Salle d'apparat à Reignac. (Photo: Patrick Garcia)

 Je suis revenu estomaqué d’un petit périple en Dordogne entre les Eyzies et Montignac, où j’ai visité une « Maison Forte » (un petit château), celle de Reignac. En effet, nous qui aimons l’Histoire, et comme je dis souvent « La machine à remonter le temps », sommes toujours dans la recherche d’émotions, de senteurs, de sensations, d’impressions….qui pourraient nous restituer telle ou telle époque.

Comment vivaient-ils ? Que faisaient-ils ? Combien étaient-ils dans un petit château pour assurer le quotidien, y vivre et se défendre ?

   Et bien si vous voulez connaître une telle expérience, un moment inoubliable, je vais essayer de vous faire « la visite », telle que je l’ai vécu et vous réagirez peut être comme moi, en vous disant : « Whao…. C’était donc comme ça ???? »

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 Plaqué et comme vissé à la falaise, le castel de Reignac tel que nous le découvrons au passage de la poterne d'entrée. (Photo: Patrick Garcia)

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 Que dire de plus? Simplement vous décrire mes sensations lors de la visite...  (Photo: Patrick Garcia)

 DEPUIS CRO-MAGNON :

Ce castel est accroché à la falaise, à mi-hauteur, et quand je l’ai vu la première fois, je n’ai pu m’empêcher de me dire : « Il n’est pas bien grand… »

 C’est que l’édifice est « plaqué » sur une série de grandes cavités naturelles où ont été construites toutes les pièces, et c’est aussi dans la falaise, que d’autres ont vu le jour, comme le cachot ou la chapelle seigneuriale… Ce château-falaise domine la vallée de la Vézère et son seigneur, chevalier et comte, possédait, surveillait, une vingtaine de métairies. Ce matin-là, il faisait assez froid, puisqu’il avait gelé après plusieurs jours de pluie et crachin. Par un petit miracle, le soleil était là, mais inaccessible, puisque le château face à l’ouest et, dos à la falaise, serait dans l’ombre jusqu’à passer midi. Il devait donc y faire très froid…

Un petit raidillon, des restes de murs de remparts et sous la porte en forme d’ogive la première impression que finalement, cette haute falaise est impressionnante et qu’il vaut mieux qu’elle n’engloutisse pas le castel aujourd’hui… « Les murs doivent être dur à chauffer ! » me dis-je en souriant…

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 Les cuisines de Reignac, la cheminée fume, fruits et pains sont à portée de gourmandise...  (Photo: Patrick Garcia)

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 Hummmmmmmm  (Photo: Patrick Garcia)

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A table!!!!!!  (Photo: Patrick Garcia)

Enfin, muni de mon ticket, je pousse la lourde porte marron munie de fortes ferrures du logis, un petit couloir édifié entre falaise et mur de pierres. « Tiens, étonnant, me dis-je, il me semble sentir des odeurs de fumée… » Une première pièce à droite : « la Souillarde », la pièce où l’on faisait lever le pain, où les provisions étaient entreposées, mais aussi la pièce où la personne chargée de la lessive et de la vaisselle (le souillon) officiait. Des tonneaux, des jarres, des « mortiers » à farine, de gros vases à cuire en fonte ou en cuivre… Passons la porte et … « Oups…. Mais le château est habité ! » Il y a du feu dans la cheminée, des fruits dans des corbeilles sur les meubles, des oignons dans une panière, des saucissons pendent au plafond, des « tourtes » de pain entreposées ici, l’ail sur la table, sous la  lampe à pétrole qui éclaire modestement ce lieu de travail. Dans un angle au sol, un petit réceptacle  récupère les eaux qui sourdent de la falaise, tandis qu’au-dessus un beau jambon finit de sécher près de trois écumoires et louches de laiton. L’œil ne sait où se poser….

