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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
1 février 2014

PAGE 96: LE CHÂTEAU DE MONBAZILLAC EN SUCRE GLACÉ...(DORDOGNE)

château de Monbazillac 24

Le château à l'époque où j'avais le temps de dessiner à l'encre de Chine appuyé sur un des arbres du parc de Monbazillac.

 SOUVENIR...

Comme promis, un coup de cœur, aujourd'hui le château de Monbazillac sous la neige, un conte Agenais, et la suite de nos aventure paysannes au cours des siècles…

  Lors de mon dernier article, j’étais sûr d’avoir trouvé « mon château de la Belle au Bois Dormant » à la « Grande Filolie » (24) Près de Montignac … Mais je suis un peu… désespéré par cet hiver  pluvieux qui nous retire notre part de rêve, nos matins frileux et enrobés de givres, nos toiles d’araignées serties de « diamants glacés », nos matins neigeux quand le « Bon Dieux plumait ses oies »…

 

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Monbazillac dans sa pelisse emmitouflé... (Photo: Patrick Garcia)

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 Dominant une armée de ceps de vigne... (Photo: Patrick Garcia)

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 Et dans la plaine ouatée, Bergerac, de Cyrano la cité... (Photo: Patrick Garcia)

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 Monbazillac en sucre glacé....(Photo: Patrick Garcia)

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 Le kiosque dans son désert glacé. (Photo: Patrick Garcia)

    Oui, la pluie, l’humidité persistante, le manque d’une bonne gelée quotidienne pour ralentir la montée de sève de nos arbres qui vont se faire « plumer » par une gelée tardive, tout cela devient lassant… J’ai donc décidé de faire mon retour sur image, de me plonger avec délice en me prélassant dans la blancheur ouatée d’un hiver normal qui avait paré Monbazillac, un des plus beaux castels de la région, dominant Bergerac,  d’un fin manteau blanc…

  La belle demeure avait pris un gros coup de jeune, le fin duvet avait gommé les traces séculaires en mettant en relief l’architecture militaire, avec ses mâchicoulis et ses toits en poivrière. Tout en rondeurs, il a malgré tout une allure fière, et Cyrano, notre beau Mousquetaire, aurait pu en être le propriétaire…

   Dans un univers de sucre glacé, notre beau repaire, sur son piton solitaire, veillait jalousement Sa vallée emmitouflée d’une pelisse immaculée. Pas un bruit. Pas un Mouvement. Pas un tressaillis, une vibration… Le temps arrêté semblait hésiter… Enfin, comme un ange noir, un corbeau, à tire d’aile, passe et repasse, sur les poivrières frigorifiées, posant sur cette belle demeure, son œil noir et inquisiteur. Par son cri de guerre, il est comme à l’espère, chasseur à la recherche d’une proie affolée par le « Croa…. Croa…. ».

  Cette carte postale hivernale me donne envie des frais matins de mes hivers d’enfance. J’allais, du haut de mes dix ans, écrasant sous mes bottines, le givre sur les fossés accumulés. Égrenant à l’envie, cette poudre d’argent sur les herbes agglutinées. Traçant sur les bords gelés, une ligne qui m’amènera cinquante ans plus tard, dans les douves et les fossés enneigés, de mon fier Monbazillac, qui, du haut de ses créneaux, jette un regard amusé, sur ce grand gosse émerveillé.

    Et dire qu’avec le « réchauffement » terrestre, ces beaux matins ensoleillés et friquets ne seront plus que des crachins et brumes enfiévrés, chargés de mièvre et de mouchoirs à jeter, de vaccins et de rhumes associés, d’humeurs et de malheurs dans les villes, par l’eau assiégée…

   Je vous parle d’un temps, que les gens de vingt ans…. Vous connaissez le reste…

 

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 Monbazillac, les corps de logis engourdis. (Photo: Patrick Garcia)

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Courtines et machicoulis engourdis. (Photo: Patrick Garcia)

