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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
1 avril 2020

PAGE 234 : LA VIE DES TEMPLIERS, ET DE LA COMMANDERIE DU TEMPLE SUR LOT ET SES AFFILIÉES (1ère PARTIE)

LA VIE DANS LES COMMANDERIES DE L’ORDRE DU TEMPLE, PUIS DE ST JEAN DE JÉRUSALEM EN LOT ET GARONNE

 templier a genoux

     Il ne s’agit pas de reprendre l’histoire et l’existence de toutes les possessions templières puis hospitalières du Lot et Garonne, simplement quelques-unes, intiment liées, puisque leur commandeur fut souvent le même au cours de leur histoire.

   Pour la commodité, et parce que celle du Temple sur Lot ou de Breuil (ou de Brulhes) est ma voisine, et la seule qui soit dans un état remarquable, nous allons nous pencher sur ses possessions et la vie de ses habitants et de ses commandeurs au cours des siècles.

  A l’aide d’extraits de publications reconnues, je vais essayer de vous faire mieux appréhender d’abord :

Quelle fût la vie des Templiers et des chevaliers de l’Hôpital, en général. Puis grâce au remarquable travail de Jacqueline Chaumié sur les commanderies Templières puis Hospitalières en Agenais, nous verrons :

- Qu’elles étaient leurs occupations au fil des jours et des saisons dans nos contrées, loin de la Terre Sainte. Leur gestion, où étaient-t-ils, comment étaient-t-ils logés, leurs revenus et les prix des différentes denrées de l’époque converties en euros.

    Pour finir, nous verrons quelques pages de notes d’un des commandeurs les plus puissants, celui du Temple sur Lot, Bernard Gros, qui tenait un véritable « Livre de Raison ». Il ne rêvait que plaies et bosses contre l’Infidèle, mais il passa une grande partie de sa vie à administrer les nombreux biens de ses commanderies… en Homme avisé et bon.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : (Photo : Patrick Garcia)

    La commanderie principale du Temple sur Lot ou de Breuil (ou de Brulhes) fut associée à celle de Sauvagnas, près de Pont du Casse et d’Agen.

Pour cela, je vais m’appuyer sur d’éminents travaux que j’ai condensé et simplifiés au maximum afin de les rendre plus digestes. Comme précisé plus haut, il s’agit de ceux réalisés au 19ème par Georges Tholin, archiviste du L.&G. ; de Jacqueline Chaumié, Archiviste Paléographe, qui publie en 1928, un thèse magistrale sur ce sujet, mais aussi du livre de l’historienne Marion Melville « La vie des Templiers » (1951), et bien sûr, du livre de raison du commandeur le plus célèbre de la région, Bernard Gros, Précepteur au Temple sur Lot, écrit en grande partie de sa main, pendant une période de dix années (1477-1487)…Je rajoute en fin d'article, le résultat des fouilles de sauvetages effectuées il y a une trentaine d'années par une association historique et archéologique, dans la commanderie du Temple dur Lot elle même, travaux dirigés et publiés par deux archéologue, MM Jacques Pons et Michel Daynés.

   Mais je me suis aussi référé sur toutes les publications du Net (il y a de nombreux sites dédiés aux Templiers et à leurs successeurs les Hospitaliers), ainsi que ma plus fidèle compagne, la bibliothèque virtuelle Gallica, qui permet de consulter et télécharger les originaux des notes sur les coutumes et toute publications nécessaires, en PDF et sans bourse délier. Pour les conversions des mesures anciens régimes à celles en métriques plusieurs publications très précises existent, comme des sites, enfin des convertisseurs de monnaies anciennes sont à notre disposition pour comparer les prix des matières à 5 ou 6 siècles d’écart par rapport à l’euro. Je glisserai toutes ces infos, pour les passionnés, en fin d’article.

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Thibaud_ou_les_croisades

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Thibaud qui donna bien des vocation d'historiens... (Photo du Net)

      Pour les amateurs d’Histoire de France d’un âge certain, ce qui est mon cas, l’apport de la télévision qui balbutiait lors de notre jeunesse, fut une révolution ! En effet, pour les ados que nous étions, fut projeté une série qui retraçait les aventures épiques d’un templier : « Thibaud, ou les Croisades »… Ce fut un révélateur pour notre jeunesse ! Comme pour une série similaire lancée 6 ou 7 ans auparavant, « Zorro », elle exaltait le dévouement et le courage, l’esprit chevaleresque et la défense des opprimés…

    Quoi de plus exaltant, dans nos esprits en devenir que cette vision du héro, même si, dans le cas de la série française, avec le recul, on s’aperçoit que l’image proposée, même si elle est fidèle, au niveau des vertus, ne l’est pas du côté vestimentaire et des accessoires… Mais qu’importe ! Cela allait sceller bien des vocations historiennes, au-delà de l’aspect cultuel, loin d’être essentiel pour nous, enfants d’alors, qui avions besoin d’héros à admirer et aimer.

   C’est vrai que nos héros templiers, avant d’êtres des chevaliers au service des faibles, étaient avant tout des moines, des moines soldats… Autant dire qu’à 14 ans, ce n’était pas l’aspect religieux qui nous préoccupait où même que nous admirions à cette époque, mais les hauts faits d’armes et l’esprit de sacrifice de ces « pauvres chevaliers du Temple ».

SCEAU DES TEMPLIERS

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le sceau des Templiers, 2 chevaliers sur une seule monture, en signe d'humilité, mais aussi d'assistance mutuelle: "Un pour tous, tous pour un", en quelque sorte. (Photo du Net)

    N’avaient-ils pas, en signe d’humilité, un sceau particulier, deux chevaliers montés sur une seule et même monture ? Un peu la devise, par extrapolation, des « Trois Mousquetaires » de Dumas : « Tous pour un, Un pour tous »…

    Puis avec l’âge, mon horizon c’est agrandi, et j’ai découvert qu’à quatre kilomètre de chez moi, existait à Temple sur Lot ou de Breuil (ou de Brulhes), une commanderie du Temple dont les restes encore superbes, même remaniés, m’ont donné envie de me pencher sur l’Histoire des Templiers, puis de leurs successeurs, les Hospitaliers de St Jean, dans notre région de Moyenne Garonne.

    Passionné d’Histoire, toute ma vie durant, j’ai accumulé livres et revues, recherches personnelles et dans une association historique pour me former et m’amener à comprendre un peu mieux le passé et le vécu de mon « Païs ». Notre association archéologique et historique avait la chance d’avoir en son sein des archéologues professionnels et diplômés qui ont pu diriger des travaux de fouilles et de sauvetages conduisant à des publications reconnues. Le monde étant petit, j’ai participé à un de ces sauvetages dans la commanderie même du Temple sur Lot, avant que le château ne subisse des modifications dans son intérieur, afin de recevoir du public et des logements de sportifs.

      D’où un intérêt supplémentaire pour cette commanderie et l’ordre qui la mis au jour…

    Aujourd’hui, je vais essayer de coucher de manière le plus simple possible, ce que j’ai pu apprendre sur cet ordre, et la manière dont il s’était implanté en Agenais, comme ailleurs en France et en Europe…

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Ces "pauvres chevaliers du Temple" ont toujours attirés la curiosité et l'admiration des amateurs de belles histoires. (Photo du Net)

La finalité restant d’en savoir un peu plus sur les chevaliers du Temple, puis sur leurs successeurs, les chevaliers Hospitaliers de St Jean de Jérusalem, qui leur ont succédé après la fin de l’ordre et leur éradication par le pape Clément V et surtput par le roi de France Philippe le Bel, en 1312. Quels étaient leurs motifs, leurs moyens, leur vie, comment sont-ils arrivés à être si puissants? Malgré les grandes saignées sur les lieux de batailles, ou le couvent fut souvent détruit, il n'a jamais manqué de chevaliers pour embrasser la cause et mettre sa vie au service de Dieu et de l'Ordre...

   Pour cela, il fallait compulser beaucoup d’ouvrages reconnus concernant ces « moines-soldats », de même que leurs écrits traduits et publiés par des savants modernes... Ainsi Tholin, qui le premier déchiffra et publia le "livre de raison du Commandeur de la commanderie du Temple de Breuilh, devenue Temple sur Lot, Bernard Gros." On peut se rendre compte de l'activité déployée dans l'administration des domaines de l'ordre de Saint-Jean par Bernard Gros, qui en fut commandeur sous Louis XI et Charles VIII (1475-1496), Trois registres, écrits en grande partie de sa main, pendant une période de dix années (1477-1487), contiennent des notes de tout genre qui leur donnent quelques-uns des caractères des livres de raison.

   Mais pour mieux comprendre le fonctionnement de l’ordre, il faut synthétiser la genèse, la vie et la fin de l’ordre, puis la reprise de ses biens par l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean. En effet, ils vont continuer l’œuvre de chaperon, mais aussi la gestion des biens acquis des Templiers pour récolter des fonds en faveurs de la reconquête éventuelle des lieux saints et la lutte contre l'extension de l'empire Ottoman.

   Si l’on ne comprend pas, même de manière simplifiée, la pensée, la motivation et le fonctionnement de l’ordre, il est difficile d’apprécier son implantation dans nos territoires ruraux et dans nos villes…

Pour se repérer dans cette masse d’informations, chaque court chapitre est numéroté. Voici la table des matières de ce texte dédié aux Templiers en général.

Suivra la présentation des commanderies de Moyenne Garonne, de leur formation par les Templiers, puis leur reprise par les Chevaliers de St Jean de Jérusalem et jusqu’à la Révolution.

Pour finir, la partie la plus émouvante, les pensées et actes, consignés au jour le jour, du le grand Commandeur du Temple de Breuil et même de Sauvagnas, Bernard Gros.

