PAGE 108: LE PAPE CLÉMENT V A LA COLLEGIALE D'UZESTE ET LES TYMPANS DE LA CATHÉDRALE DE BAZAS (GIRONDE)
Quand on aime l’Histoire, surtout celle des lieux qui nous sont proches, on ne peut se passer d’aller faire un petit périple nous conduisant le matin à visiter la Collégiale d’Uzeste et, après un pique nique sous les ombrages de ce pays verdoyant et riche, de passer le reste de la journée à visiter la cathédrale de Bazas.
N’étant pas un spécialiste de l’art roman, et encore moins gothique, mais tout simplement un amoureux des belles pierres quand elles sont « agréables à l’œil » et chargées d’Histoire, ces deux visites lors d’une même journée s’imposent.
Uzeste est liée à un homme, adoré par les uns, vilipendé par les autres, il a marqué son temps et c’est rendu célèbre en supprimant l’ordre des Templiers que son compère, le roi de France Philippe 4 le Bel, a mis sur le bucher avec l’envie pressante de récupérer illico leurs biens. Hormis ce fait d’arme, on se souvient de lui, aussi, car c’est le premier des papes qui ont établi leur palais en Avignon.
Bertrand de Got, futur Clément V, nait vers 1264 près de Villandraut à quelques kilomètres d'Uzeste. Couronné le 15 novembre 1305, il trainât des pieds tout son pontificat pour se fixer. Pour lui, pas question d’aller à Rome en proie et des guerres et des conspirations… Il aurait même pensé longtemps « régner » depuis Bordeaux, mais pour le roi de France qui était son « protecteur », il lui était préférable de s’éloigner de la Guienne qui était dans les prétentions de l’Angleterre, se qui faisait désordre…
En bleu,le meilleur trajet entre les deux villes.
Après moultes « essais », il se fixe dans le comtat Venaissin au mois de mars 1309, cinq ans avant la fin de son règne et sa mort le 5 avril 1314. Ce premier pape français de l’Histoire, fut donc en quelque sorte un pape « sans domicile fixe », si on peut s’exprimer ainsi, car n’aura pas le temps de voir se réaliser l’immense et magnifique chantier que représente le palais de Papes en Avignon, et surtout, malade d’un cancer de l’intestin, il succombera lors d’un voyage qui aurait dû l’amener sur ses terres de Villandraut, près de Langon.
Portrait de Clément 5. ( Photo: Patrick Garcia)
C’est lui qui a fait bâtir à Uzeste une église collégiale alors qu'il était archevêque de Bordeaux. Il participe à la construction des châteaux dits « clémentins » : Villandraut, Roquetaillade, Budos, Fargues, La Trave.
En 1312, Uzeste est élevée au rang de Collégiale par Clément V. Mort le 20 avril 1314, Clément V ne fut remplacé que deux mois après au terme d'une lutte de pouvoir entre cardinaux italiens, gascons et français. Le 24 juillet, un coup de force est effectué par Bertrand de Got, seigneur de Monteux, et Raymond Guilhem de Budos, Recteur du Comtat, neveux de Clément V. Ils pillent Carpentras et volent le trésor de guerre de leur oncle qui devait être utilisé pour la croisade (un million de florins). A la fin août 1316, les restes de Clément V sont ramenés à Uzeste dans la collégiale conformément aux vœux du défunt lors de son codicille du 9 avril 1314…
Ce pape reste associé à l'anéantissement des Templiers. (Repro: Patrick Garcia)
On le voit ce personnage inconnu du grand public a connu son heure de gloire et quelques unes de ses décisions ont eu des suites insoupçonnées dont on parle encore de nos jours, que l’on commente et qui créent toujours autant d’émotions avec d’un côté leurs partisans inconditionnels et de l’autre leurs opposants irrémédiables ! C’est bien sûr le cas dans sa décision d’interdire les chevaliers du Temple et de tout ce qui en découla…
Quant à l’autre partie du périple, la visite de la cathédrale de Bazas, c’est par un hasard futile qu’un jour j’ai été soufflé devant don tympan majestueux, au point qu’il m’arrive parfois d’y passer bien plus d’une heure à décortiquer chacune des nombreuses niches sculptées qui ornent ses trois portails…. De loin, l’ensemble des sculptures donne l’illusion d’optique d’un « petit homme stylisé ». La Tête est la rosace, les bras la rambarde flamboyante, les jambes, j’en conviens, arquées sont les formes du tympan… Je pense que cette forme stylisée d’un homme a fait que ce patrimoine, je me le suis approprié. Si la façade est une ode à la statuaire, les jardins, qui se visitent à gauche de l’édifice, sont un havre de paix où l’on aime à déambuler et à admirer le profil de l’ensemble, les contreforts, les toitures, mais aussi, le cadre de verdure dominant la vallée qu’il surplombe.
