PAGE 76 : VIE ET MORT DU COUVENT DES URSULINES DE SAINTE LIVRADE SUR LOT
Sainte Ursule, par Benozzo Gozzoli , v. 1455-1460.
Il m’a paru nécessaire d’aller rechercher quelques renseignements sur le couvent et l’ordre des Ursulines, un élément de l’Histoire locale Religieuse encore plus méconnu que celle des Pénitents Blancs dont nous avons parlé dans notre page 12 de ce blog (en date du 26/09/2012) et que vous pouvez toujours consulter.
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Le couvent des Ursulines, tel qu'il était: à gauche, le jardin d'agrément, à droite, le potager. En vert, en haut, actuellement le parking du supermarché Casino de Sainte Livrade sur Lot. (Photo: Patrick Garcia)
Cette « curiosité » n’est autre qu’un couvent pour femme de la noblesse, le Couvent des Ursulines. Ce couvent se trouvait appuyé sur la muraille Sud, le long du Bd du Midi.
Le couvent vu d'en face, il était contre la muraille sud, avec son jardin d'agrément à droite et son jadin potager à gauche. En bleu, les douves qui protégeaient les fossés. (Photo: Patrick Garcia)
Son histoire fut brève, puisqu’il fut érigé le 18 avril 1654 et que la Révolution le dispersa, s’en appropria les biens et même ouvrit une rue au travers de ses jardins et de ses bâtiments. Dans cette quête aux infos, on se rend compte qu’internet est un véritable bijou. Si j’avais en possession, depuis une trentaine d’années, la description de ce couvent lors de l’inventaire des biens nationaux à la Révolution, la liste de ses biens, et qui les acheta, même jusqu’au moindre banc ou table ; il me manquait la genèse de cet ordre et qui avait décidé la construction à Ste Livrade, de ce couvent.
Autre vue: en 4 le début de la "rue de Religieuses".
A droite la Porte d'Agen, à gauche une tour de bastionnement protégeait l'angle . (Photo: Patrick Garcia)
C’est ici qu’apparait la « fée Internet » qui m’a permit de retrouver en ligne des grimoires antiques mais….numérisés par divers moyens, Archives Nationales, Google, Vente de livres en ligne, Amazone ou autres… J’ai donc eu accès à ces renseignements nécessaires pour comprendre ce qui avait poussé des seigneurs du XVIIème siècle, à venir établir à Ste Livrade, un tel couvent…
Mais qui étaient les Ursulines. Là, il faut saluer le travail énorme de Marie de Pommereuse, qui publia en 1673, « CHRONIQUES DE L’ORDRE DES URSULINES, Recueillies pour l’usage des religieuses du même ordre… »
Le couvent des Ursulines sur le plan cadastral de l'époque Napoléoniénne. (Plan réalisé par Patrick Garcia)
Cette docte personne a dressé l’histoire de l’ordre crée en « novembre 1535 à Brescia en Lombardie (Italie) par sainte Angèle Merici (1474-1540) » et a fait l’inventaire des différents couvents de l’ordre, dont celui de Ste Livrade, crée par essaimage de celui de St Sever dans les Landes. Je retranscris les passages les plus importants en rectifiant un peu l’orthographe de l’époque mais en le laissant un peu dans « son jus », afin de ne point trop trahir cette merveilleuse prose d’il y a près de quatre siècles. Marie fut l’inspiration d’autres chercheurs, car on retrouve un autre texte inspiré de son œuvre, avec quelques précisions supplémentaires, mais les tournures de phrases sont identiques… Par contre « L'Univers des gens de bien » (culture et comportements des élites urbaines en ...) - Gregory Hanlon – Chez Google Livres, nous apporte un éclairage particulier sur cet ordre qui prône l’épanouissement de la culture générale chez ses pensionnaires. Mais d’autres écrits nous signalent :
« Contrairement aux congrégations catholiques de cette époque, la compagnie de Sainte-Ursule fondée par Angèle Merici est une nouvelle famille de religieuses non cloitrées et n'ayant pas prononcé de vœu public. Ces sœurs sont donc, en fait, des laïques qui se rencontrent souvent pour des congrès et des actes de dévotion, mais ne vivent pas en communauté … »
Cet ordre fut près de cinquante ans « laïc » !