Et en conclusion, un petit compte-rendu des fouilles de sauvetage, effectuées dans la Commanderie du Temple sur Lot, par une association historique et archéologique locale, sous la conduite de MM Jacques Pons et Michel Daynés.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  Une charge des Templiers. (Photo du Net)

ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE ET DE L’ESPRIT DES TEMPLIERS

1- LA NAISSANCE DE L’ORDRE DES TEMPLIERS : LE CONCILE DE TROYES 

2- POUR DÉFENDRE LES PÈLERINS 

3- LA RÈGLE DU TEMPLE 

4 – LES CHEVALIERS ERRANTS  

5- DES PROVENÇAUX 

6- UN ROI OFFRE SON ROYAUME 

7- LES BELLES ANNÉES

8- ORIGINE DE LA RICHESSE DU TEMPLE 

9- PROTECTEURS DE LA CLASSE MOYENNE 

10- LOUANGE DE LA NOUVELLE CHEVALERIE 

11- LES TEMPLIERS A JÉRUSALEM 

12- COEXISTENCE PACIFIQUE EN TERRE 

13 – BANQUIERS ET DIPLOMATES 

14- L’ORDRE INTERNATIONNAL  

15 - L’ORGANISATION RÉGIE PAR LES «RETRAITS»

16- LA HIERARCHIE

17- LE MAÎTRE ET SON CHAPITRE 

18- LE COMMANDEUR DE JÉRUSALEM 

19- L’ÉQUIPEMENT DES TEMPLIERS 

20- EN CAMPEMENT 

21- LA VIE CONVENTUELLE 

22- LES REPAS 

23- UNE VIE PIEUSE SANS RUDESSE 

24- LES FRÈRES MÉDECINS 

25- LA JUSTICE DE LA MAISON  

26- LES PÉNITENCES  

27- ESPRIT CHEVALERESQUE ET ESPRIT DE CORPS

28- UNE DISPLINE DE FER 

29- PUNITIONS EN TEMPS DE GUERRE 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les commanderies templières les plus importantes sont sur cette carte, mais pas les établissements de 2 ème ordre ou les Granges.  (Photo du Net)

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Saint Bernard de Clairvaux (ici prêchant pour la croisade) fut le protecteur des Templiers à qui il fit établir des statuts officiels. (Photo du Net)

 1- LA NAISSANCE DE L’ORDRE DES TEMPLIERS : LE CONCILE DE TROYES 

   Dans la cathédrale de Troyes, les cierges et les chandelles allumés de bonne heure en ce jour de Saint-Hilaire le 14 janvier de l’année 1128   sous l’autorité véritable de Bernard de Clairvaux. L’assemblée se compose presque entièrement de ses amis, ses disciples, ses correspondants assidus.
Il n’est point besoin de parler ici de la vie ni des œuvres de saint Bernard, mystique et érudit, homme d’État et homme de Dieu. Dès son adolescence, sa vocation se faisait pressentir, et son pouvoir sur les âmes devenait irrésistible. Lorsqu’il renonça au monde à l’âge de vingt-trois ans, il entraîna avec lui, presque contre leur volonté, ses cinq frères, son oncle maternel, son père le seigneur de Fontaines, et une trentaine de ses amis, tous nobles ou hommes lettrés.

    Bernard prononça ses vœux à Cîteaux, la maison-mère de l’ordre cistercien, d’où il partit peu de temps après pour fonder la filiale de Clairvaux. Par sa puissance spirituelle, son austérité, son charme personnel et ses dons multiples, il devint bientôt le chef incontesté de l’Église de son temps, qui ne manquait, cependant, ni d’hommes illustres ni de saints.
     Deux de ceux-ci, Hugues de Montaigu, évêque d’Auxerre, et Étienne Harding, abbé de Cîteaux, assistaient aussi au concile de Troyes. Étienne, Anglais d’origine, en était peut-être le personnage le plus influent après saint Bernard. Étienne Harding s’efforçait de réformer la vie de ses moines et de les ramener à la pureté des observances primitives. Ce fut saint Étienne qui composa pour les cisterciens leur règle réformée, la « Charte de la Charité », œuvre d’une précision et d’une lucidité remarquables.

  Fait exceptionnel, certains seigneurs laïcs prenaient part au concile. Saint Bernard avait écrit au comte Thybaud de Champagne pour lui demander d’aider de tous ses moyens, et surtout d’ajouter le poids de son autorité aux décisions prises par l’assemblée. Les affaires dont on allait traiter demandaient une expérience militaire autant que religieuse, car ils’agissait d’approuver la règle de vie d’un nouvel ordre monastique de caractère insolite : les « Pauvres Chevaliers du Christ », établis à Jérusalem neuf ou dix ans auparavant.
    Pour comprendre à quels besoins répondait ce nouvel ordre de chevalerie, il nous faudra jeter nos regards sur le Royaume latin des croisés. La première croisade, prêchée par Urbain II, était partie pour l’Orient en 1096. Ce fut d’abord la ruée d’une horde de pèlerins, sans armes ni discipline, soulevés par l’enthousiasme de leur chef Pierre l’Ermite.

   Ils prirent le chemin de la Hongrie et de Byzance et périrent misérablement sur les rives du Bosphore.
   Cette troupe désordonnée fut suivie par l’armée des croisés venus de France et des Flandres, sous la conduite de Godefroy de Bouillon et de son frère Baudouin

  Après de longs pourparlers avec l’empereur de Byzance, la croisade passa par Constantinople, traversa l’Asie Mineure, assiégea Antioche et prit Jérusalem d’assaut en juillet 1099.
   Après s’y être illustré, Godefroy de Bouillon refusa la couronne royale, et ne prit que le titre modeste « d’Avocat du Saint-Sépulcre ». Mais à sa mort, en 1100, son frère Baudouin lui succéda comme roi de Jérusalem et dirigea les affaires de son royaume avec beaucoup de courage et d’intelligence. En 1118, la dernière année de son règne, le Royaume d’Orient se bornait encore à une mince bande de territoire longeant la côte depuis Antioche jusqu’à Jaffa.

    Cependant, malgré l’affluence des colons paisibles, le manque d’hommes d’armes se faisait cruellement sentir. De ceux qui avaient accompagné les chefs de la première croisade beaucoup émient morts ou vieillis, d’autres étaient rentrés en Europe. La défaite et la dispersion d’une croisade de renfort en 1101 priva la Palestine de cent mille immigrants tués ou faits prisonniers en Anatolie. Et, comme l’écrit un chroniqueur, tandis que de tous les quartiers du monde, riches et pauvres, filles et garçons, vieillards et enfants se hâtaient vers Jérusalem pour visiter les Lieux saints, des brigands et des voleurs infestaient les chemins, surprenaient les pèlerins, en détroussaient un grand nombre et en massacraient beaucoup.

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Carte de la 1ère Croisade. (Photo du Net)

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Protéger les croisades et les pélerins, l'obsession des Templiers et des Hospitaliers de St Jean et d'autres ordres de moines soldats... (Photo du Net)

 2- POUR DÉFENDRE LES PÈLERINS

    Ce fut à la protection de ces voyageurs qu’un chevalier champenois se dévoua vers l’année 1118. Il s’appelait Hugues de Payns. Nous ne savons presque rien de lui, sauf qu’il était déjà vieux. Mais il a dû ressembler sous beaucoup de rapports au noble « Avocat du Saint-Sépulcre (Godefroy de Bouillon) », étant comme lui preux, pieux, et d’une grande simplicité de coeur. Il se consacra au service des pèlerins avec une petite bande de compagnons, selon la tradition qui n’a pas même retenu tous leurs noms.

    Ces « Pauvres Chevaliers du Christ » auraient pu accomplir leur tâche dans l’obscurité si, vers 1126, ils n’avaient reçu comme confrère le comte Hugues de Champagne. Saint Bernard, qui avait reçu du comte Hugues de Champagne, la terre de Clairvaux pour y fonder son monastère, le félicita, dans une lettre où pointe la déception de ne pas le recevoir comme frère dans cette maison, de s’être fait, pour la cause de Dieu, de riche, pauvre, et de comte, chevalier.

  Hugues de Champagne ne quitta plus la Terre sainte, où il mourut en 1130, mais sans doute fut-ce lui qui servit de liaison entre Hugues de Payns et saint Bernard.

    L’abbé de Clairvaux (St Bernard) ressentit tout de suite une vive amitié pour le Maître des "Pauvres Chevaliers", Hugues de Payns,et fit appel au pape, au légat et aux archevêques de Reims et de Sens pour faire réunir le fameux concile dont nous parlions au début de cette histoire.


   Hugues de Payns, qui avait amené avec lui six de ses compagnons, fit au concile le récit circonstancié des débuts de son ordre, et de la règle de vie qu’on y observait.

« Par des vœux solennels, prononcés devant le patriarche de Jérusalem, dit-il, nous nous engageons à défendre les pèlerins contre brigands et ravisseurs, à protéger les chemins et à servir de chevalerie au Souverain Roi. Nous observons la pauvreté, la chasteté et l’obéissance, et nous avons vécu d’aumônes jusqu’au jour où le roi Baudouin nous dota de certains biens et nous logea dans son palais, et ensuite les chanoines réguliers du Temple de Jérusalem nous fournirent un terrain d’exercice non loin de là. C’est pour cette raison qu’on nous appelle parfois les Templiers. »
    Les pères du concile l’écoutèrent avec sympathie, approuvant certains usages, en modifiant d’autres, surtout en ce qui concernait les pratiques religieuses qu’ils rendirent plus conformes à l’observance cistercienne. La somme de leurs travaux fournit aux Templiers une règle de vie fondamentale, rédigée en latin, dont on fit par la suite une traduction française.

 marechal templier

Guidés par le "Maître", les chevaliers et sergents de l'ordre sont avant tout des religieux, tout se décide lors des chapitres, en commun, dans l'intérêt du Livre Saint et de L'Ordre.

 3- LA RÈGLE DU TEMPLE 


   La Règle latine comporte soixante-douze articles, avec un prologue qui contient le procès-verbal du concile. Les huit premiers articles traitent uniquement des devoirs religieux des frères :

«- Ils doivent écouter le service divin avec beaucoup de dévotion.

- Si les affaires de leur Maison les empêchent d’assister aux offices, ils répéteront treize patenôtres pour matines, neuf pour vêpres, et sept pour les autres heures.

- A la mort d’un frère, la messe sera célébrée pour le repos de son âme, et chacun de ses frères dira cent patenôtres à son intention ;

- Pendant quarante jours on nourrira un pauvre à la place du défunt.

- Trente patenôtres seront dites par chaque frère pour l’âme d’un chevalier séculier mort au service du Temple, et un pauvre recevra des vivres pendant sept jours.

- Les prêtres et les clercs qui desservent la Maison à terme(il n’y a pas encore de frères chapelains) ont droit aux vêtements et aux vivres, mais ne prélèvent rien sur les aumônes faites à l’Ordre. »


Les onze articles suivants touchent aux RÈGLEMENT INTÉRIEUR :

«- les frères prendront leurs repas en silence, en écoutant la lecture de l’Écriture sainte.

- La viande ne sera servie que trois fois par semaine, avec une portion double le dimanche pour les chevaliers, tandis que les écuyers et les sergents doivent se contenter de leur ration ordinaire.

- Les autres jours, le menu comportera deux ou trois plats de légumes ou de pâtes et le vendredi, du poisson.

- Les frères sont tenus à faire carême de Toussaint jusqu’à Pâques, sauf pendant les fêtes d’obligation.

- Ils doivent donner la dîme de leur pain aux pauvres.

- Le soir, ils prendront une collation selon la discrétion du Maître.