C’est le secret du château : laisser penser que les habitants nous fuient au fur et à mesure de notre avance, laissant derrière eux les objets courants de la vie quotidienne… Nous fuient tous ? Non, puisque que deux jolis matous se prélassent autour de nous, le poil brillant et l’œil malicieux, ils donnent encore plus de vie à cette demeure. Aux murs, des trophées, brochet, sanglier, chevreuils… Des ustensiles de cuivre ou d’étain, hors d’atteinte des rongeurs, une dizaine de belles « tourtes » sont rangées sur un présentoir accroché au plafond… Partout des meubles anciens, cirés et « cussonés » et dans l’embrasure de la fenêtre, de vieux fers à repasser, moulins à café, chaufferettes… Dans la cheminée, sous la potence, boue une cocotte en fonte, les parois servent à suspendre des objets du quotidien, balance romaine, grille-pain, louches et tourne broche… Le sol, comme dans tout le château est en « pisé » composé des milliers de cailloux tronconiques plantés verticalement, sorte de « mosaïque du pauvre ». Avant d’aller plus loin, je jette un regard vers l’antique cuisinière-four en pierre, dans un coin, le four au-dessous, servait à chauffer la dalle de pierre creusée pour y recevoir des liquides où des aliments… Elle brille après tant et tant de bons et loyaux services…

Le plus marquant, dans tout cela, c’est le fond sonore… Tout au long de la visite, pour ma part j’y suis resté trois heures !!! Nous sommes accompagnés par des bruits de pas de sabots dans les couloirs, des voix en patois qui chuchotent, le marteau sur l’enclume, plus loin, ce sera, dans les troglodytes, le hurlement du loup, dans les appartements, le grincement d’une porte… Bluffant…

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 Dans la très belle exposition sur la Préhistoire.  (Photo: Patrick Garcia)

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Outils et armement mis en évidence...  (Photo: Patrick Garcia)

 

LES CAVES DE L’HOMME PRÉHISTORIQUE :

Comme le précisent les docs, l’histoire connue de Reignac commence il y a 20 000 ans… A l’image de nombreux escarpements de la vallée de la Vézère connus mondialement, comme le Moustier ou la Madeleine. Les chercheurs au fil de ce siècle passé, ont découvert et exposé une riche collection de silex taillés, des ossements et bois de rennes, d’antilope Saïga ainsi que de nombreuse sagaies du Magdalénien supérieur. En 1964, la mairie de Bordeaux a acquis Reignac afin de permettre au musée d’Aquitaine d’y entreprendre des recherches archéologiques dirigées par Alain Roussot jusqu'en1977. Les résultats de cet immense travail sont sous nos yeux, dans la partie « grotte » qui est le soubassement du castel. Riches vitrines où sont exposées les lames paléolithiques emmanchées sous forme de lances, flèches, grattoirs, racloirs outils de la vie de tous les jours, aiguilles, hameçon, couteaux… Des collections entières de « Vénus de Laussel », « Déesses Mères », de crânes humains des différentes époques du paléolithique, des « trophées » d’animaux vivants à cette époque reculée, mais aussi des explicatifs sur les différentes techniques de production du feu au cours des âges. Dans la caverne, la sono diffuse des sons de fauves ou d’outils en os, des voix rauques… Là une magnifique reconstitution à l’aide de personnages très réalistes d’une chasse au mammouth ou de la construction d’un dolmen… Tout cela est très didactique et bien présenté…

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 vant d'entrer dans les appartements seigneuriaux, une pièce transitoire permet d'admirer le contenu de vitrines achalandées... 

 (Photo: Patrick Garcia)

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 (Photo: Patrick Garcia)

 

RETOUR A LA CIVILISATION DE LA RENAISSANCE :

Après cette avalanche d’informations sur la préhistoire, nous débouchons dans une pièce transitoire sorte d’exposition sur les objets anciens et souvent inconnus pour le profane… Pot à barbe, pince à casser les pains de sucre, ciseaux à tondre les moutons, rasoirs, grelots pour faucons, cadenas du XVIIème, sonnailles pour mules, lampes à huile… Plus haut, une collection d’étriers du 16ème… Un panneau aborde les mesures anciennes, de manière très explicite : le pouce, le pied, la brasse, la lieue…