Pour compléter cette recherche, je glisse des photos de la maquette de Ste Livrade au 17ème siècle, qui se trouve dans la tour, photos qui sont du secteur qui nous intéresse, puisqu’il s’agit des différents éléments du couvent, ses jardins, le pont qui enjambait la rue « des Religieuses » , aujourd'hui renommée "Jean Barrand", afin que les moniales ne puissent voir le monde extérieur et vice-versa. Outre les photos de la maquette, je joins celle du plan cadastral « dit de Napoléon », du secteur, il permet d
juger à la fin de la Révolution, l’état et la disposition des bâtiments qui englobaient le couvent. Cette compilation permettra à de nombreux livradais, mais aussi à des amateurs d’histoire où qu’ils soient, je tiens à saluer ici ses lecteurs étrangers qui m’ont fait l’honneur de me livrer leurs sentiments positifs au sujet de ce blog (aux USA, Canada, Afrique et Europe) de comprendre un peu mieux comment est né, a vécu, et a disparu, ce couvent dont quelques rues attestent encore de la brève existence…
QUELQUES DOCUMENTS
Couverture du livre de Marie Pommereuse. (Repro: Patrick Garcia)
Marie de Pommereuse
« L'an 1654. SAINTE L IVRADE.
Il ne s'est fait aucun Etablissement de l'Ordre de Sainte Ursule dans l'année 1653. C'est pourquoy nous venons à celle-cy (Ste Livrade) , où la piété de Mr Jean Donzon de Bourran, Conseiller du Roy Président en la Cour des Aydes de Guienne , Seigneur de Rogé & de Marsac : & de Madame Anne de Montelambert son Epouse , fut cause de la fondation des Ursulines dans la ville de Sainte Livrade en Agenois : Car eux deux voyans qu'ils avoient (un grand ) nombre d'enfants , ils eurent dessein de faire un Monastere, & pour ce sujet ils envoyèrent trois de leurs filles en pension aux Ursulines de St. Sever, ville de Gascogne , pour y prendre les principes du Christianisme , & de la vie Religieuse , si Dieu les y appellait , pendant que l'on traiterait les affaires de la fondation ; laquelle étant conclue l'an 1653.
Dans le mois de Septembre, Madame la Présidente de Bourran retira ses trois filles, de S. Sever, & en obtint trois Professes, qui sortirent du Couvent, nonobstant les oppositions de la ville de S. Sever, & prirent leur route vers Agen. A la premiére journée de leur départ, le chemin se trouva plein de gens-d'armes & de contagion: ce qui effraya fort les Religieuses, et les obligea de faire un vœu à accomplir dans l'Eglise de Nostre Dame de Bon-rencontre (Bon Encontre). Ce vœu ne fut pas plutot prononcé, qu'un Capitaine Hérétique, les tira du péril, & les conduisit jusqu’a la rivière de Garonne, qui bornait les courses de l'armée. Apres elles furent arretées par la Présidente leur Fondatrice en fon Château de Roger environ quatre mois, puis le 21 de janvier de cette année 1654. elles entrèrent dans la ville (de Ste Livrade) , munies de l'Obédience de Monseigneur d’Elbene, Evesque & Comte d'Agen, & du consentement des Magistrats & du Contrat de fondation, qui portait obligation d'un bâtiment & clôture régulière , avec mille livres de rente perpétuelle ; mais qui depuis ont cité payez en biens ruraux , évaluez à cette somme.
La Mère de Lamouroux Superieure, & Les Religieuses prirent possession de la maison & des places acquises le 18 d'Avril ensuivant, duquel jour on compte l'établissement de ce Monastère. Les trois Demoiselles Melchiore, Françoise, & Marie de Bourran, s'y sont rendues Religieuses; & Madame la Duchesse d'Aiguillon Dame de Sainte Livrade , y a fait plusieurs grâces. Monseigneur Claude Joly, le présent Évêque d'Agen , dont le mérite est connu par toute la France , après avoir fait deux fois la visite dans ce Convent , en est demeuré si satisfait , s'en est expliqué à beaucoup de personnes de vertue…. »
Présentation de son livre par l'auteur.... (Photo: Patrick Garcia)
Les deux photos ci-dessus: l'Hymne des Ursulines, avec les paroles et la musique. (Photos: Patrick Garcia)
Le texte complet de l'Hymne, presque "guerrier".... (Photos: Patrick Garcia)
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Autre texte similaire :
Façade des ursulines ((Photo: Patrick Garcia)
Idem. (Photo: Patrick Garcia)
La rue des Religieuses avec en dessin, le pont qui reliait les deux parties du couvent et qui enjambait la rue afin de protéger les moniales de la vue des passants... (Photo: Patrick Garcia)
Un nom "inconnu" a remplaçé le nom bien plus évocateur des "Religieuses"...
Bien? ou Mal?... Histoire, tu nous glisse entre les doigts....
(Photo: Patrick Garcia)
Par Bacelet
Du Monastère de sainte-Livrade, second de Saint-Sever.