- Après complies, les frères garderont le silence, sauf en cas de nécessités militaires, et ceux qui sont fatigués pourront se contenter de dire treize patenôtres dans leur lit, au lieu de se lever pour matines. »

    Il est ensuite question de leurs VÊTEMENTS :

« - Leurs robes seront toutes blanches, ou noires, ou de bure, sans fourrures, sauf des peaux de moutons ou d’agneaux.

 - On donnera les vêtements usagés aux écuyers.

- Les frères porteront la barbe et la moustache. Leurs souliers seront sans pointes ni lacets (la mode était alors aux chaussures extravagantes avec des pointes recourbées).

- Chacun aura son lit — muni d’une paillasse, d’un drap, d’un traversin et d’une couverture de lainage — où il se couchera vêtu de chemise et de caleçon. Une lumière brûlera toute la nuit dans leur dortoir. »

     On passe à l’énumération de leurs chevaux et de leurs armures ; « - chaque frère peut avoir trois bêtes et un écuyer.

- Les étriers et les mors doivent être dépourvus d’or ou d’argent, et si quelqu’un fait cadeau à l’Ordre de vieilles armures dorées, il faut les peindre.

- Quand un chevalier séculier se joint à la Maison pour un temps déterminé, on note le prix de son cheval et on lui rend la moitié de la valeur à son départ. Les écuyers et les sergents servant dans l’Ordre â terme sont obligés à donner des arrhes afin qu’ils respectent leurs engagements. »

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : L'adoubement et l'entrée d'un nouveau templier dans l'Ordre, un moment de communion... (Photo du Net)

Les articles suivants enseignent :

« - l’obéissance au Maître auquel les frères confessent leurs fautes, pour qu’il leur impose une pénitence selon la gravité de leurs transgressions.
- Les derniers décrets sont des plus divers. Les frères n’ont droit à aucune malle ni sac à serrure.

- Leurs lettres leur seront lues en la présence du Maître. (Peu de chevaliers savaient lire.)

- On leur rappelle de ne pas se vanter de leurs péchés ni des folies qu’ils ont faites dans le siècle.

- S’ils reçoivent des cadeaux, même de leurs parents, ils sont obligés de les remettre au Maître ou au sénéchal.

-La chasse, leur est défendue.

- Les malades sont recommandés aux soins de l’infirmier ; les vieillards aussi ont droit à des égards.
- Les hommes mariés pourront devenir des associés de la Maison, sans qu’on leur octroie l’habit blanc.

- Si le mari meurt avant sa femme, la moitié de ses biens va à l’Ordre, l’autre moitié à sa veuve pour sa vie.

- Les sœurs ne peuvent pas être reçues au Temple. »

 Les trois articles qui suivent sont plus importants :

« - il est défendu aux frères d’avoir des relations avec des personnes excommuniées, mais ils peuvent recevoir des aumônes de celles qui se trouvent sous interdiction.

- Celui qui voudra devenir frère du Temple doit en faire la demande en présence du Maître et du chapitre, après avoir écouté la lecture de la Règle.

- Le Maître décidera de la durée de son noviciat.
- Les frères en voyage doivent s’efforcer de donner le bon exemple»

    Il n’y a rien de très frappant dans cette première Règle. Les détails militaires à part, elle pourrait s’appliquer à n’importe quelle communauté religieuse. Il serait tout à fait faux de dire qu’elle fut écrite par saint Bernard. Elle n’est même pas uniquement l’œuvre du concile, car cette assemblée n’eut qu’à parfaire les coutumes déjà en usage chez les Pauvres Chevaliers.

   Le concile leur accorda en même temps le droit de posséder et régir terres et vassaux malgré leur vœu de pauvreté, et de percevoir les dîmes qui leur seraient octroyées en aumônes. La Règle fut ensuite soumise au pape Lucien II, au patriarche de Jérusalem et au maître de l’Ordre, pour être mise au point dans ses détails.

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les Templiers passent une grande partie de leur vie à cheval à parcourir les chemins vers les lieux saints afin de protéger les pélerins... (Photo du Net)

 4 – LES CHEVALIERS ERRANTS


    L’ordre du Temple ainsi établi, Hugues de Payns et ses chevaliers s’en allèrent chacun de son côté à la recherche de compagnons d’armes et de donations. Hugues lui-même se rendit en Normandie, auprès du roi Henri 1er d Angleterre.

   Selon une chronique du pays, Henri le reçut avec beaucoup d’honneurs et lui donna de grands trésors en or et en argent. Le roi l’envoya ensuite en Angleterre, et là il fut bien reçu par tous les prud’hommes, qui lui donnèrent tous de leur trésor, et en Écosse également. 

   Hugues de Payns se trouvait à Tours en compagnie de Foulques d’Anjou pendant que celui-ci préparait son départ pour la Palestine où il devait épouser l’héritière du royaume. Avant de s’embarquer avec le comte d’Anjou en 1130, Hugues nomma Payen de Montdidier "maître en France."

 Croisade des albigeois, Languedoc

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Croisade contre les Albigeois. (Photo du Net)

  5- DES PROVENÇAUX 


   Une civilisation souriante, trop vite fauchée par la guerre des Albigeois, s’épanouissait en Provence pendant le XIIesiècle. La littérature, les arts, les mœurs prenaient de l’avance sur ceux des provinces de langue d’oïl, comme les saisons du midi devancent celles du nord. Sous tous les rapports, le Languedoc était beaucoup plus proche des royaumes espagnols que de l’Île-de-France.

     Et ce fut de Toulouse que la première de toutes les croisades partit en 1064, non pas vers l’Orient, mais vers l’Espagne pour délivrer Barcelone des Maures.
   L’âme des Provençaux réunissait beaucoup d’attributs capables de les rapprocher du nouvel ordre de chevalerie : le goût de l’aventure, du risque, et aussi cette hantise de la mort qui donne si souvent une saveur amère à la poésie des troubadours

   Pendant les dix ans qui suivirent le concile de Troyes, ce n’est guère en Palestine que l’ordre du Temple grandit, mais en Languedoc. Les chevaliers qui combattaient sous le gonfanon noir et blanc remportèrent leurs premiers faits d’armes contre les Maures de l’Espagne. Et Graflena et Barbara, châteaux de la marche sarrasine, chantent comme dans une épopée oubliée de quelle façon la nouvelle chevalerie fit ses preuves.

  Successeur d’Hugues de Payns, Robert de Craon, qui avait des vues beaucoup plus larges pour l’avenir de son ordre, nous voyons se développer l’esprit chevaleresque de la Provence. Il se traduit par la courtoisie, l’élégance même, par le désir, souvent exprimé, que tout soit fait bellement et suavement, par le goût des beaux chevaux, des beaux harnais, des belles robes.


    C’est à Toulouse, entre 1128 et 1132, qu’a lieu une des premières réunions publiques en faveur des Templiers. La cathédrale en est le cadre ; le pape recommande aux évêques de faire bon accueil aux chevaliers en mission.

   Aux premiers rangs siègent les seigneurs de l’Albigeois, derrière eux se tiennent bourgeois et bourgeoises…

    La messe finie, un Templier dans l’esclavine blanche de son ordre, qui ne porte pas encore la croix rouge sur l’épaule, gravit les marches de la chaire et s’adresse à l’assemblée. Il leur raconte les origines de l’Ordre, les vœux des chevaliers, leur vie âpre et dure, leur pauvreté, leur manque d’armes et même de vêtements pour les protéger du froid ou du soleil de la Palestine.
    Les aumônes ne se font pas attendre des maisons et des terres, des chevaux et des armes. Les dames s’engagent à coudre chaque année des chemises et des braies, et à laisser aux Templiers leur manteau — certaines disent « leur meilleur manteau » à leur mort. A la fin, c’est le tour des petites gens, tels que ce Pons Pain Perdu, qui ne donne qu’un denier.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La première reconquête et les premières batailles des Templiers le furent dans les Pyrénées et en Espagne pour chasser les Maures. (Photo du Net)

6- UN ROI OFFRE SON ROYAUME 


   Le 14juillet 1130, nous trouvons frère Hugues Rigaud à Barcelone où le comte-marquis de Barcelone et de Provence, Raymond Béranger III, prononce les vœux de Templier, jurant de vivre désormais dans l’obéissance et sans biens qui lui soient propres. Il cède à l’Ordre son château de Graflena sur la marche sarrasine, avec l’assentiment de son fils et de ses barons. Et si je meurs entre-temps, dit-il, mes frères feront pour moi envers Dieu et envers les hommes ce qu’ils font pour chacun des leurs : la messe, et cent patenôtres dites par chaque frère, et un pauvre nourri pendant quarante jours.

Raymond III mourut l’année suivante, laissant au Temple par testament son cheval « Danc » et toutes ses armures. Un an plus tard, en septembre 1132, un autre seigneur de la marche espagnole, le comte Ermengaud d’Urgel, remit son château de Barbara aux Templiers entre les mains de Robert le Sénéchal et Hugues Rigaud... Parce qu’ils sont venus et ont tenu à force d’armes en Grayana, et sur la marche pour la défense des chrétiens.

    Cependant, c’était au lointain Portugal que les maisons de l’Ordre avaient devancé toutes les autres. Le 19 mars 1128 — deux mois après le concile de Troyes — la reine Thérèse donna aux Templiers le château et l’honneur de Soure, sur le fleuve de Mondego, qui formait la frontière sud du royaume. Quelques années plus tard, son fils Alphonse les dota de l’immense forêt de Cera, encore aux mains des Sarrasins.

   Les chevaliers libérèrent le terrain après de durs combats et fondèrent les villes de Coïmbre, Rodin et Ega, avec leurs églises. Ces églises furent soumises directement au pape, sans qu’aucun évêque n’eût le droit de s’immiscer. 

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7- LES BELLES ANNÉES

    Les premiers maîtres du Temple surgissent à peine de l’ombre. Pourtant, il y a des raisons de croire qu’ils furent parmi les plus remarquables dans toute l’histoire de l’Ordre. Hugues de Payns nous apparaît comme un chevalier de légende, veillant sur les pèlerins égarés. Mais il eut assez de sens pratique pour comprendre que la défense des Pyrénées était aussi nécessaire que celle des Lieux saints. 

 Le deuxième Maître eut la vision assez large pour obtenir des papes Innocent II et Célestin II une suite de bulles qui contiennent presque tous les privilèges accordés au Temple, et le patrimoine de l’Ordre se constitua pendant son terme d’office. 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Protégés par les rois et les papes, adulés par les nobles et le peuple, l'Ordre du Temple reçoit des dons de toute nature. Ici St Louis part en croisade. (Photo du Net)

 8- ORIGINE DE LA RICHESSE DU TEMPLE 


    Les dons faits à l’Ordre sont des plus divers des domaines entiers ; des droits de toutes sortes sur les églises, sur les marchés et foires, sur les revenus des terres, des maisons, des prébendes, des dîmes, des rentes viagères, des vilains avec leurs tènements, des serfs avec leurs familles, des esclaves mauresques, des Juifs espagnols.
    Des hommes lettrés leur lèguent de beaux livres, des gens plus humbles leur fournissent, chaque année, qui son tonnelet de vin, qui son sac de blé.
      Ils ne payaient pas de dîmes non plus sur les récoltes des terres qu’ils cultivaient de leurs propres mains avec leurs propres bêtes de trait, ni sur les nourrissons de leurs troupeaux, qu’ils marquaient de la croix rouge.  