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 La cour d'honneur désertée. (Photo: Patrick Garcia)

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 Une broderie de machicoulis et corbeaux. (Photo:Patrick Garcia)

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 Sentinelle solitaire et pour le cas, polaire: Monbazillac. (Photo: Patrick Garcia)

      Moi je me replonge dans ma carte postale enneigée, retrouver la virginité et la blancheur d’une nature endormie et repue, en train d’hiberner…

PATRICK GARCIA

 

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 Dernier regard vers le repaire... (Photo: Patrick Garcia)

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 Les communs du castel ensommeillé. (Photo: Patrick Garcia)

 

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CONTE AGENAIS

LES DEUX PRÉSENTS

 

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L'instant du Conte vu par Gustave Doré. (Repro: Patrick Garcia) 

 

Henri IV était un roi haut d'une toise; gros en proportion, fort comme un bœuf, et hardi comme un César. Il faisait beaucoup d'aumônes et n'aimait pas les intrigants. Avant d'aller s'établir à Paris, ce roi demeurait à Nérac, et il avait toujours auprès de lui son ami Roquelaure, qui était l'homme le plus farceur de ce temps-là.

 

   Un jour que Henri IV et Roquelaure jouaient aux cartes après diner, ils virent entrer dans la chambre un paysan qui portait sur sa tête une citrouille si grosse qu'on n'a jamais vu et qu'on ne verra jamais la pareille. « Bonjour, mon prince et la compagnie.

 

- Bonjour, mon ami. Que viens-tu faire ici avec ta citrouille ?

 

- Mon prince, je viens vous porter ce présent. La soupe de citrouille et de haricots frais est une forte bonne chose mais ne manquez pas de recommander à votre cuisinière de conserver les graines. Vous en donnerez à tous vos amis et connaissances, et je viendrai moi-même en chercher pour l'année prochaine.

 

- Merci, mon ami va-t-en manger un morceau et boire un coup à la cuisine.

 

- Avec plaisir, mon prince. »

 

     Le paysan descendit à la cuisine, où on ne le laissa pas manquer de pain, de vin et de viande. Pendant qu'il buvait et mangeait, Henri IV dit à Roquelaure :

 

« Roquelaure, ce paysan m'a l'air d'un brave homme, et je crois qu'il m'a porté sa citrouille de bon cœur. Que pourrais-je lui donner ?

 

- Mon prince, mettez-le à l'épreuve, et s'il ne vous a pas porté un œuf pour avoir un bœuf, faites-lui présent d'un beau cheval.

 

- Roquelaure tu as raison. »

 

     Quand le paysan eut mangé à sa faim et bu à sa soif, il revint dans la chambre pour saluer le roi avant de partir.

 

« Mon ami, que demandes-tu pour récompense ?

 

- Mon prince, je vous demande de ne pas oublier de me faire garder des graines de citrouille, pour me maintenir en belle semence. »

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Un des portraits innombrables de "Notre bon Roi Henri". (Repro: Patrick Garcia)

 

    Alors Henri IV commanda qu'on donnât un beau cheval au paysan, qui rentra chez lui fort content. Ce paysan était métayer de M. de Cachopeu, un noble, glorieux comme un paon et avare comme un juif.

 

Quand M. de Cachopeu vit que son métayer avait été si bien récompensé pour une citrouille, il pensa :

 

« Demain j'irai trouver Henri IV, et je lui ferai présent de mon plus beau cheval. Pour le moins il me fera marquis, et me donnera un baril plein de doubles louis d'or. »

 

    En effet, le lendemain matin M. de Cachopeu descendit dans son écurie, choisit son plus beau cheval, partit pour la ville de Nérac, et trouva Henri IV et Roquelaure qui jouaient aux cartes après diner.

 

« Bonjour, mon prince et la compagnie.

 

- Bonjour, mon ami. Qu'y a-t-il pour ton service ?