L'intérieur de la cathédrale de Bazas. ( Photo: du net)
Enfin c’est le moment de changer de monde et de rentrer dans le lieu-saint… A la lumière aveuglante, suit une pénombre chargée d’émotion et de recueillement, ici, tout inspire le respect… L’orgue qui parait flambant neuf, sert de présentoir à la rosace dont les vitraux sont un peu décevants face à la richesse des motifs géométriques extérieurs. Les voûtes en croisées d’ogives culminent à des hauteurs impressionnantes, ici, tout est fait pour inspirer le respect… Voila mes deux coups de cœur du jour, je vous laisse lire les commentaires biens plus érudits que les miens, ils vous en apprendront plus sur les caractéristiques…. Mais sachez garder en vous, vissé au fond de vous, cette part de rêve qui rend un objet, si vil soit-il, (ce qui n’est pas le cas ici !) précieux et désirable… Uzeste et Bazas ont, ce que j’appelle moi…. « Une vie », ce sont des lieux « habités »… Bien sûr, des cathédrales plus grosses, plus énormes, plus connues, il y en a… Mais parfois on tombe sous le charme de quelqu’un, de quelque chose, ou d’une musique sans comprendre trop se qui se passe…
Peut, être vous aussi, regarderez avec sympathie, ces deux monuments dont La réputation ne vous aurait peut être pas incité à rendre visite.
De plus, Bazas est une ville ancienne, chargée d’histoire et de monuments historiques à visiter.
PATRICK GARCIA
La semaine prochaine, nouvel épisode de la Révolution à Sainte Livrade, avec la confiscation et la vente des biens du couvent des "Ursulines" et une balade aux alentours de Lectoure, dans le Gers.
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LA COLLEGIALE D'UZESTE
Texte de M. Jean Bernard MARQUETTE.
et Léo DROUYN
Au Moyen Âge, Uzeste était, avec Mimizan et Rocamadour, un des lieux du culte marial les plus fréquentés d'Aquitaine.
Un très bel édifice inatendu en pleine campagne. ( Photo: Patrick Garcia)
Magnifique tour-clocher. ( Photo: Patrick Garcia)
Splendide! ( Photo: Patrick Garcia)
Et son ramage se rapporte à son plumage! ( Photo: Patrick Garcia)
L'accession au souverain pontificat de Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, originaire du village voisin de Saint Martin de Got, dans le diocèse de Bordeaux, fut à l'origine d'une fortune nouvelle pour l'église d'Uzeste : en avril 1312, Clément V l'érigea en collégiale en même temps que Saint Martin de Villandraut, puis, par son codicille du 9 avril 1314, il en fit le lieu de sa sépulture.
L'état de l'édifice est déjà fort mauvais lorsqu'il fut classé en 1840 dans la première classe des monuments historiques. Des travaux ont été réalisés en 1842 par Duphot et la commission des monuments historiques sollicita successivement Courau, puis Léo Drouyn qui présenta en 1852 une étude détaillée sur les travaux à entreprendre, mais ce n'est qu'en 1868 qu'un nouveau projet proposé par Mondet fut en partie réalisé : les deux piles nord du chœur furent alors refaites.
La collégiale d'Uzeste possède une nef de deux travées doubles flanquée de collatéraux; un transept peu saillant mais dilaté vers l'est par une seconde travée de sorte qu'il se confond avec les bas côtés de la travée droite du chœur enfin, un hémicycle ouvert sur trois chapelles de plan hexagonal. Un clocher carré surmonté d'une flèche est appuyé au bras nord du transept.
Autre vue du clocher-tour. ( Photo: Patrick Garcia)
Une dernière vue du joyau. ( Photo: Patrick Garcia)
Du XIIe siècle datent la façade ouest et les parties basses des murs de la nef et celles des pans de mur en saillie esquissant un transept.
De la seconde moitié du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle, les piles alternées fortes et faibles destinées à supporter les voûtes sexpartites des travées de la nef et du chœur et de celles des collatéraux, ainsi que l'ensemble du chevet.
Mais à la fin du XVe siècle, il fallut envelopper dans d'énormes chemises les piles faibles de la première et de la troisième travée à l'entrée du transept.