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  9- PROTECTEURS DE LA CLASSE MOYENNE 


    Très souvent, ceux qui se donnaient au Temple ne prononçaient pas de vœux, mais se mettaient simplement sous la protection de l’Ordre avec leur famille et leurs biens. D’autres devenaient confrères du Temple par leurs aumônes ; d’autres encore échangeaient leurs biens contre une rente viagère versée par les Templiers. Tous participaient plus ou moins aux privilèges et aux bénéfices de l’Ordre, fussent-ils spirituels ou temporels.
   Les bénéfices qu’ils en tiraient étaient considérables en ces temps troublés. Les confrères et les hommes liges du Temple entraient dans la trêve de Dieu prêchée par l’Église, et ceux qui leur faisaient violence se voyaient excommuniés. Leurs troupeaux, leurs biens étaient marqués de la croix rouge comme ceux des chevaliers, et les voleurs qui osaient les dérober tombaient sous l’anathème : mieux, les Templiers entreprenaient énergiquement la défense de leurs protégés.

    Tous ceux qui s’affiliaient à l’Ordre se considéraient comme exempts des redevances ecclésiastiques ou laïques dont les Templiers étaient dégrevés — quelle que fût l’opinion des percepteurs de ces revenus. A leur mort, ils pouvaient être enterrés dans les cimetières des commanderies, et ils participaient au trésor spirituel des moines-soldats.

    Il est à remarquer quel attrait le Temple possédait pour la classe moyenne — la petite noblesse et en-dessous — au moins pendant le premier siècle de son existence.

   L’Ordre en recueillait la plus grande partie de sa dotation, il y trouvait la plupart de ses chevaliers et sergents. Cette classe formait l’appui le plus sûr de l’ordre social au Moyen Age. Elle fournissait aux rois leurs meilleurs administrateurs, et le Temple en tira ses plus solides qualités de méthode et de cohérence.   

     De l’Angleterre au Roussillon, les inventaires, les cartulaires des commanderies, partout où ils subsistent, témoignent d’une administration équitable, d’une comptabilité irréprochable.
Une bulle d’Innocent II, datée de 1139, mit fin à l’espèce de tutelle épiscopale imposée par le concile au nouvel ordre, elle émancipa les Templiers de toute autorité ecclésiastique, sauf celle du pape, et rendit le Maître et le chapitre pleinement responsables de la gérance de leur Maison. Leur indépendance spirituelle suscita le scandale, et leur exemption de dîmes fut un autre sujet de doléances.

   Dans toute l’Église, cette exemption ne fut accordée qu’à l’ordre de saint Bernard et à ses protégés les Templiers.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Il n'y avait pas que l'ordre Templier qui avait des moines-soldats, voici les quatre autres, dont les Hospitaliers de St Jean, qui récupèreront les domaines et commanderies des Templiers à leur extinction. (Photo du Net)

  10- LOUANGE DE LA NOUVELLE CHEVALERIE

  Saint Bernard de Clairvaux au maître Hugues de Payns.

« Une fois, deux fois et trois fois, mon très cher Hugues, vous m’aviez prié d’écrire une homélie pour vous et pour vos frères, et de brandir mon stylus contre les tyrans hostiles, puisqu’une lance m’est défendue, écrivit Et vous m’avez assuré que je vous serais très utile si j’animais par mes paroles ceux que je ne peux pas aider de mes armes.

     J’ai tardé un certain temps à vous répondre, non que je n’appréciais pas votre demande, mais afin que je puisse la satisfaire de mon mieux. Et maintenant c’est à mes lecteurs de me juger, quoiqu’il ne soit pas possible que je plaise à tout le monde.
    Une nouvelle chevalerie est apparue dans la Terre de l’incarnation... Elle est neuve, dis-je, et pas encore éprouvée dans le monde où elle mène un combat double, tantôt contre des adversaires de chair et de sang, tantôt contre l’esprit du mal dans les cieux. Et que ses chevaliers résistent par la force de leur corps à des ennemis corporels, je ne juge cela pas merveilleux, car je ne l’estime pas rare. Mais qu’ils mènent la guerre par les forces de l’esprit contre les vices et les démons, je l’appellerai non seulement merveilleux, mais digne de toutes les louanges accordées aux religieux... En avant donc, ô chevalier, et frappez d’âme intrépide les ennemis du Christ, assuré que rien ne puisse vous séparer de la charité de Dieu.
 »
    La tâche de saint Bernard était assez délicate, le droit canonique, comme le sentiment populaire, défendait aux religieux de verser le sang et considérait l’acte de tuer, même au combat, comme un homicide. Mais les Templiers étaient tout ensemble des chevaliers voués à la guerre, et des moines soumis aux trois vœux. Bernard devait donc distinguer en leur faveur, entre la guerre féodale et la guerre sainte, l’homicide et ce qu’il appelle le « malicide ».

« Combien vous êtes troublés, chevaliers séculiers, tremblant de ravir à la fois la vie de votre adversaire et celle de votre âme ou de périr par sa main corps et âme ensemble...Tandis que le croisé porte le glaive justicier de Dieu ».
    Saint Bernard se détourne de ces considérations pour fustiger la chevalerie mondaine avec une verve et une ironie des plus mordantes
« Vous affublez vos chevaux de soieries, et vous voilez vos cottes de mailles de je ne sais quels chiffons. Vous peignez vos lances, vos écus et vos selles, vous incrustez vos mors et vos étriers d’or, d’argent et de pierres précieuses. Vous vous parez pompeusement pour la mort et vous courez à votre perte avec une furie sans vergogne et une insolence effrontée.

    Ces oripeaux sont-ils le harnais d’un chevalier ou les atours d’une femme ?

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 Mais les Templiers ne sont pas ainsi. On ne trouve dans leur compagnie paresseux ni flâneurs, lorsqu’ils ne sont pas de service (ce qui n’arrive que rarement) ou en train de manger leur pain en rendant grâce au Ciel, ils s’occupent à réparer leurs vêtements et leur harnais déchirés ou déchiquetés, ou bien ils font ce que leur Maître leur commande ou ce que les besoins de leur Maison leur indiquent. Nul n’est inférieur parmi eux, ils honorent le meilleur, non le plus noble, ils se font des courtoisies les uns aux autres et pratiquent la loi du Christ en s’entraidant. 

   Les paroles insolentes, les actes inutiles, les rires immodérés, les plaintes et les murmures, s’ils sont remarqués, ne restent pas impunis. Ils détestent les échecs et les dés ; ils ont la chasse en horreur, ils ne trouvent pas dans la poursuite ridicule des oiseaux le plaisir accoutumé. Ils évitent et abominent les mimes, les magiciens et les jongleurs, les chansons lestes et les soties. Ils se coupent les cheveux ras, sachant de par l’Apôtre que c’est une ignominie pour un homme de soigner sa chevelure.

    On ne les voit jamais peignés, rarement lavés, la barbe hirsute, puants de poussière, maculés par leur harnais et par la chaleur... »

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :Prise de Jérusalem par les croisés. (Photo du Net)

11- LES TEMPLIERS A JÉRUSALEM 


   Le réfectoire, que les Templiers nommaient le palais, était une vaste salle voûtée à colonnes. Les murs étaient décorés de trophées d’armes, dont les Templiers ornaient aussi leurs églises : des épées, des heaumes damasquinés, des boucliers peints, des cottes de mailles dorées pris à l’ennemi. Les écuyers rangeaient les tables le long des murs et les recouvraient de nappes de toile avant les repas ; les premiers venus s’asseyaient le dos au mur, les autres en face.

   Seuls le Maître et le chapelain du couvent avaient droit à des places réservées. On jonchait les dalles de roseaux comme dans tous les châteaux, et, malgré la défense de chasser faite aux Templiers, il ne manquait pas de chiens couchés sous les tables — des chats aussi — auxquels il était interdit de donner les restes destinés aux pauvres. Dans toutes les commanderies, la charité du Temple était grande et faite avec une noble courtoisie.
    Encore est-il commandement à la Maison, lisons-nous dans les Statuts de l’Ordre, que les frères, quand ils sont servis de chair ou de fromage, tranchent de leur pièce en telle manière qu’ils en ayent assez et qu’ils laissent la pièce belle et entière au plus qu’ils pourront... Et ce fut ainsi établi pour ce que la pièce fût plus honorable pour donner à pauvre honteux et au pauvre, plus honorable de la prendre.

       Entre le palais et l’église se trouvaient les dortoirs des frères chevaliers, des rangées de cellules donnant sur un couloir. Elles étaient meublées chacune d’une chaise ou d’un escabeau, d’une huche ou bahut, et d’un lit muni de paillasson, traversin, drap et couverture — avec en plus un couvre-lit « si quelqu’un voulait leur en donner. »

    Les dortoirs des sergents n’étaient probablement que des salles communes. Tous avaient accès à l’église, où les frères descendaient chaque nuit pour chanter matines.

   Près de l’église se trouvaient aussi l’infirmerie pour les malades et les hostels des commandeurs et des grands baillis.


   Plus loin, la maréchaussée, où se rangeaient les armes, les armures et le menu harnais, était placée sous les ordres du maréchal du couvent, avec la grosse forge où l’on travaillait les hauberts, les heaumes, les cottes de mailles ; la ferrerie pour les fers de chevaux, et la chevesterie pour les selles, les brides, et la bourrellerie.


  Il y avait aussi la draperie et la parementerie, celle-là, un entrepôt pour les tissus destinés à l’usage de l’Ordre : bure, velus et velours, bougran et toile de Reims, celle-ci, un atelier de confection pour les vêtements des frères. L’une et l’autre étaient régies par le drapier du couvent, ainsi que la cordonnerie pour leschaussures, les ceintures et les baudriers.
  Le domaine du commandeur de la viande comprenait les cuisines, la bouteillerie pour le vin, et le four où les frères boulangers avaient les mains tout le jour dans la pâte. (On les dispensait pour cette raison des offices de l’après-midi, ainsi que les frères des forges).

     Il dirigeait aussi les porcheries, les poulaillers, et les jardins potagers où poussaient lentilles, fèves, choux, aulx et oignons. 