 

- Mon prince, je suis M. de Cachopeu, et j'ai appris que vous aviez donné un beau cheval mon métayer, qui vous avait fait présent d'une citrouille. Je vous amène une autre bête pour remplacer celle que vous n'avez plus. - Merci, mon ami. Et où est cette bête ?

 

- Mon prince, je l'ai laissée là-bas à l'écurie.

 

- Eh bien, mon ami, je veux aller la voir.

 

- Passe devant moi et Roquelaure nous te rattraperons dans cinq minutes. M. de Cachopeu descendit à l'écurie. Alors Henri IV dit :

 

« Roquelaure, ce Cachopeu m'a l'air d'un bien brave homme, et je crois qu'il m'a amené son cheval de bon cœur. Que pourrais-je lui donner ?

 

- Mon prince, mettez-le à l'épreuve, et s'il ne vous a pas donné un œuf pour avoir un bœuf, donnez-lui sept métairies et un grand pouvoir dans tout le pays.

 

- Roquelaure, tu as raison. »

 

    Henri IV et Roquelaure descendirent à l'écurie :

 

« Mon prince, voici le cheval. Mon ami, je n'en ai jamais vu aucun de si beau. Que demandes- tu pour récompense ?

 

- Mon prince, je vous demande pour le moins de me faire marquis, et de me donner un baril plein de doubles louis d'or.

 

- Mon ami, je veux te donner mieux que ça.

 

- Viens avec moi à la cuisine. »

 

     Roquelaure et M. de Cachopeu suivirent Henri IV.

 

« Cuisinière, as-tu gardé les graines de la grosse citrouille qu'un paysan m'a apporté hier ?

 

- Oui, mon prince.

 

- Eh bien remplis-eu deux cornets de papier. L'un sera pour Cachopeu, l'autre pour son métayer.

Henri 4

Henri IV dans toute sa gloire. (Repro: Patrick Garcia)

Agen ce 20 avril 1874.

JEAN-FRANÇOIS BLADÉ.

 

 

 

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Scène de Pillages gravée en 1637 par Jacques Callot. ( Repro: Patrick Garcia)

REVOLTES PAYSANNES

En 1410, le duc de Bourbon meurt débarrassés de son contrôle, les autres princes des fleurs de lys se liguent contre le duc de Bourgogne, traversent la France, c’est-à-dire ravagent l’Anjou, l’Orléanais, inondent le pays chartrain, d’où ils portent la désolation jusqu’aux portes de Paris, tandis que les troupes mandées par le duc de Bourgogne causent les mêmes désordres de l’autre côté de la Seine. N’ayant d’espoir que dans une énergique défense, les paysans veulent repousser par la force quelques bandes du comte d’Armagnac ; ils sont dispersés et se sauvent dans les forêts, mais les soldats vont les lancer et vener dans les bois comme des bêtes sauvages, et en un jour ils firent curée de sept cents de ces villageois. » « Les gens de guerre enchaînaient tout ce qu’ils trouvaient de sujets du roi, sans distinction de sexe ni d’âge, ils les chassaient devant eux comme des troupeaux de galériens, et après leur avoir fait souffrir tout ce qui se peut de supplices sans mourir, s’ils n’avaient de quoi se racheter la vie, ils les pendaient ou les jetaient à l’eau. » (Le laboureur, 766, 815.)… les Armagnacs mettaient le feu aux églises dans lesquelles se réfugiaient les populations atterrées, et tuaient au milieu des flammes ceux qui cherchaient à s’enfuir ; dans le comté de Saint-Pol, une autre bande du même parti, sous les ordres d’un bâtard de Bourbon, se livrait à des atrocités analogues (Hennebert, Artois, III, 284), tandis que de leur côté les Bourguignons ravageaient le Beauvaisis et le Valais…