Dans des vitrines, des grappins pour franchir les murs, des fers de bagnards, des fers de lances, boulets de canon, balles de mousquet en plomb… Ici, une corne à poudre, ici un gant en cotte de maille… Accroché au mur, des fusils de chasse ou même un bouclier-panoplie avec ses haches d’arme et son casque à cornes, à la « Obélix »…

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 Des meubles à couper le souffle.  (Photo: Patrick Garcia)

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 Toujours l'impression que les maîtres des lieux nous épient...  (Photo: Patrick Garcia)

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Objets usuels... (Photo: Patrick Garcia)

Je pousse la porte qui s’offre à moi, et c’est l’éblouissement ! Je débouche dans la salle à manger du château, très richement décorée. Là aussi, il fait relativement doux, la cheminée y est aussi allumée, cette pièce de vie « douillette » est très accueillante. Toute la noblesse des propriétaires y est étalée. Armes et trophées au mur, meubles des plus raffinés, table « de monastère » cernée par des bancs et deux sièges aux deux extrémités. Un bouquet de fleurs et la vaisselle y trônent, aussi aux murs, des tableaux des maîtres en tenue de parade, des écussons, et un curieux meuble à serrure où sont clavés les tourtes de pains à l’abri des « petites faims »… Des comtoises, des vaisselles métalliques en laiton ou en étain, des statues des cierges allumés et d’immenses coffres à linge… 

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  (Photo: Patrick Garcia)

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 Magnifique ouvrage pour garder inviolées les tourtes de pain!  (Photo: Patrick Garcia)

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 Et toujours l'impression que le castel est habité....  (Photo: Patrick Garcia)

Le sol, toujours en « pisé » est lustré par l’usure… Ici, comme ailleurs, dans les murs extérieurs, des « bouches à feu », orifices pour la défense à l’aide du mousquet en cas de siège. Dans l’embrasure de la fenêtre, un évier s’écoule vers l’extérieur, des vases où sont rangées des herbes de Provence.

 

DORTOIR A VALETAILLE ET APPARTEMENT SOMPTUEUX :

A regret, j’avance vers la suite, pour traverser les « communs » où dormaient les principaux employés du château.  Spartiate ! Sous cette avancée de la roche est aménagée une longue et étroite chambre. Quelques bahuts, des lits au sommier en fougères séchées, il n’y a pas de chauffage, mais la hotte de la cheminée de la salle inférieure passe avec son conduit dans la pièce, elle diffuse une agréable température et il est vrai qu’il n’y a pas de traces de salpêtre ou de moisissure… On estime qu’une dizaine de personnes dormaient ici. Le palefrenier, lui, passait ses nuits dans l’écurie avec les chevaux.

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  (Photo: Patrick Garcia)

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  (Photo: Patrick Garcia)

Je continue la visite en montant l’escalier de bois vers le second étage. Là nouveau « choc » avec la découverte de la « chambre des épousailles » où trône encore une belle robe bleu cæruleum séchant sur un fauteuil face à la cheminée… Le nom vient, du fait, parait-il, que c’est ici, dans cette salle d’apparat, que l’on présentait les futurs époux issus du castel… Un canapé en broderie n’attend que le bon vouloir du propriétaire, près d’une nappe monde datée de 1745 et, toujours face à la cheminée. Au fond, près de la fenêtre à meneau, un bureau avec ses parchemins, son encre et la plume, un livre de compte ouvert sous une lampe à pétrole et un bouquet de fleurs…

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 Nouveau "choc", l'endroit est somptueux...(Photo: Patrick Garcia)

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 Une tapisserie de toute beauté....(Photo: Patrick Garcia)

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La robe de la châtelaine est en train de sécher au coin du feu.... (Photo: Patrick Garcia)

 Sûrs….Le propriétaire est là, il vient de sortir à l’instant…pas possible que cet univers ne soit qu’un « musée », tout suinte la vie, ici… Face à la cheminée, de vieux meubles, secrétaires ou bahuts, avec des serrures énormes et imposantes, mettant à l’abri des regards indiscrets, les parchemins qui garantissent les droits des nobles propriétaires. Toujours cette profusion de mobilier de collection, en étain, ou simplement décoratif, comme cette corne à boire, heaume de chevalier ou ce faucon pèlerin…

LE BOUC ET LE CACHOT PRES DE LA CHAPELLE :

 

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Le cachot....(Photo: Patrick Garcia)

 

Sortant de cet univers douillet, j’arrive dans un vestibule orné d’armes du Moyen-Âge. Fléaux, masses d’armes, hache d’arme, épées, ici, cela sent le « féroce ». En effet, à gauche une cellule….  « La Chambre du Bouc » !