Il existe encore, creusés dans le rocher, les immenses souterrains qui formaient des silos pour le blé et le fourrage. Des citernes profondes servaient de bains ou d’abreuvoirs. Les bouveries, les bergeries étaient placées en dehors de la ville, avec les haras pour l’élevage des chevaux de la caravane le train des bêtes de somme et des chevaux de rechange.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Templiers et Hospitaliers, un rempart humain pour préserver un semblant d'état ou les trêves succèdent aux sanglantes batailles. (Photo du Net)

12- COEXISTENCE PACIFIQUE EN TERRE 


    Toutes ces activités bourdonnantes avaient pour but l’entretien du couvent :c’est-à-dire la force militaire mobile du Temple, composée d’environ trois cents chevaliers et d’un nombre indéterminé de sergents. Les premiers portaient des cottes d’armes et des esclavines blanches, les autres s’habillaient de noir, le brun était réservé aux chevaliers séculiers affiliés à l’Ordre. Tous arboraient la grande croix rouge sur la poitrine et le dos.
     Il ne semble pas vrai de dire que les chevaliers du Temple méprisaient leurs sergents. Au contraire, les Statuts parlent couramment des frères du couventsans spécifier s’il est question des uns ou des autres. Ils subissaient la même discipline, leurs vêtements, leur équipement et leurs devoirs étaient à peu près pareils. Les frères sergents des métiers, qui travaillaient à la forge, la parementerie ou la cordonnerie, occupaient un rang plus humble, puisqu’ils ne versaient pas leur sang pour la Terre sainte. Mais ils portaient, eux aussi, la croix vermeille sur leurs vêtements de bure, et prononçaient les mêmes vœux de Templier. Les écuyers, qui servaient à gages, ne faisaient pas partie de l’Ordre, ni les turcopoles ou mercenaires indigènes, qui combattaient sous les ordres d’un chevalier du couvent, nommé le turcopolier.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les Templiers ont une organisation et des règles intangibles, ils prêtent de l'argent aux pélerins afin de ne pas se faire détrousser en route, faisant office de banquiers.  (Photo du Net)

  13 – BANQUIERS ET DIPLOMATES 

     Les activités bancaires du Temple sont bien connues. Ces fonctions, qui prirent une importance exagérée pendant les dernières années de l’existence de l’Ordre, n’avaient pour motif au début que de faciliter les pèlerinages en Terre sainte. Les premières opérations financières de l’Ordre entraient donc tout naturellement dans le cadre des vraies fonctions des Templiers.

    Mais si les premiers clients du Temple n’étaient que de petites gens, Louis VII de France lui-même fut heureux d’avoir recours à leur trésorerie pendant sa croisade. Leur crédit se montra même meilleur que le sien en Orient

   Ce souci croissant de gérer les fonds se doubla de fonctions diplomatiques. Les Templiers bénéficiaient d’immunité en toute guerre séculière ; ils se montrèrent des agents habiles et fidèles. Apparentés aux plus nobles familles de l’Europe, ils avaient l’expérience des cours et connaissaient tout le monde.

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Richard Coeur de Lion, roi d'Angleterre, fut un des soutiens les plus fervents des Templiers, il porta d'ailleurs la croix quelques années. (Photo du Net)

 14- L’ORDRE INTERNATIONNAL

  

   Tandis que Louis VII traitait Geoffroi Foucher en ami, réclamait la présence d’Eustache Chien, et recevait frère Gautier en persona grata, un autre trio de Templiers jouait un rôle identique auprès de son grand adversaire Henri Plantagenêt.

   Les origines de la Province anglaise remontaient au séjour d’Hugues de Payns en Angleterre et en Écosse, après le concile de Troyes. Mais l’Ordre ne se développa dans ces pays qu’à partir de l’accession au trône d’Étienne de Blois, en 1135. Les Templiers, toujours habiles, conservèrent les bonnes grâces des deux partis et tirèrent profit de chacun, selon les fortunes de la guerre.
     Richard de Flastings, Maître en Angleterre, Templier anglo-normand, prit Osto pour son compagnon de rang — ainsi nommait-on le chevalier qui devait accompagner un commandeur ou bailli du Temple en toutes circonstances, afin d’exercer un contrôle sur ses faits et gestes. Pendant vingt ans maître Richard et frère Osto figurent côte à côte sur les chartes et dans les récits des chroniqueurs. Avec un troisième Templier, Robert de Pirou, ils servirent d’agents politiques à Henri II, qui en tira beaucoup mieux parti que Louis VII des siens.
   Lorsque les deux rois signèrent un traité de paix en mai 1160, les trois Templiers servirent de témoins. 

      L’aspect le plus curieux de toute la situation, c’est que cette partisannerie ne fit aucune brèche entre les Provinces templières de France et d’Angleterre, qui maintenaient des relations fraternelles. 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Il y avait régulièrement des chapitres sous la direction du Maître, c'est là que se prenaient toutes les décisions, comme celle d'adouber un nouveau chevalier du Temple. (Photo du Net)

 15 - L’ORGANISATION RÉGIE PAR LES «RETRAITS» (LA RÈGLE)


   De son centre à Jérusalem, l’activité de l’Ordre s’étendait à toute la Terre sainte, par les échelons d’une hiérarchie solidement agencée. Les dignitaires principaux en étaient d’abord :

- le Maître, souverain puissant, mais soumis dans la plupart des circonstances graves à la décision du chapitre, où il n’avait que sa voix ;

- le sénéchal, qui entretenait le ravitaillement et le côté domestique de la Maison ;

- le maréchal qui était responsable de l’entraînement et de la discipline du couvent, souvent son chef en temps de guerre, et le drapier qui s’occupait de l’habillement des frères.

- Les commandeurs des trois Provinces de l’Orient — Jérusalem, Tripoli et Antioche — n’étaient subordonnés qu’au Maître et au chapitre général, ils avaient chacun leur maréchal et leur drapier sous leurs ordres.

- Sous les commandeurs de Provinces venaient les châtelains et les commandeurs de Maisons,

- les commandeurs de chevaliers obéissaient au maréchal de leur couvent.

- Les casaliers, qui n’étaient souvent que des sergents, administraient les domaines ruraux.

- Les troupes légères indigènes à gages suivaient le turcopolier.

- Les écuyers, aussi à gages, recevaient leurs ordres du gonfanonier. 

  Les Provinces des pays de l’Occident possédaient une organisation plus souple, il y en avait dix ou douze, mais leur nombre était variable :

La France, l’Angleterre avec l’Écosse et l’Irlande, les Flandres, l’Auvergne, le Poitou, l’Aquitaine, la Provence, la Catalogne, l’Aragon, le Portugal, la Pouille, la Sicile, la Hongrie possédaient tous des commandeurs….

 LES CHAPITRES

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le chapitre, un des moments les plus importants du couvent, ici, tout est débattu et décidé ensemble et chacun à une voix identique. Les décisions, les punitions, les travaux se décident lors de ces assemblées hebdomadaires.  (Photo du Net)

    Deux sortes de chapitres régissaient la vie des Templiers :

Le chapitre ordinaire, sorte de cour d’honneur, se rassemblait une fois par semaine partout où il y aurait quatre frères ou plus ensemble, pour juger les défauts et décider de la gestion journalière des biens de la commanderie.

 Le chapitre général se composait de tout le couvent, des grands baillis et des commandeurs de tout rang. On y discutait l’administration de l’Ordre, la nomination des officiers. Il servait encore de cour d’appel pour des cas judiciaires renvoyés par les chapitres ordinaires, et donnait son assentiment aux décisions prises par le conseil du Maître, où siégeaient les grands baillis et quelques chevaliers choisis qui décidaient de la politique extérieure de la Maison.


Les « Retrais » ou statuts hiérarchiques nous proviennent vraisemblablement de la maîtrise de Bertrand de Blancfort. Ils sont écrits en français et méritent d’être connus pour les détails admirables qu’ils fournissent sur les mœurs et les habitudes militaires de l’époque autant que sur les usages de la Maison du Temple.

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le Maître est incontesté et tient le couvent sous la règle (loi) de l'Ordre, il prend sa décision après une réunion du chapitre hebdomadaire ou exceptionnelle, ou chacun pourra donner son opinion, et voter...(Photo du Net)

 16- LA HIERARCHIE


Le Maître a le droit de s’attribuer quatre montures — chevaux ou mulets — plus un turcoman ou cheval de guerre d’élite, nommé aussi un destrier. Il est accompagné d’un frère chapelain et d’un clerc avec deux bêtes à selle, et une bête de somme pour transporter leurs effets et l’autel portatif sur lequel ils célèbrent la messe. Un valet gentilhomme à cheval porte son écu et sa lance. Et quand celui-ci l’aura servi quelque temps, il pourra le faire frère chevalier, mais qu’il ne le fasse pas trop souvent. Ses serviteurs personnels comprennent encore un maréchal- ferrant, un écrivain sachant l’arabe, un cuisinier, deux garçons à pied, un sergent avec deux montures, et un turcopole ou cavalier indigène faisant fonction d’estafette.

Le Maître doit avoir deux frères chevaliers comme compagnons, qui doivent être de tels prud’hommes qu’ils ne peuvent être exclus d’aucun conseil où il y aura cinq frères ou six. Ils sont tout ensemble ses conseillers intimes et les contrôleurs de ses actes publics ou privés.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Réunion d'un chapitre des Templiers, sur un missel de 1232 à New York (Photo du Net)

 17- LE MAÎTRE ET SON CHAPITRE 


    Comme Saint Louis, les Templiers estiment davantage le prud’homme que le preux. Dans leurs rangs, le courage parfait est de rigueur, et la Règle réserve ses louanges aux chevaliers sages et de bonne vie.
« Sur toute chose que le Maître fera par le conseil du couvent, il doit demander leurs avis communalement à tous les frères, et il prendra la décision à laquelle la plupart des frères et lui s’accorderont.
Tous les frères du Temple doivent être obéissants au Maître, et aussi le Maître doit obéir à son couvent. »

   Ces dernières phrases résument assez bien les rapports entre le Maître et son chapitre. Le premier possède des pouvoirs considérables mais non absolus, ils sont limités par le droit de discussion du chapitre, et encore par la Règle et les coutumes perpétuées dans les Retrais, que les Templiers observent toujours très fidèlement.

  Le sénéchal, cependant, est le deuxième dignitaire du Temple, aux élections d’un maître, le choix tombe assez souvent sur le titulaire de cet office. Les « Retrais du Sénéchal » nous apprennent assez peu de chose sur ce personnage. Dans l’histoire de l’Ordre, il s’efface entre le Maître et le maréchal, l’un et l’autre beaucoup plus marquants.

   Le sénéchal, comme le Maître, possède quatre montures, mais avec un palefroi au lieu d’un mulet. Ses serviteurs comprennent deux écuyers, un diacre écrivain pour dire ses heures, un écrivain sarrasin, deux garçons à pied, un frère sergent et un turcopole.