C’est dans le Maçonnais et le Forez que commence, en 1430, cette nouvelle jacquerie, dirigée surtout contre les odieuses exactions des seigneurs et du clergé « Ces paysans émurent grand tumulte, tuant autant de gens d’Église et de nobles qu’ils en pouvaient atteindre, sans discrétion d’âge ni de sexe. Ils assaillaient les châteaux et maisons fortes, et, s’ils pouvaient entrer, les détruisaient, brûlaient les titres, livres et terriers, et tous autres enseignements, sans oublier de piller les meubles et butiner tout ce qu’ils rencontraient…

« Contre eux le bailly de Maçon assembla les bans et arrière-bans et autres troupes royales, composées de quantité d’hommes de fer, lesquels, aidés et secondés par les deux états assaillis, firent en sorte que les mâtins et rebelles furent mis en déroute, écartés comme perdreaux, et autant on en trouvait, autant on en tuait. »

 

 

Les_misères_et_les_malheurs_de_la_guerre_-_16_-_Les_mendiants_et_les_mourants

La misère, toujours illustrée par Jacques Callot en 1637. (Repro: Patrick Garcia)

UN "FAIT D’ARME" 

Le bâtard de Vauru, Armagnac, y commandait pour le dauphin présidant en personne à ces farouches excursions, il chassait devant lui comme des troupeaux, jusque dans les murs de la ville, les campagnards, qu’il torturait dans l’espoir de les rançonner et de les forcer à lui livrer l’argent qu’ils avaient caché. Hélas ! Il n’y avait le plus souvent ni secret, ni cachette, ni argent, et alors, feignant de croire à l’avarice de ceux qui ne pouvaient. Se racheter, il les pendait de sa main à un orme voisin des fossés de Meaux, que lui-même appelait l’Arbre de Vauru. On y voyait toujours brandiller quatre-vingt ou cent  cadavres. Mais le monstre mettait de l’imagination et de l’art dans sa férocité, il ne pendait que lorsque les captifs étaient trop nombreux pour qu’il pût assouvir sur eux sa férocité à son aise, et s’il faisait largesse de cadavres aux corbeaux des airs, il savait faire aussi la part aux loups des forets.

    Un jeune paysan qu’il avait traîné à Meaux, lié à la queue de son cheval, écrit à sa femme qu’il est mort et qu’elle ne le reverra plus si elle n’apporte pas prochainement une forte rançon, qui viendra toujours trop tard, puisque d’ici là il souffrira chaque jour des tortures inouïes. La malheureuse accourt, elle était jeune, mariée depuis moins d’un an, et sur le point, d’être mère. Elle se traîne aux pieds du misérable, mais depuis longtemps l’habitude du crime l’a rendu sourd aux cris de désespoir. Elle s’éloigne pour tenter de rassembler la somme exigé ; seulement tous sont ruinés autour d’elle, et, lorsqu’elle put revenir avec la rançon de son époux, huit jours s’étaient écoulés depuis l’heure fixée pour le délai fatal. On l’accueille, on lui promet de le rendre à son amour aussitôt que la somme sera comptée. Elle hésite « Hâte-toi, lui crie le bandit, si tu ne veux voir ton mari pendu comme celui-ci ! » et il fait « brancher sous ses yeux un pauvre paysan qui n’avait pu se racheter. Elle hésite encore, car cet argent qu’elle apporte, c’est sa dernière ressource, c’est la vie de l’enfant qui va bientôt naître d’elle. « Que je le voie au moins auparavant, dit-elle au milieu des larmes. »

«Aimes- tu mieux, répond le bourreau, le voir noyer comme celui-là ? » et l’on jette un paysan dans la Marne. Elle hésite toujours, mais Vauru est piqué au jeu, la scène l’intéresse, il veut la pousser jusqu’au bout il a ce jour, une assez ample provision de captifs pour pouvoir savourer à longs traits et boire jusqu’à la lie la coupe sanglante du crime. Il sacrifie encore quelques victimes, et, après que l’incertitude de la malheureuse a coûté la vie à bon nombre de manants, elle se résigne enfin et compte son argent. « C’est bien, reprend le misérable, tu peux aller en paix, ton mari est pendu depuis huit jours ».