 

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 Le "Bouc" de Reignac. (Photo: Patrick Garcia)

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 (Photo: Patrick Garcia)

 D’après les historiens, ici vivait au Moyen-Âge, un personnage malfaisant : « Le Bouc de Reignac ». Sa réputation était connue d’un bout à l’autre de la vallée de la Vézère. Il exerçait avec une particulière méchanceté et férocité son pouvoir de « Cuissage » sur les jeunes filles de la région. L’exiguïté de la pièce (4 m2) ne laissait aucune chance à la malheureuse. Une note précise même sur la porte, qu’il existait un droit de servage obligeant chaque jeune fille pubère d’effectuer pendant quelques semaines un service de «  bonne à tout faire ». C’était l’occasion pour le seigneur, ses fils, voire aussi ses valets, d’abuser de ces jeunes femmes sans défense. Mais aussi que lorsqu’un jeune homme se mariait sans connaître sa future épouse, il était tenu de la présenter pour la première nuit au seigneur ! Ce  « bouc » était aussi soupçonné de détrousser les voyageurs et les marchands à l’aide de ses gens, le visage masqué d’une peau de lapin. Ce secteur est marqué par la tristesse, après la salle de « torture sexuelle » du Bouc, juste à côté est le « Cachot ». Creusé dans le roc, cette prison de 4 m2 est encore pourvue de ses chaines et de ses « menottes ». Aucune fenêtre, donc aucune lumière ne parvenait au prisonnier, et même, le passe-plat était en chicane de manière à ne pouvoir en aucune manière, voir à l’extérieur…. Je tente et rentre à la place du condamné, une cellule détecte ma présence et déclenche l’éclairage, ce cul de basse fosse est effrayant, menotté dans le noir absolu, plaqué contre le mur, le détenu devait compter ses heures….

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 Des objets parfaitement reconnaissables. (Photo: Patrick Garcia)

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 Et nombreux...(Photo: Patrick Garcia)

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Tous de grande classe, comme ces pistolets à silex! (Photo: Patrick Garcia)

 Je passe dans une nouvelle salle, ici, c’est l’univers des armes et de la chasse… Des trophées…. toujours, des sabres des épées, une collection de fusils à silex, à percussion, ou à broche…. Des colliers de chien de chasse avec d’énormes clous ou piques contre les attaques de loups, des pistolets de toutes formes et tous calibres, des colliers et des chaînes  de bagnard, des haches d’armes du 15ème, et toute une foultitude d’objets guerriers qui vont du plastron de parade d’officier de cavalerie, aux sabres et épées de combat, en passant par les massues hérissées de clous aux canes épées…. Tout y est ! Ici, le guerrier est roi ! Des armures brillent de mille feux, des épées à deux mains, mais aussi, des outils de torture !

 

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 Les fameuses cages à Louis XI....(Photo: Patrick Garcia)

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Photo: Patrick Garcia)

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 Paradoxe, deux armures, celle de gauche pour protéger, celle de droite pour martyriser! (Photo: Patrick Garcia)

 Est pendue une des fameuses cages de Louis XI, espèce de cloche à fromage d’un mètre de haut, où le condamné resté prisonnier des années sur ce grillage épais de 1 cm. Une variante est exposée. En gros, c’est une armure en fer forgé…. Le condamné y est enfermé debout, on referme cette prison à claire voie sur lui par un cadenas, et on l’y laisse à satiété, debout, coincé par cette cage qui épouse les formes de son corps….  Breeeeee……

 LES TERRASSES FORTIFIÉES : VOIR ET SE DÉFENDRE :

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 Les"hauts" de Reignac, ici des palissades mobiles en bois, permettaient d'étoffer la défense... (Photo: Patrick Garcia)