Le chœur et l'ensemble constitué par l'hémicycle et les chapelles sont couverts de voûtes à six branches. A l'extérieur des arcs-boutants soutiennent la voûte du chœur, les culées, celles des chapelles. Aux deux premières décennies du XIVe siècle remonte la porte ouverte dans la quatrième travée du collatéral sud.
C'est aussi au XIVe siècle que fut entreprise la construction du clocher. Soutenu par des contreforts, il est à la base percé d'un couloir qui permettait probablement de pénétrer dans l'enclos canonial qui flanquait la collégiale au nord et se rétrécit à chacun des deux étages. Le plan est identique à celui qu'avait levé l'architecte Duphot, aujourd'hui conservé aux archives des Monuments Historiques.
Le tombeau du contreversé pape Clément 5. ( Photo: Patrick Garcia)
Et celui de Pierre 2 de Grailly (1285-1357). ( Photo: Patrick Garcia)
Les armes de Pierre 2 de Grailly. ( Photo: Patrick Garcia)
On notera en particulier les piles chemisées, l'emplacement du tombeau de Clément V dans l'angle sud-ouest du bras sud du transept, celui du gisant de Pierre Premier de Grailly entre les cinquième et sixième piliers, au nord ; à l'extérieur, on voit, entre l'angle sud-est du clocher et la chapelle nord, la salle du trésor, puis un dégagement et une sacristie aujourd'hui disparus.
Léo Drouyn considérait en effet que si ce n`était du clocher, l'église aurait extérieurement fort peu d'aspect.
Les verrières d'Uzeste, parmi les plus belles... Divers exemplaires. ( Photo: Patrick Garcia)
Admirez... ( Photo: Patrick Garcia)
Les vitraux d'Uzeste. ( Photo: Patrick Garcia)
Toujours les vitraux d'Uzeste. ( Photo: Patrick Garcia)
Des vitraux d'une splendeur peu commune à Uzeste. ( Photo: Patrick Garcia)
Uzeste... ( Photo: Patrick Garcia)
Des contreforts plats renforcent les murs de la nef, entre ces contreforts s'allongent de longues et étroites fenêtres en lancettes, presque des meurtrières, inégales de hauteur et de largeur.
L'abside seule a un certain caractère et ne manque pas de pittoresque. Les contreforts sont plus saillants, l'amortissement de quelques uns se termine en clocheton. Ils servent d'appui à des arcs-boutants qui contrebutent les voûtes du chœur de la grande nef.
Des fenêtres géminées d'un assez beau dessin éclairent le chœur par dessus les combles du déambulatoire, trois grandes fenêtres d'un dessin à peu près semblable et quatre longues meurtrières en lancette éclairent les chapelles absidiales. Ces fenêtres s'appuient sur un bandeau en larmier qui sépare l'étage des fenêtres du soubassement.
Au sud de la chapelle méridionale, un escalier en saillie surmonté d'un élégant lanternon en flèche servait à monter sur les combles; un autel est au bas de cet escalier; extérieurement, une galerie formée d'arcs ogivaux subtrilobés entoure le grand comble.
Les belles envollées d'Uzeste.... ( Photo: Patrick Garcia)
Des voûtes qui s'élèvent à des hauteurs vertigineuses. ( Photo: Patrick Garcia)
Tympan de la porte d'Uzeste. ( Photo: Patrick Garcia)
Parfaitement entretenue, presque "neuve"... ( Photo: Patrick Garcia)
Le clocher du XVe siècle est une grande tour carrée avec contreforts aux angles formé d'un soubassement et de trois étages avec fenêtres flamboyantes ou sans meneaux.
Au-dessus et au-dessous du dernier étage règne une galerie flamboyante, celle du dessous s'élève sur une corniche composée de deux rangs horizontaux de têtes monstrueuses, de feuillages et d'animaux. Le tout est surmonté d'une élégante flèche.
La tour de l'escalier, qui est extérieure, est également surmontée d'une petite flèche qui accompagne très pittoresquement la grande... »
Une dernière, pour la route! Rosace à Uzeste. ( Photo: Patrick Garcia)
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LA CATHEDRALE DE BAZAS
Extérieur de la cathédrale de Bazas par Léo Drouyn
« En 1233, le cardinal Arnaud de Pins fit bâtir un édifice gothique en lieu et place de l’ancienne cathédrale romane. Depuis cet acte de naissance officiel, l’imposante cathédrale a subi les attaques des hommes et du temps. Maintes fois mutilée, elle fut presque détruite, en 1578, par les huguenots qui ne laissèrent debout que le portail et une grande partie du chevet.