       Folle de douleur, elle l’accable d’outrages ; Vauru lui arrache ses vêtements, la fait rouer de coups, et ordonne de l’attacher au pied de son arbre. De si poignantes émotions hâtent l’heure de sa délivrance, les douleurs de l’enfantement la prennent, ses cris attirent les loups, qui dévorent son enfant dans son sein et mettent fin a sa longue et terrible agonie. Que l’on ne croie pas que Vauru fût une exception parmi les hommes de guerre, que les bandits de Meaux fussent autres que le reste de l’armée…

 

TYRANNIE SUR LE PEUPLE

Aux états généraux réunis à Orléans au commencement d’octobre 1439, l’évêque de Beauvais, J. Jouvenel des Ursins, se fit l’écho de l’indignation de tous contre les effroyables débordements des hommes d’armes qui, chargés de défendre la patrie contre [‘étranger, éternisaient dans son sein toutes les misères que trainent leur suite l’invasion et la guerre :

« Eh Dieu ! Les tyrannies qu’à souffertes le pauvre peuple de France parceux qui le dussent avoir gardé !... On les prend, on les emprisonne, on les met en fers, en fosses, en lieux morts, pleins de vermine, et on les laisse mourir de faim. On rôtit les uns, aux autres on arrache les dents, les autres sont battus de gros bâtons, ni jamais ne seront délivrés jusqu’à ce qu’ils aient payé argent plus que leur chevance ne monte…

Ils prennent les maris et les pères, et les tuent en présence des femmes et filles. Et ne prennent pas seulement, hommes, mais femmes et filles, et les emprisonnent, et aucunes fois en font par force leur plaisir en la présence des maris, pères ou frères, et s’ils en parlent, ils seront battus, et aucunes fois tués ; prennent les nourrices et laissent les petits enfants, qui, par faute de nourriture, meurent ; prennent les femmes grosses, les mettent en ceps(carcan), et là ont leur fruit, lequel ils laissent mourir sans baptême et après, on jette les femmes et enfants à la rivière. »

Tous ces délits ont été faits et commis, non par les ennemis, mais par de ceux qui se disent au roi.

 Lesquels prenaient les laboureurs, les mettaient en ceps et autres manières de tourmens, et eux étant en iceux, les battaient, dont les aucuns sont mutilés, les autres enragés et hors de sens. Appatissant (les soumettre à rançon) les villages, tellement qu’un pauvre village était appati a huit ou dix places. Et si l’on ne payait, on boutait le feu aux villages et églises, hommes, femmes et enfants dedans et quand les pauvres gens étaient pris et ne pouvaient payer, étaient assommés étant en ceps (carcan), et jetés en la rivière. Et ne demeurait cheval labourant ni aucunes bêtes, ni de cent personnes une seule. » (Loisel, Histoire de Beauvais.)

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Enluminure représentant des paysans à l'oeuvre. (Repro: Patrick Garcia)

