERCOUTÈRE, 2004, p. 211.

102. HENRY-GAMBIER, 2002a et b.

103. BRICKER, 1995, p. 29 (liste des nombreuses datations C14 effectuées pour tous les niveaux de l’abri Pataud).

104. DELLUC, 2001.

105. Étude effectuée le 9 avril 2013 : nous remercions de son accueil M. Guillaume Fleury,

responsable des collections de Préhistoire du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse.

107. QUATREFAGES et HAMY, 1874. Aujourd’hui on dit Bad Cannstatt (Bade-Wurtemberg). On y avait trouvé en 1700 un crâne incomplet (front étroit et fuyant, arcades sourcilières très saillantes), dont la nature préhistorique fut reconnue vers 1835. L. Testut ajoutera en 1889 la race esquimoïde de Chancelade et R. Verneau en 1906 celle, négroïde, de Grimaldi. Cette classification très française est abandonnée et le mot « race » est désormais réservé aux animaux d’élevage.

108. D’après les ouvriers, il y aurait eu au moins une quinzaine de squelettes découverts lors des travaux (BOUCHUD, 1966). Une courte note manuscrite, ancienne et anonyme, du Muséum d’histoire naturelle de Toulouse indique : « Une station humaine d’une longue durée avait exhaussé le sol jusqu’à la voûte. Par-dessus on avait mis sept squelettes humains. Lartet, arrivé trop tard, ne put sauver qu’une partie de ces précieux. » Les 5 squelettes conservés proviennent de la partie

supérieure du gisement, rassemblés contre le rocher (LARTET, 1869a, p. 104, fig. 6 ; BOUCHUD, 1966,

fi g. 2).

109. HENRY-GAMBIER et coll., 2006.

110. LARTET, 1868a et b. 263

111. LARTET L., dans LARTET & CHRISTY, 1865-1875.

112. BROCA, 1872 ; PALES, 1930, p. 69-70 ; VALLOIS, 1970, p. 14.

113. DASTUGUE, 1967 et 1968.

114. Originaire de Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), on lui doit la localisation de l’aire de Broca (zone dont la destruction entraîne l’aphasie motrice ou perte de l’expression motrice du langage) et de nombreux travaux sur les trépanations. Il est le fondateur de l’anthropologie française et de la Société d’Anthropologie de Paris.

115. Le démographe L.-A. Bertillon et les médecins anthropologues Pruner-Bey et G. Lagneau interviennent à sa suite à la Société d’Anthropologie.

116. BROCA, 1868. Sur le « foyer » inférieur décrit par L. Lartet, gisait un fragment de défense de mammouth (LARTET, 1868a et b).

117. Diploé : os spongieux situé entre la table externe et la table interne de la voûte du crâne,

faites d’os compact.

118. L. Lartet dans LARTET & CHRISTY, 1865-1875. Le vieux terme « carie » est pris dans le sens de destruction osseuse progressive ou ostéolyse. Ce terme est aujourd’hui réservé à l’art dentaire.

119. Pruner-Bey, nommé ainsi depuis son séjour en Égypte, était Franz Ignaz Pruner (1808-1882), médecin et anthropologue bavarois. En 1864, il avait été président de la Société d’anthropologie de

Paris, fondée par Broca.

120. PRUNER-BEY, 1868a et b.

121. BROCA, 1868.

122. Nodosité hypodermique sub-aiguë que l’on voyait dans la syphilis très avancée, si fréquente

au XIXe siècle. Classiquement, on admet que cette maladie vénérienne ne serait apparue en Europe

qu’après la découverte de l’Amérique.

123. Le cotyle ou acetabulum est la cavité articulaire de l’os iliaque (os coxal) où se loge la tête

du fémur.

124. LE BARON, 1881. 266

125. BOUVET, 1922.

126. Les dents du sujet n°1 de Cro-Magnon font défaut. Elles sont tombées post mortem comme l’avait déjà noté Broca (VALLOIS et BILLY, 1965).

128. Polyarthrite alvéolo-dentaire ou pyorrhée ou parodontose ou parodontopathie : atteinte des éléments de soutien de la dent ou parodonte (gencive, ligament alvéolaire, cément, os alvéolaire), souvent liée à un manque d’hygiène.

131. DASTUGUE, 1967. J. Dastugue, anatomiste, a fondé le laboratoire d’anthropologie de la faculté de médecine de Caen.

132. Lire : arthrose vertébrale.

133. Fibula : anciennement péroné.

142. Prévalence estimée : 1 à 2 pour une population de 100 000 personnes.

143. On ne confondra pas ces cellules de Langerhans avec les cellules des îlots de Langerhans

du pancréas, productrices de l’insuline, qui portent aussi le nom de ce physiologiste berlinois (1847-1888).

144. Cette dernière atteinte survient essentiellement chez le jeune adulte fumeur…

148. Donc un tassement cunéiforme antérieur du corps vertébral, comme dans la maladie de Scheuermann.

149. NGUYEN et TAZI, 2006.

 

 

 

stéle 3

Pour clôre ce chapitre, la plaque commémorative...

 

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