Elle fut sauvée grâce à l’évêque Arnaud de Pontac, qui évita le démembrement de la façade, et assura et finança la reconstruction. Ces soubresauts ont laissé des cicatrices sur l’édifice, composite, qui en retire une beauté inédite. La base du clocher témoigne de l’ancienne cathédrale du XIe siècle ; le reste de la façade mêle des éléments du XIIIe au XVIIIe siècle.
Approchons de l’édifice en empruntant le jardin du Chapitre pour en faire le tour par le sud. « La cathédrale est un monobloc qui ne possède pas de bras de transept développé », montre Jean-Étienne Bibes, historien de Bazas, en désignant l’escarpement, au bout du jardin. Le transept, de fait, est matérialisé par des tourelles octogonales.
PORTAILS DU XIIIE SIÈCLE
Bazas et ces célèbres portails et tympans. ( Photo: Patrick Garcia)
Le magnifique tympan central. Notez que l'ensemble donne une silhouette de personnage jambe écartées! ( Photo: Patrick Garcia)
La profusion des détails... ( Photo: Patrick Garcia)
Portail central et portail droit. ( Photo: Patrick Garcia)
L'ensemble en vue latérale. ( Photo: Patrick Garcia)
Bazas, portail gauche, le tympan. ( Photo: Patrick Garcia)
Portails gauche et central. ( Photo: Patrick Garcia)
En levant la tête, on observe encore les pinacles surmontés d’obélisques, les arcs-boutants, et les gargouilles, petites, expressives. Malgré leur allure médiévale, ces éléments datent d’après 1578. On note aussi la présence d’archères dans les murs, là où le rempart n’a pu se développer. Le côté nord a aussi été restauré, entre transept et clocher, à la fin du XIXe siècle, après la destruction des maisons attenantes.
Revenons devant la cathédrale, et contemplons la façade, son premier étage de style flamboyant aux deux contreforts du XVIe siècle, comme la balustrade et la rosace au mouvement hélicoïdal. Le pignon, au sommet, « rythmé » par quatre piliers, flanqué d’ailerons à volute, couronne le tout. En son milieu, une niche sans statue.
Sur son fronton, un oculus aveugle. En dessous, les portails du XIIIe siècle. Les latéraux sont dédiés à saint Pierre et à la Vierge. Sous les voussures présentant des saints et des anges, le tympan central illustre le Jugement dernier et, sur le linteau, l’histoire de saint Jean Baptiste. Le registre supérieur représente le Christ triomphant, entre la Vierge et saint Jean agenouillés.
Le registre évoque la résurrection des morts. Un registre intermédiaire traite du pesage des âmes : saint Michel et le démon (en piteux état) contrôlent l’opération. Les damnés rejoignent le Leviathan ; les élus gagnent le paradis – une porte d’édifice gothique…
Explications données sur le portail central. ( Photo: Patrick Garcia)
Et sur le portail de droite. ( Photo: Patrick Garcia)
Et enfin sur le portail de gauche. ( Photo: Patrick Garcia)
UN EFFET DE VAISSEAU RENVERSÉ
Entrons et découvrons l’intérieur, haut de 21 mètres sous la nef centrale, de 11 mètres sous les collatéraux, profond de 83 mètres, large de 23 mètres. « Il est humainement majestueux, les gens ne se sentent pas écrasés », apprécie Jean-Étienne Bibes. On s’émerveille avec lui de l’effet de vaisseau renversé en observant le reflet de la nef dans le bénitier. Croisées d’ogives, symétrie, harmonie des proportions, quelle homogénéité malgré la reconstruction qui dura jusqu’en 1635 ! « Le gothique était peu cher à l’époque, et nombre de maçons perpétuaient les traditions médiévales », précise Jean-Étienne Bibes, reprenant des explications fournies par Marc Favreau, en 1990.
Les parties d’origine représentent moins du tiers de l’édifice : les chapelles rayonnantes, les supports de la nef et du chœur, le voûtement du déambulatoire, ou, côté ouest, des faisceaux à colonnettes surmontés de chapiteaux corinthiens. À l’inverse, le centre fut refait, à commencer par les colonnes doriques à chapiteaux ioniens. Le triforium, lui, est aveugle, pour une raison inconnue.