JACQUERIE DE 1548

C’était un volcan mal éteint, dont l’explosion, pour avoir été un moment comprimée, n’en devait être que plus terrible, et bientôt les sanglantes extorsions des commis de la gabelle amenèrent la grande insurrection de 1548, qui arma les paysans, et mit en feu toutes les campagnes de la Saintonge, de l’Angoumois, de l’Aunis, du Périgord, du Limousin, de l’Agenois et du Bordelais. Non seulement la noblesse et la bourgeoisie soulevèrent, comme toujours, les paysans, et leur fournirent des chefs, mais encore le clergé fit, cette fois, cause commune avec eux, et leur donna l’exemple de faire la chasse aux gabelous. Réunis d’abord au nombre de six mille aux environs de Jonzac, dans la haute Saintonge, l’insurrection gagna dans la Saintonge du sud, aux cris « Mort aux gabelous !  et bientôt : ils ne furent pas moins de seize mille, ayant à leur tête bon nombre de bourgeois mal famés, Bouillon, Châteauroux, Cramaillon, Doismenin et quelques autres. A Barbezieux, un châtelain, Puymoreau, prend le commandement général sous le titre de grand coronal de Saintonge. Il envoie dans tous les bourgs et villages l’ordre aux curés et aux vicaires, qui s’y soumettent sans apparence d’opposition, de faire sonner le tocsin et d’armer partout et embastonner  leurs paroissiens. La noblesse se croit revenue aux jours de 1358, elle pâlit et tremble derrière les murailles de ses donjons, tandis que les insurgés, auxquels rien ne résiste, s’emparent de Saintes. Déjà ils sont cinquante mille, arrivant par bandes de l’Angoumois, du Périgord, de l’Agenois, de la Guyenne bordelaise, et, grâce au concours que leur prête la bourgeoisie, qui partout sympathise avec eux, ils se rendent maîtres de Bordeaux. Henri 2 dépêche alors en Guyenne le sieur de Sainte-Foy, avec des lettres qui enjoignent aux révoltés de rentrer dans le devoir, de retourner dans leurs villages, et qui leur promettent de faire droit à leurs demandes. Ces lettres, publiées à Bordeaux, à Saintes, à Angoulême, et par toute la Guyenne, calment tout comme par enchantement. Ces terribles révoltés, qui faisaient trembler plusieurs provinces, confiants dans la parole royale, déposent les armes, rentrent chez eux, sans tenter même, depuis cet instant, aucun attroupement…

Le terrible connétable Anne de Montmorency, l’homme aux successions usurpées, conseilla au roi « de tout exterminer, et d’y planter une nouvelle peuplade pour n’y plus revenir, s’offrant d’en prendre la charge et d’en satisfaire Sa Majesté. » Les insurgés allaient trouver un terrible adversaire dans la personne de ce connétable, l’un des plus grands capitaines de son siècle, mais d’ailleurs grossier, bandit et sacripant comme un héros du moyen âge…. Henri II défendit aux troupes qu’il lui confia de violer, piller ni tuer, sous peine de la vie. Mais les braves qu’il commandait connaissaient trop bien leur chef pour s’inquiéter beaucoup de pareilles prohibitions.

 « On disait, rapporte Brantôme, qu’il fallait se garder des patenôtres de M. le connétable car en les disant en marmottant, lorsque les occasions se présentaient, il disait : «Allez-moi pendre un tel. Attachez-moi celui-là à un arbre. Faites- moi passer celui-là par les piques ou arquebusez-les tous devant moi. Taillez-moi en pièces tous ces marauds, qui ont voulu tenir ce clocher contre le roi. Brûlez-moi ce village. Boutez-moi le feu partout à un quart de lieue à la ronde ! » Après avoir promené l’incendie autour de lui, après avoir pendu en masse et sommairement sur le plat pays tout ce qui s’offrait à sa colère, Montmorency marcha sur Bordeaux… Pendant tout un long mois, une terreur inouïe pesa sur cette malheureuse cité, qui, sans compter les morts civiles, les confiscations, le fouet, les amendes honorables, les exils, la prison et les autres menues peines, vit dans son sein plus de cent cinquante exécutions capitales, assaisonnées de tous les raffinements de cruauté qu’inspire une réaction sauvage, les uns décapités, les autres pendus, roués, empalés, tirés à quatre chevaux ou brûlés… »

 Extraits sélectionnés dans les 1 100 pages de l'anthologie d'Eugène Bonnemère de 1856

oooooOOOoooooo

PATRICK GARCIA

 

 

 

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Commentaires
B
Merci à vous. Vous faites de la très belle photo. Très belle mise en valeur de ces superbes édifices.
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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
  • Blog de PATRICK GARCIA pour les amoureux de notre belle région : la GUYENNE, nommée quelques fois, MOYENNE GARONNE en particulier, mais aussi le récit de mes balades en France dans des lieux typiques et historiques. Me joindre? autostar47@outlook.fr
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