« Les Ursulines de Saint-Sever, après les quinze ans qui ans s'étaient écoulés depuis la Fondation de leur Monastère de Marsan, ne pensaient certainement plus à s’étendre ailleurs, lorsque l'an 1653, Jean Donzon de Bourran, Président en la Cour des Aides de Guienne & Anne de Montélambert , son épouse , vinrent leur proposer un nouvel Établissement pour la petite Ville de Sainte-Livrade , au Diocèse d'Agen.
Leur Château de Rogé n'en était pas fort éloigné ; & comme ils se voyaient un bon nombre d'enfants, ils avaient concerté ensemble de fonder à Sainte-Livrade un Monastère d'Ursulines, afin d'y placer trois de leurs filles, qui montraient d'ailleurs quelque inclination pour la Vie Religieuse.
La Mère, Anne de Lamouroux, dont nous avons parlé ci-dessus, était alors Prieure du Monastère de Saint -Sever.
Même à Beaulieu sur Dordogne (24), les Ursulines ont laissé trace de leur travail. (Photo: Patrick Garcia)
Elle reçut la proposition des Fondateurs avec autant de surprise que de reconnaissance, mais elle ne s'engagea avec eux qu'autant qu'ils obtiendraient, avant toutes choses, l'agrément de M. d’Ebène, Evêque d'Agen, & de M. le Duc d’Aiguillon, Seigneur de Sainte-Livrade.
M. & Madame de Bourran, qui ne doutaient nullement du succès, le lui promirent volontiers; & comme ils ne voulaient point perdre de temps, ils envoyèrent sur le champ leurs trois Demoiselles au Pensionnat de Saint-Sever, afin de les former d'avance à la Vie Monastique, tandis que ce leur côté ils négocieraient l'affaire de la Fondation.
Tout fut conclu au mois de Septembre 1653 ; & la Présidente de Bourran vint elle-même en apporter la nouvelle à la Mère de Lamouroux, qui lui promit aussitôt trois de ses Professes pour le nouvel Établissement.
Une derniére vue du cadastre de l'endroit dessiné entre la Révolution et 1812. (Photo: Patrick Garcia)
Cependant les parents des Religieuses, & la Ville même de Saint-Sever paraissaient vouloir s'opposer a leur départ. Il fallut que Madame de Bourran, fit ici tout l'usage de fort éloquence. Elle vint enfin à bout de lever tous les obstacles, & sur la parole expresse qu'on lui avait donné, elle prit les devants avec ses filles qu'elle ramena au Château de Rogé en attendant l'arrivée des Ursulines.
La Mere de Lamouroux n'avait garde de manquer à ses engagements. Elle arriva peu de temps après à Rogé avec les trois Religieuses Institutrices ; & après y être restées jusqu'au 21 Janvier 1654, elles se rendirent à Sainte-Livrade ; où elles entrèrent au milieu des acclamations publiques.
Mais la Ville n'applaudit pas moins à la pieuse générosité de M. & Madame de Bourran. Ils s’obligeaient, par acte de Fondation, d'acheter une maison au profit des Ursulines, de lui faire donner la forme convenable à leurs exercices , & de leur payer une rente annuelle de 1000 liv. à perpétuité.
La maison fut achetée peu de jours après. On se mit aussitôt à y faire les réparations & dispositions nécessaires; & les Religieuses, qu'on n'avait pu loger d'abord que dans un bâtiment d’emprunt, firent tellement presser les ouvriers , Qu’elle allèrent en prendre possession le 18 suivant.
C’est là la véritable époque de cet Etablissement. Cependant, la Mere de Lamouroux ne put y mettre entièrement la clôture Monastique qu'à la fin du mois ; & on commença, dès le jour même, à y ouvrir les Classes pour les filles externes. Déjà le Pensionnat était garni de quelques Pensionnaires ; & les trois Demoiselles de Bourran, qui étaient encore jeunes, y avoient été introduites les premières. Elles demandèrent l'année suivante, à entrer au Noviciat; & elles se sont depuis rendu Religieuses avec toutes les marques de la plus solide vocation.
Ce Monastère était tellement régulier & si bien composé, qu'il conserva toujours l'estime & la considération publique. Madame la Duchesse d'Aiguillon en particulier donnait souvent aux Ursulines des marques de sa bienveillance ; & M. Claude Joly, qui fut depuis Evêque d’Agen, ne parlait des Professes de fon temps, que dans les termes les plus respectueux & les plus honorables. On sait que ce pieux Prélat, natif du Diocèse de Verdun, avait été auparavant Curé de St. Nicolas des Champs à Paris, & ensuite Evêque de St. Pol-de-Léon. M. Joly passa pour un des plus célèbre Prédicateur de son siècle ; & ses Prônes & Sermons font encore estimé ; mais ils ne font point tels qu'il les prononçait. Il mourut en 1678, âgé de 68 ans. »
PATRICK GARCIA