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 Notez les panneaux représentant les reconstitutions de l'édifice aux différentes époques, sur la paroi. (Photo: Patrick Garcia)

 Enfin, nous arrivons aux fameuses terrasses, aménagées dans les grottes de la falaise. De là, la vue porte au loin, et des balustrades permettent de circuler en toute sécurité dans ce dédales de salles sous l’aplomb de la falaise. A 40 mètres de haut, ces grottes supérieures et ces deux terrasses reliées par un plancher sur poutre, permettaient d’augmenter la surface habitable de l’édifice et surtout d’en augmenter la défense. Ces terrasses qui ont été remise dans leur l’état du 15ème, avec des « hourds » et des créneaux, permettaient de tirer depuis très haut et de projeter sur les assaillants des pierres, flèches, balles de fronde et tout objet dangereux, en plus des douze ou quinze bouches à feu du castel. Ici trônent 5 grandes vues peintes de la falaise : au paléolithique, en l’an 1000, au Moyen-Âge, à la renaissance, et de nos jours….

LA SALLE DE LA « COMTESSE HEUREUSE » :

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 Une chambre très féminine. (Photo: Patrick Garcia)

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 La belle comtesse...(Photo: Patrick Garcia)

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 Dans l'intimité des propriétaires... (Photo: Patrick Garcia)

Après ce bain d’air frais, je redescends par un escalier abrupt constellé au mur d’armes de guerre, antiques… J’entre dans la « salle de la comtesse… ». Après des sensations de force, de rudesse et parfois même de « d’oppression », nous arrivons ici dans une pièce où trône la frivolité. Lit à poteaux (ou baldaquin), longues robes pendues aux portes de l’armoire, portes en pointes de diamant, portraits partout, meubles raffinés et exquis, dorés à la feuille, statues de marbre, chapeaux empesés et vases de porcelaine, immenses, sont au rendez-vous…. Au mur, un portrait au fusain du comte, cravate et fine moustache… Mais ce qui accroche le regard et fixe l’attention, dans cette pièce, c’est le magnifique portrait de la comtesse au-dessus de la cheminée. 

Ses cheveux châtains « dégoulinent » longuement sur ses frêles épaules enserrées par une robe à fanfreluches. Son regard est étincelant et son front est couronné d’une fine tresse de fleurs… Le portrait d’une jeune femme heureuse… Comme partout, le fond sonore, et la déco hyper réaliste, donnent à penser que nous courrons après les occupants,  « qu’ils sont là…oui Bon Dious, c’est obligé, puisque la cheminée et la lampe fument encore. » En décortiquant le mobilier et les portraits, on s’aperçoit que de nombreuses comtesses sont là, exposées à notre regard inquisiteur. Des portraits plus ou moins réussis, de jeunes ou de vieilles femmes, toutes issues de la noblesse, cela se sent… L’endroit est agréable et douillet, et il va falloir le quitter pour aller visiter le complément à cette visite dans le passé de la noblesse : le musée de la torture.

 MUSÉE DE L’INQUISITION ET DE LA TORTURE :

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 Le musée des tortures.... On sort de là.... raplapla.....(Photo: Patrick Garcia)

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 Un exemple avec la "cigogne à estropier". (Photo: Patrick Garcia)

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 La voici en vrai.... (Photo: Patrick Garcia)