   Comme le Maître, il doit avoir un compagnon de rang qui l’accompagne en toutes circonstances.
Le sénéchal scelle avec une bulle identique à celle du Maître, qu’il remplace en tous lieux où celui-ci n’est pas.Il loge au camp dans une tente ronde, et il arbore le gonfanon baussant, le fameux étendard des Templiers, d’argent au chef de sable.
 Jacques de Vitry, qui fut un des amis de la Maison et recueillit ses renseignements des Templiers eux-mêmes, raconte qu’ils portent une bannière noire et blanche qu’ils appellent « le Beaucent » pour signifier qu’ils sont francs et bienveillants pour leurs amis, noirs et terribles pour leurs ennemis...          "Des lions en guerre, des agneaux en paix. "

     Le maréchal du couvent remplit plusieurs fonctions. Il est d’abord responsable de la discipline du couvent, en paix comme en guerre. Il fait lui-même l’appel des chevaliers réunis pour entendre la messe ou les heures. Il distribue des ordres pour la journée, même quand le Maître est présent. Il pourvoit ensuite à l’entretien de tous les chevaux et des autres bêtes de selle ou de bât du couvent et de la caravane, avec les armes, les armures et les harnais prêtés aux frères ou déposés dans les entrepôts de la maréchaussée.

   En plus, il commande au couvent en temps de guerre (sous les ordres suprêmes du Maître, bien entendu) et ceci à une époque où un chef paye de sa personne. Le maréchal porte lui-même le gonfanon comme signe de ralliement au combat, et lorsque la charge des lourds cavaliers s’ébranle, c’est à lui, selon la formule expressive, de fournir la pointe.

     Le maréchal a droit à quatre chevaux, dont un turcoman, et à deux écuyers. Il est suivi d’un sergent et d’un turcopole montés. Au lieu d’une tente ronde, il loge dans un pavillon appelé aiguillier, avec une petite tente ou grebeleure pour ses écuyers.
Lorsque le Maître et le sénéchal sont l’un et l’autre absents du royaume de Jérusalem, et qu’on n’a pas nommé un grand commandeur, c’est au maréchal de tenir chapitre.

   Il choisit aussi, par le conseil des prud’hommes, le gonfanonier et le sous- maréchal, tous les deux frères-sergents.


Le commandeur de la Terre de Jérusalem, personnage très important, est le trésorier du Temple, il est responsable de tous les fonds de l’Ordre, apportés de l’Occident ou recueillis outremer, et il doit pourvoir là-dessus aux frais d’entretien du couvent. Les navires du Temple qui sont rattachés à la commanderie d’Acre sont sous ses ordres. C’est encore lui qui choisit les quartiers d’hiver du couvent, dont les chevaliers sont répartis entre les diverses commanderies de la Terre sainte.

Le drapier doit se contenter de quatre bêtes et de deux écuyers comme les frères du couvent les plus privilégiés, avec un sommelier ou homme de peine. Mais on lui accorde un aiguillier aussi grand que la tente du maréchal, et une petite tente pour ses parementiers — ses garçons tailleurs. C’est lui qui fournit aux frères leurs vêtements et leur literie, qui prend connaissance des colis envoyés aux frères du couvent, et les remet aux destinataires.
Et si aucun frère n’était pas coiffé comme il faudrait, le drapier pourrait lui commander de se faire couper les cheveux, et le frère aurait à lui obéir. Car après le Maître et le maréchal, c’est au drapier qu’ils sont le plus tenus d’obéir.
A la réception d’un nouveau frère, lorsqu’on le revêt de la robe blanche du Temple, le drapier doit avoir de lui tout son ancien habillement, sauf de vair ou d’écarlate. Et s’il donne or ou argent ou monnaie à la Maison, jusqu’à la valeur de dix byzantins doit aller à la draperie, et le surplus au commandeur de la Terre.

   Les frères-sergents du couvent n’ont qu’un cheval chacun, mais comme équipement on leur donne tout, ainsi qu’aux frères chevaliers, sauf la tente et le chaudron. Ils se couchent en plein air et font leur cuisine en commun. Au lieu du haubert, ils portent le haubergeon plus léger, sans manicles ou avant-bras, et des chausses de mailles sans avant-pieds, ce qui leur permet de marcher.

    Le chapeau de fer, que les chevaliers eux-mêmes trouvent plus pratique en Syrie, remplace le heaume.


Les Retrais donnent ensuite quelques renseignements sur trois autres dignitaires de l’Ordre :

Le turcopolier, le sous-maréchal et le gonfanonier.
Le turcopolier commande aux cavaliers indigènes à la solde du Temple, avec armes et sans armes sous les ordres suprêmes du maréchal. Les frères sergents sont également soumis à son autorité, mais seulement en temps de guerre. C’est lui qui mène les éclaireurs en tête de la troupe, on lui accorde alors une escorte de chevaliers.


Le sous-maréchal, comme le gonfanonier, le « frère cuisinier du couvent », le « maréchal-ferrant du couvent » et le commandeur du port d’Acre, sergents tous les cinq, a droit à deux chevaux et à un écuyer. Il est chargé de l’entretien du menu harnais ainsi énuméré vieilles selles, outres, bouteilles, seaux, lances, épées, chapeaux de fer, vieilles armes turques et arbalètes, et vieilles housses de selle.

Le gonfanonier a tous les écuyers de la Maison à ses ordres. Il les engage, leur prend des arrhes pour leur bonne conduite, tient chapitre pour juger leurs fautes et les fait fouetter s’ils désobéissent. Il leur livre de la paille (comme literie ?), des souliers et de l’orge, et les paie quand ils ont servi leur terme.
A l’heure du combat, quand les Templiers chargent par escadrons, les écuyers qui mènent les chevaux de rechange suivent leurs seigneurs, les autres prennent les montures que les chevaliers viennent d’échanger contre leurs coursiers, et demeurent auprès du gonfanonier. Celui-ci les range par escadrons et les mène derrière les combattants.

marechal templier

 18- LE COMMANDEUR DE JÉRUSALEM

     Le commandeur de la cité et ses chevaliers ont le privilège de servir d’escorte à la Très-Sainte Croix. Lorsqu’on la porte au milieu de l’armée, aux grandes heures où il faut vaincre ou mourir, les Templiers l’entourent, la nuit, au camp, deux frères veillent à sa garde.

 En dessous des commandeurs de Province, se placent les châtelains et les commandeurs de Maisons, dont les pouvoirs ne dépassent pas les limites de leurs commanderies. 

 

equipement du templier en 1290

19- L’ÉQUIPEMENT DES TEMPLIERS

  Les commandeurs de chevaliers sont les lieutenants du maréchal, chacun à la tête d’un escadron de dix frères. Ils ont le droit de tenir chapitre et de donner congé aux frères du couvent de coucher une nuit dehors.

  Leur équipement est le même que celui des frères chevaliers qui ont chacun trois montures et un écuyer, avec un quatrième cheval et un deuxième écuyer par la faveur du Maître.

Ils portent comme armure un haubert et des chausses faits de mailles entrelacées ou enfilées sur des lanières de cuir tressées. Ils se coiffent soit d’un heaume, soit d’un chapeau de fer.

   Le grand heaume chevaleresque n’est pas encore pourvu d’une visière mobile. Une plaque percée de trous pour les yeux et la respiration — ou simplement deux bandes de métal en croix — protège le visage.

   Le chapeau de fer qui remplace peu à peu le heaume, sauf pour les joutes, est cylindrique ou plat, à visage découvert. La coiffe de mailles, quelquefois rattachée à une casquette ronde en cuir, ajoute à la défense de la tête sous le casque ou le chapeau. Cette coiffe peut parfois se rabattre en capuchon sur les épaules.
    Les chevaliers endossent leur cotte de mailles au-dessus d’une jaquette rembourrée qu’ils appellent les « espalières ». La cotte d’armes, marquée de la croix rouge devant et derrière, est en tissu blanc pour les chevaliers, noir pour les sergents.

   La ceinture, soutenue parfois d’un baudrier en sautoir, sert à porter l’épée, ainsi qu’à relever le lourd haubert qui écrase les épaules. Elle se boucle autour des reins, non pas à la taille. Le poids de la cotte de mailles et de l’épée est tel qu’un chevalier relève le bras avec peine. Il faut porter l’épée la pointe haute et frapper du tranchant.
     Comme armes, outre cette dernière, les Templiers se servent de la lance à tête de fer, et de la masse turque, espèce de massue plombée, aux pointes saillantes. L’écu triangulaire en bois recouvert de cuir se pend au cou.

   L’épée et l’écu se sont rétrécis au cours du 12e siècle. A l’époque de la première croisade, ils étaient l’un et l’autre d’un poids excessif et fort peu maniables. Ils s’allégèrent en Orient, ainsi que le haubert, qui ne vient plus qu’aux genoux, au lieu de battre les chevilles.
Chaque frère du Temple possède comme linge de corps deux chemises, deux braies ou caleçons, et deux paires de chausses.

   Il ceint sa chemise sur ses braies avec une petite ceinture et se couche la nuit ainsi vêtu. 

Sa robe, selon l’expression monacale, se compose d’une longue tunique à pans découpés, appelée un jupel à girons, et d’une pelisse fermée, en plus, un grand manteau, ou plutôt une cape sans manches, qu’on nomme aussi esclavine.

   Au printemps, le frère remet sa houppelande fourrée de peaux d’agneaux à la draperie et reçoit une cape d’été sans doublure. Son trousseau contient de plus une cotte, ou tunique à manches étroites, et une chape fermée sur la poitrine par une agrafe ou des lacets, qu’il porte par-dessus la cotte lorsqu’il reste à la Maison.

    Tous ces vêtements sont blancs et marqués de la croix rouge sur la poitrine ou sur l’épaule.
La literie
d’un frère consiste en une paillasse, un seul drap ou linceul et une couverture ou étamine. Il peut avoir une carpite de laine comme couvre-lit, si quelqu’un veut lui en donner… mais la carpite doit être blanche ou noire ou rayée (on songe tout de suite aux tapis berbères).