LES 64 VITRAUX HISTORIÉS DATENT DU XIXE SIÈCLE
Reste l’orgue, installé en 1983, au buffet en bois coloré – style XVIIe – imaginé pour valoriser la rosace. Et les vitraux. Le premier côté sud, ni historié ni coloré, fut posé en 1988. Il correspondrait à ceux d’autrefois. Jean Barran, qui leur a consacré un ouvrage, confirme ce point : « Une lithographie de 1844 nous montre des verrières baignant la cathédrale de clarté. »
La magnifique rosace, côté extérieur. ( Photo: Patrick Garcia)
Et côté intérieur, côté vitraux. ( Photo: Patrick Garcia)
Au XIXe siècle est aussi revenue la mode des vitraux historiés, formant une catéchèse : à Bazas, 64 vitraux ont été créés sous l’autorité du cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux, par le maître verrier Joseph Villiet, de 1852 à 1862. Comme le souligne Jean Barran, ils sont aussi le reflet de la société sous le Second Empire : famille valorisée, importance des femmes. Et, dans la rosace, les noms des 64 évêques de Bazas du Ve siècle à 1789 et l’image du cardinal Donnet recevant la maquette de sa cathédrale. »
Les gargouilles de Bazas. ( Photo: Patrick Garcia)
La belle harmonie extérieure de Bazas domine les jardins ouverts à la visite. ( Photo: Patrick Garcia)
L'orgue de la cathédrale. ( Photo: Patrick Garcia)
JEAN-YVES DANA
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LES VIEUX CONTES AGENAIS
L’homme blanc
Voici ce qui est arrivé à un vieux soldat qui a perdu une jambe à la guerre, et qui va demander son pain de porte en porte.
Ce vieux soldat suivait un jour le chemin de Nérac à Agen avec un seul morceau de pain dans sa besace. Arrivé prés de Moncaut, il s'assit au bord d'un fossé, et il commençait à manger, quand il vit venir a lui un bomme vêtu de blanc de la tête aux pieds : chapeau blanc, habits et souliers blancs, et un grand bâton blanc à la main droite.
— Que fais-tu là, mon ami.
— Vous le voyez, Monsieur; je mange un morceau de pain. Nous le partagerons si vous voulez.
— Avec plaisir, mon ami.
L'homme blanc s'assit sur le bord du fossé à côté du vieux soldat, qui lui donna la moitié de son morceau de pain. Quand ils eurent mangé, l'homme blanc se leva et dit :
— Merci, mon ami. Tu peux suivre ton chemin. Rien ne te manquera aujourd'hui, et avant que tu rentres ce soir dans ta maisonnette, tu auras ramassé du pain pour vivre pendant un mois.
Le vieux soldat se remit en chemin. De toutes les métairies on l'appelait pour lui donner, et quand il rentra le soir dans sa maisonnette, il avait ramassé du pain pour vivre pendant un mois.
Ce même jour, l'homme blanc rencontra sur le chemin un voiturier qui portait trois religieuses.
— Mes sœurs, je suis las. Donnez-moi une petite place dans votre voiture. — Passe ton chemin, homme blanc ; il n'y a pas de place ici pour toi.
Alors le voiturier eut pitié de l’homme blanc, et lui donna une place à son côté.
— Merci, mon ami. Ta charité te sera payée.
Ils cheminèrent ainsi jusqu'à un quart d'heure de Nérac.
Alors l'homme blanc descendit et dit au voiturier :
— Je t'ai dit que ta charité te serait payée. Aussi vrai que ces trois religieuses que tu vois si pleines de vie seront mortes avant d'arriver à Nérac, tu trouveras ta femme qui est malade depuis sept ans, tout-à-fait guérie et occupée à te faire la soupe.
L'homme blanc s'en alla. Quand le voiturier arriva à Nérac, il trouva les trois religieuses mortes ; mais sa femme était sur la porte et criait
— Allons, mon homme, dépêche-toi : la soupe se refroidit.
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L’homme prisonnier dans la lune
II y a des gens qui ont vu marcher dans la lune un homme chargé d'un fagot. Voici comment il s'y trouve en punition de ses péchés.
Du temps que cet homme était sur la terre, il travaillait souvent le dimanche, et jurait comme un païen.
— Prends garde, lui disaient ses voisins; mal faire ne peut durer. Tu offenses le Bon Dieu, et il t'arrivera malheur.
Mais l’homme ne voulait rien écouter et allait toujours son train. Un jour de Pâques, il se leva de bon matin, prit sa hache, et s'en alla au bois couper un fagot. Mais comme il retournait au village, à la sortie de la grand-messe, le vent l'emporta dans la lune avec son fagot. C'est là que ce malheureux est condamné à demeurer prisonnier jusqu'au jour du jugement.
II y a des gens qui ont vu marcher dans la lune un bomme chargé d'un fagot. Voila comment il s'y trouve en punition de ses péchés.
Publié à Agen le 20 avril 1874 par
JEAN-FRANÇOISBLADÉ.
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PATRICK GARCIA