 Depuis plusieurs années, Reignac accueille une exposition internationale sur « L’Inquisition la peine de mort et la Torture » dans les anciennes écuries du château. Les machines, visibles ici, qui vont de la guillotine au casse-tête en passant par la machine à étirer les membres ou les baillons en fer forgé, révèlent une grande barbarie des tortionnaires d’autrefois. Il est vrai que l’écriteau prévenait : « Attention, âmes sensibles et enfants s’abstenir ». Il avait mille fois raison ! Après la douceur et la richesse de la visite du castel, ce retour en « Enfer » est une véritable douche froide ! Comment l’Homme a-t-il pu imaginer cette multitude de tortures ou de mise à mort ? Ici, une sorte de momie en fer s’ouvre en deux, on y introduit le supplicié qui est embroché sur des longues pointes dans le dos et sur le devant de la porte qui se referme sur lui… Une variante, plus simple est de l’introduire dans un tonneau garni des dizaines de clous de dix centimètres et de l’y faire rouler… Plus loin, un chaudron pour faire bouillir le condamné jusqu’à pouvoir lui ôter les os. Un siège à garroter et aussi exposé, tout comme une presse à casser les crânes… Les piloris à brûler les pieds et les mains ou à les couper sont également là, mais la chaise d’inquisition est une des « vedettes » de cette concentration d’objets de malheur. Assis sur des clous, les bras maintenus sur des accoudoirs garnis de clous, le cou pressé sur un dossier rempli de clous, les chevilles écrasées par des vis sur des clous…. Atroce !

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 Le siège du "Garrot". (Photo: Patrick Garcia)

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 La machine à"écraser les crânes".... (Photo: Patrick Garcia)

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 "La vierge en fer" garnie de clous. (Photo: Patrick Garcia)

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 Brrrrr... (Photo: Patrick Garcia)

 LE SALAIRE DU BOURREAU :

On apprend, lors de cette visite, que le bourreau était payé comme suit :

« 60 écus par an, 25 par le roi, 35 par la ville, payables de mois en mois, par avance.

-Pour battre et fustiger dans les carrefours : 20sols.

-Pour pendre et étrangler : 60 sols.

-Couper un poing : 40 sols.

-Pour trancher la langue : 40 sols.

-Pour trancher la tête : 1 écu et 20 sols.

-Même salaire pour pendre le corps aux fourches patibulaires.

-Pour rompre sur la roue : 1 écu et 40 sols ;

-Le double s’il met le corps en quartier et les porte en divers lieux de ville.

-Pour bouillir en eau chaude, vif ou étranglé : 1 écu, 20 sols.

-Pour chaque personne brûlée et consumée en cendres vives ou étranglée : 1écu et 20 sols.

Le bourreau s’approprie les vêtements et les contenus des poches des condamnés. Il loue les bonnes places aux curieux qui se pressent lors des supplices, il revend le sang, les os et autres organes pour les préparations médicinales. »

Sous le coup de l’émotion devant tant de cruauté, devant tous ces appareils de « malheur », devant ces gravures et ces représentations plus que réalistes, je manque de passer sans voir le cahier mis à la disposition des visiteurs, mais revenus à moi- même j’y écris : « subjuguant et envoûtant pour la visite du castel, déstabilisant pour l’exposition sur la torture, très, trop( ?) réaliste….Quel travail !!! »

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 Une chaise à broyer les os garnie de clous! (Photo: Patrick Garcia)

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 La hache du bourreau...(Photo: Patrick Garcia)

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La machine à Guillotin....(Photo: Patrick Garcia)

 

A SALUER :

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Qui pourrait penser que ce castel est si vaste, vu de l'extérieur? Sur les terrasses, se trouvaient des défenses mobiles en bois... (Photo: Patrick Garcia)

 

C’est ce travail extraordinaire de reconstitution, de conservation et d’acquisition réalisé par le nouveau propriétaire, Jean Max Touron, un périgourdin spécialiste de troglodytisme qui racheta en 2005 à la mairie de Bordeaux, la maison-forte de Reignac.  Patiemment, il a remis en état cet écrin qui était resté intact, mais souillé par les blessures du temps, et travaillé à la mise visite du château. Le résultat est là… Le « repaire » est plus vif que jamais, assuré de perdurer car à présent, l’essentiel est fait et préservé, l’élan est donné, il n’y a qu’à noter la ferveur des visiteurs qui, nonobstant le froid et l’humidité, accourent de toute la France pour partir dans la « Machine à Remonter le Temps » de Reignac.

Pour plus de renseignements :

Maison Forte de Reignac

Site et Monument Historiques (entre Les Eyzies et Montignac-Lascaux- Dordogne)

24620- Thursac.

Tel : 05 53 50 69 54

www.maison-forte-reignac.com

info@maison-forte-reignac.com

PATRICK GARCIA