     Elle sert aussi à protéger son cheval, ou bien il s’en enveloppe lui-même, quand il chevauche, pour se garantir du soleil ou de la pluie.
Lorsque le couvent se déplace, l’essentiel de cette garde-robe est contenu dans deux sacs, l’un pour la literie et le linge de rechange, l’autre pour la cotte d’armes et les espalières. L’armure se transporte dans un filet de cuir tressé, seul matériau assez solide pour résister au frottement du fer.
    Les chevaliers ont chacun deux napperons ou touailles, l’un comme linge de table, l’autre à tête laver. On leur accorde des couvertures pour leurs chevaux, et une chemise qui doit recouvrir le harnais de leur coursier. Cette chemise, comme la cotte d’armes du chevalier, sert à tamiser la chaleur et l’éclat du soleil qui frappe durement sur le fer des armures.
   Comme batterie de cuisine, pour lui-même et son écuyer, chaque chevalier possède un chaudron, une bassine pour mesurer l’orge, et un tamis pour le cribler. Ajoutons deux hanaps ou coupes pour boire, et deux flacons, une louche en corne et une cuiller. Avec cela, une hache et une râpe, une longe, deux cingles, dont l’une à boucle et l’autre sans boucle; trois besaces, une pour lui et deux pour son écuyer, et une petite tente appelée grebeleureavec un chevillier pour enfoncer les piquets.
Tout ce fourbi s’entasse sur le dos de la bête de somme.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Fers de lance de l'armée croisée, les Templiers, quand ils chargent sont effrayants et redoutés. (Photo du Net)

 20- EN CAMPEMENT 

     Quand les Templiers établissent leur campement, leur herberge comme ils l’appellent, ils démarquent d’abord l’emplacement de la chapelle. La tente ronde du Maître se dresse à côté, avec les aiguilliers (grande tente) du maréchal et du commandeur de la Province, et le pavillon de l’Intendance.

    Ensuite, sur le cri de Herbergez vous, seigneurs frères, de par Dieu, le camp s’établit en rond autour de la chapelle. Le maréchal fait crier ensuite au fourrage et aux bûches, et chaque chevalier envoie un écuyer avec une de ses montures. Après les corvées de fourrage et de bois, on crie aux livraisons.

   Le commandeur de la viande, un prud’homme de la Maison qui craint Dieu et aime son âme, doit envoyer d’abord ce qu’il y a de mieux au Maître, il assortit ensuite les morceaux, aussi également qu’il peut, pour les frères qui viennent eux-mêmes chercher leur part.

    On leur défend de se procurer d’autres vivres par les chasses.

Lorsqu’on lève le camp, les frères ne sellent leurs chevaux et ne partent de leurs places que sur l’ordre du maréchal. Dès qu’on donne le signal du départ, ils doivent regarder avec soin que rien de leur équipement n’est oublié, puis monter et aller au pas se ranger dans la troupe, chacun ayant son écuyer et sa bête de somme devant lui pour mieux les surveiller.

   S’ils chevauchent la nuit, ils observent le silence ainsi que dans leurs commanderies, jusqu’à ce qu’ils aient dit les treize patenôtres de prime. Pendant la journée, si l’un d’eux veut parler à l’autre, celui qui est en avant revient vers l’arrière, en passant dessous le vent, pour que la poussière ne fasse ennui à la troupe.
   Plusieurs passages des Retrais et des statuts nous indiquent que les Templiers démarquèrent tous les chemins de la Terre sainte en estages ou étapes d’un jour de marche, pour faciliter leurs déplacements. Chaque étape se terminait soit à ne commanderie, un casal du Temple, soit à un terrain de bivouac muni d’un puits ou la troupe s’abreuvait. Car les patrouilles de l’Ordre, et le couvent lui-même, parcouraient sans cesse la distance qui sépare les sables de Gaza des montagnes de l’Arménie.

   Quand le couvent chevauche par escadrons en temps de guerre, les chevaliers sont sous les armes. Devant eux, les écuyers avec leurs lances, à l’arrière ceux qui mènent les chevaux de rechange. Jusqu’au moment de l’attaque, le sous-maréchal porte le gonfanon à côté du maréchal.

   Pour donner le signal de la charge, celui-ci prend l’étendard en main de la part de Dieu. Mais comme il n’est plus en état de se défendre, ayant la hampe du gonfanon à sa main droite, les rênes à sa gauche, il s’entoure d’une escorte de cinq à dix chevaliers.

Le maréchal nomme l’un d’eux, commandeur de chevaliers, et lui confie un deuxième étendard roulé autour d’une lance, qu’il doit déployer si le premier est enlevé ou mis en morceaux.

    Si le maréchal reçoit des blessures trop graves pour qu’il puisse fournir la pointe, le commandeur qui porte le gonfanon plié le remplace, protégé par l’escorte.
Il est sévèrement défendu à celui qui porte l’étendard de l’abaisser ou de s’en servir comme lance.

Et le mal peut être si grand qu’on puisse le mettre en fers, qu’il ne porte jamais plus le gonfanon baussant, ni ne soit commandeur de chevaliers... Car si le gonfanon s’abaisse, ceux qui sont au loin ne savent pas pourquoi... car un Turc l’aurait pris plutôt quand il est bas que quand il est haut, et les gens qui perdent leur gonfanon sont mult ébahis, et cela pourrait tourner â grande déconfiture.

   Un chevalier qui se trouve séparé de ses frères d’armes dans la
mêlée rallie la première bannière qu’il peut rejoindre, de préférence celle de l’Hôpital.

En cas de défaite, il ne quitte pas le champ de bataille tant qu’un étendard chrétien reste déployé.
Lorsque le dernier aura disparu, à ce moment-là il peut lui même tourner bride et se réfugier là où Dieu le conseillera.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Hors de la commanderie, l'épée sert souvent  d'autel pour la prière... (Photo du Net)

21- LA VIE CONVENTUELLE 


Nous avons dit que les statuts hiérarchiques sont les "Retrais" et les «Égards»  qui, lui, reprend la question pénale et fournit des exemples ou jugements donnés dans les chapitres de la Maison, depuis l’an 1220 environ jusqu’en 1257.

     L’expression bellement et en paix revient à tout propos. Il est recommandé aux chevaliers de parler bellement à leurs écuyers, aux frères des métiers, une sorte d’élégance morale leur est enseignée comme plus belle chose dans les cas où la Règle leur laisse un choix de conduite.
    Les Templiers se lèvent à minuit pour l’office de matines, ceux qui sont malades ou fatigués peuvent avoir congé de rester au lit. En quittant la chapelle, ils sont tenus d’aller voir leurs chevaux et leur équipement avant de se coucher.
    A la cloche de prime vers quatre heures du matin en été, six heures en hiver —, les frères se lèvent, s’habillent et se rendent à la chapelle pour entendre la messe et les heures de prime, tierce et midi dites l’une après l’autre.
    Après la messe, les Templiers qui ne sont pas de service et n’ont pas reçu d’autres ordres s’en vont chacun de son côté, fourbir leurs armes ou panser leur cheval. S’ils n’ont rien d’autre à faire, ils coupent des pieux et des piquets pour les tentes.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les frères mangent en commun sobrement et en écoutant les saintes écritures. (Photo du Net)

22- LES REPAS 

   A l’heure du déjeuner, le premier repas du jour, les chevaliers et les sergents participent à un premier service, les écuyers et les serviteurs mangent ensuite.

   Lorsqu’on sonne la cloche, le frère chapelain, les chevaliers et les pauvres qu’on nourrit par charité prennent leurs places, mais les frères sergents attendent la sonnerie de la petite cloche pour s’asseoir.
Les Templiers n’observent plus l’ordonnance bernardine de manger deux, en signe d’humilité, dans une écuelle, à l’image de leur sceau où l’on voit deux chevaliers en armes, sur un même destrier.

   Chacun trouve son bol et sa coupe et apporte sa cuiller et son couteau à pain trancher. Le Maître a le privilège d’une place réservée et d’une coupe en verre cette dernière représente un certain luxe, mais aussi une mesure contre l’empoisonnement, le verre étant censé se ternir sous l’effet d’un poison.
   Le commandeur du Palais surveille le réfectoire et les écuyers qui servent les plats, et distribue les portions aussi également que possible. Chacun peut offrir de son écuelle à ses voisins et doit le faire, s’il est mieux servi que les autres.

    Le Maître seul jouit du privilège d’envoyer des mets à qui il voudra, même aux frères qui font pénitence et mangent par terre. Pour cette raison on entasse devant lui assez pour trois ou quatre.

   Les restes, qu’on doit laisser « aussi belles et entières que possible », sont destinés aux pauvres.

   Cependant, le couvent est censé garder le silence pendant les repas, tandis qu’un clerc fait la lecture à haute voix de quelque livre édifiant. Nul ne doit se lever de table avant la fin du repas, à moins qu’il ne saigne du nez (les contusions à la tête et leurs suites ont dû être fréquentes !). Mais tout le monde sort si l’on crie aux armes, ou au feu ou si les étalons se battent à l’écurie.
   Pendant l’après-midi, les Templiers disent encore none et vêpres. Les Statuts en excusent les frères de la boulangerie et des forges, s’ils vaquent à leur métier, ou tout frère qui serait en train de se laver la tête. Mais, leur besogne finie, ils doivent aller à la chapelle dire les prières qu’ils auront manquées.
   Après les vêpres vient l’heure du souper, servi de la même façon que le déjeuner.

   Les jours de jeûne, cependant, les Templiers ne prennent qu’un unique repas après none (vers trois heures de l’après-midi). Pendant le grand carême, aux jours de jeûne, ils ne mangent qu’après vêpres, à cinq ou six heures du soir.
A complies tous s’assemblent à la chapelle ou au palais, on leur sert une collation, de l’eau ou du vin tempéré (coupé) s’il plaît au Maître, ou selon ce qui sera accoutumé en cette Maison.

    Ensuite, le maréchal, ou le commandeur, donne les ordres pour le lendemain, et l’on récite les heures. Le couvent observe ensuite le grand silence jusqu’à prime.
Les Templiers répètent quatorze patenôtres pour chaque heure — sept pour Notre-Dame, et sept pour le jour — et à vêpres dix-huit. Soixante autres patenôtres sont d’obligation chaque jour, trente pour les morts, que Dieu les délivre des peines du Purgatoire, et les mette en Paradis, et les autres trente pour les vivants, que Dieu les garde de péché et leur pardonne les fautes qu’ils ont faites, et les conduise à bonne fin.  

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les templiers passaient beaucoup de temps en prières, avant et après le combat, en toutes occasions, et à de nombreux moments de la journée et de la nuit... (Photo du Net)

 23- UNE VIE PIEUSE SANS RUDESSE 


    Après avoir retracé les étapes de la journée, le rédacteur des Statuts en vient aux détails les plus variés.

   Tout le monde doit faire acte de présence à la fin des heures, puisque c’est le moment où l’on fait les appels et donne les ordres. Un frère peut prendre congé d’absence pour un autre, mais si son commandeur voit qu’un Templier s’esquive trop souvent, il doit l’admonester « et le prier qu’il se garde ainsi que la Règle le commande ».

A tout ordre, on répond « De par Dieu, Beau Sire. »

   Les Statuts insistent sur les responsabilités des Templiers envers leurs chevaux, leurs armures et tous les avoirs de la Maison. Rien ne leur appartient en propre, leurs vêtements mêmes ne leur sont que prêtés. S’ils veulent organiser des concours de tir à l’arc ou à l’arbalète, ils ne doivent parier que des bricoles qui n’ont coûté d’argent à personne, telles que des piquets de tente, ou des coupons de chandelle.

  Ils s’amusent aussi aux jeux de chevilles, de marelles et de forbot mais sans faire de paris. Les échecs, les dames et les tables — le trictrac — leur sont défendus. Le Moyen Age tenait les échecs pour un jeu dangereux, trop souvent source de querelles….

   Nous sommes loin, cependant, de l’ascétisme bernardin et des premiers pauvres chevaliers rudes et frustes, jamais lavés, rarement peignés, puants de sueur et maculés de sang. La vie de la communauté n’est pas tellement éloignée de celle menée par des chevaliers séculiers en croisade. L’élégance, la bienséance, la courtoisie sont les qualités les plus appréciées.

    Nul frère ne doit jamais jurer ni par courroux ni par contentement, ni dire laide parole ni vilaine. Cependant l’expression « jurer comme un Templier » est passée dans la langue courante!

    Pourtant, l’esprit monastique subsiste, les devoirs religieux ne sont pas oubliés.

  Les messes, dont on célèbre plusieurs dans les grandes commanderies, sont publiques et très fréquentées. Les frères communient trois fois l’an, à Noël, à Pâques et à la Pentecôte.

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les plaies et les bosses, les nombreuses saignées dans les rangs des moines soldats, ici Templiers et Hospitaliers, faisaient du médecin un des personnages les plus important du couvent.  (Photo du Net)

24- LES FRÈRES MÉDECINS 

 

    Nous retrouvons les mêmes concessions aux estomacs délicats dans les Retrais de l’infirmier. Tous les malades qui souffrent de dysenterie, de vomissements, de délire ou de blessures suppurantes doivent être couchés dans des chambres à part, afin qu’ils ne gênent pas les autres, et la cuisine de l’infirmerie est très soignée. Le frère infirmier a le droit de réquisition sur la bouteillerie, la grande cuisine, le four, la porcherie, le poulailler et le jardin. A ceux qui ne sont que légèrement souffrants ou surmenés on permet de manger trois repas dans leur lit sans qu’ils soient obligés d’entrer à l’infirmerie.


   Les détails les plus pénibles touchent aux soins donnés aux lépreux : pourtant, ici encore, nous ne retrouvons pas la cruauté qu’on témoignait si souvent à ces infortunés.

Quand il advient à aucun frère par la volonté de Notre-Seigneur qu’il devient lépreux, et la chose est prouvée, les prud’hommes de la Maison doivent l’admonester et prier qu’il demande congé de la Maison et qu’il se rende à Saint-Lazare. Et s’il est homme de bien il leur doit obéir et encore ce serait plus belle chose s’il demandait ledit congé par soi-même, avant qu’on ne l’eût admonesté ni prié… et le Maître et les frères doivent veiller à ce qu’il n’y manque de rien, tant qu’il vit.

  Mais si les choses se passent dans un pays d’Occident, où il n’y a pas de Maison de l’ordre hospitalier de Saint-Lazare, au lieu d’envoyer le malheureux dans une léproserie, on le garde au Temple dans une chambre à part, où il porte son habit à croix rouge jusqu’à la mort.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Lors des chapitres, tout templier en faute devait se lever et avouer devant ses frères l'objet de son délit. Il était jugé par ses pairs en son absence et jamais personne ne dévoilait au coupable la teneur du vote des uns et des autres. (Photo du Net)

 25- LA JUSTICE DE LA MAISON  

 

Les « Statuts et les Égards »Sont composés par des chevaliers du Temple, qui puisent dans leur propre expérience et dans celle des frères les plus respectés de leur communauté, pour guider les grands baillis et les commandeurs dans l’administration de la Maison.

  La justice de la Maison ne fait aucune différence entre les chevaliers et les sergents. On trouve des jugements portés contre des frères sergents du couvent et même contre des frères des métiers qui sont soumis à la même discipline que les chevaliers. 

    Les chapitres hebdomadaires se réunissent généralement le dimanche, dans la grande salle ou à la chapelle, après la messe. Le commandeur (ou le Maître s’il est là) ouvre la séance par une allocution qu’il doit rendre aussi éloquente qu’il saura le faire.

    A la fin du sermon, chaque frère qui se croit coupable d’une faute doit se lever et l’avouer selon la formule « Beau Sire, je crie merci à Dieu et à Notre-Dame et à vous et à mes frères », et « sans mentir, disent les Statuts, ni par honte de la chair, ni par peur de la justice de la Maison, car s’il mentait ce ne serait pas confession ».
   Après l’aveu de la faute, le commandeur fait sortir le coupable, et prend l’opinion de la majorité sur la peine à imposer, les délibérations terminées, il rappelle le frère en question pour lui apprendre la décision du chapitre. Mais il ne doit pas lui dire « un tel fut de telle opinion », car les délibérations du chapitre ne sont jamais révélés à ceux qui n’y ont pas assisté et restent anonymes. 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La plupart des fautes n'était pas bien importantes et le fautif se voyait infliger de longues séries de prières et des séances de jeûnes.  (Photo du Net)


26- LES PÉNITENCES  


    Le code judiciaire du Temple comporte huit catégories de pénitences, avec en plus la suspension du jugement et, évidemment, l’acquittement.
La première, et la plus grave, est la « perte de la Maison », c’est- à-dire l’expulsion de l’Ordre, sans appel. Le coupable doit se faire moine dans un monastère d’observance plus stricte, de préférence chez les cisterciens si ceux-ci veulent le recevoir.

La deuxième peine est la « perte de l’habit ». Elle peut être imposée pour un temps plus ou moins long, mais qui ne dépassera pas un an et un jour. On enlève le manteau de l’Ordre au pénitent en chapitre. Il doit ensuite revêtir une chape sans la croix rouge, loger à l’aumônerie, manger par terre et labourer avec les esclaves jusqu’à sa rentrée en grâce.

Troisième peine : Parfois, par faveur exceptionnelle, on impose une peine non infamante pour une cause qui aurait pu entraîner une perte de l’habit. Celui qui la subit doit jeûner trois fois par semaine, manger par terre sur un pan de son manteau, mener l’âne ou laver les écuelles en la cuisine, ou peler les aulx et les oignons ou faire le feu avec le plus d’humilité qu’il pourra. S’il est chevalier ou sergent du couvent, il remet ses chevaux et ses armes à la garde d’un de ses confrères.

La quatrième pénitence était originellement de deux jours de jeûne par semaine, mais ensuite, pour la diversité de certains mauvais frères, on ajouta un troisième jour de jeûne pendant la première semaine au jour qu’il fit la faute. Le coupable doit manger par terre et se voit astreint à l’une des corvées domestiques et humiliantes. Cependant, s’il est de bonne réputation, on peut lui permettre de s’occuper de ses chevaux et de ses armes ou de continuer dans ses fonctions s’il est frère de métier.

  La cinquième pénitence consiste en deux jours de jeûne par semaine ;

  La sixième, d’un jour, de jeûne sans corvées.

  La dernière, qui s’impose pour la moindre défaillance, est le jeûne d’un seul vendredi. 

   Toute pénitence s’accompagne de la discipline (fouet) administrée en chapitre, sauf en cas de blessures ou de maladie. Dans l’esprit de la Règle, ce châtiment est offert librement en expiation, « rendre la discipline, dans la langue assez elliptique des Statuts, veut dire la recevoir, prendre la discipline, l’infliger. »  

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le Templier devait se comporter "bellement" dans tous ses actes, bravoure, sens du devoir, savoir qu'il pouvait mourir à tout moment et le faire sans trembler, faire acte d'esprit de corps, être au service de l'Ordre de toutes les manières sans jamais penser à autre chose... (Photo du Net)

 27- ESPRIT CHEVALERESQUE ET ESPRIT DE CORPS


Les statuts des Templiers se distinguent des autres traités de la vie monastique en faisant appel aux sentiments chevaleresques.

    Dans des circonstances où une surveillance rigoureuse est impossible, en temps de guerre ou lorsque le couvent se trouve réparti par petits groupes dans ses quartiers d’hiver, on fait confiance aux frères qui doivent se conduire en prud’hommes et hommes de bien. La conséquence la plus lourde d’une faute grave est d’empêcher le coupable de monter en grade, de porter le gonfanon baussant en fait d’armes.  

  Le rédacteur ne s’y attarde pas, il est beaucoup plus préoccupé par le danger que présentent pour le Temple les rixes et les cabales. « Car les chevaliers ont la passion de la politique : politique de clocher à l’intérieur de leur communauté, politique de l’Ordre en tant que puissance terrienne en Syrie ; politique internationale sur l’échiquier de l’Europe c’est l’aspect le plus néfaste de leur organisation. »
     Une confiance absolue dans le pouvoir apostolique que possèdent leurs chapelains de les absoudre d’à peu près tous les péchés à leur portée, l’attente, pour les frères du couvent, d’une fin plus ou moins proche au champ de bataille, et un respect pour leur Règle simplifient leurs problèmes spirituels. Ils ont aussi le sentiment de participer tous ensemble et chacun pour soi dans le trésor de grâces de l’Ordre aux bienfaits de la Maison qui ont été faits depuis le commencement et seront faits jus qu’à la fin. Tous y puisent, chacun y apporte sa part. La piété se confond avec l’esprit de corps, et l’obéissance avec l’honneur.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La discipline, c'est la valeur ajoutée de ce corps d'élite, bien moins nombreux que leurs opposants, la discipline et l'abnégation leur ont fait accomplir bien des miracles et gagner le respect de leurs adversaires. (Photo du Net)

28- UNE DISPLINE DE FER 


   Mais il fallait que la Règle fût étayée par une discipline de fer, à la fois imposée et consentie, et que les coutumes de la Maison fussent considérées comme vraiment inviolables, même par le Maître et son conseil.  La punition la plus sévère, la perte de la Maison ou expulsion de l’Ordre, est infligée en dix cas déterminés pour simonie, pour violation du secret du chapitre, pour meurtre de chrétien, pour larcin (terme d’acceptions très diverses), pour sortie illicite de château ou de maison fermée, pour conspiration, pour trahison, pour hérésie, pour sodomie et pour fuite du champ de bataille.
   Sous la rubrique de larcin, nous trouvons aussi le cas d’un déserteur. Il peut revenir à la Maison s’il n’a emporté que les effets dont il est vêtu, et surtout nulle arme ni armure. Pour recouvrer la Maison le postulant doit se présenter à la grande porte d’une commanderie dans la province d’où il s’est enfui, et prier l’aumônier d’intercéder pour lui.

On le remet à l’aumônier, qui le revêt d’une chape sans croix et le loge dans sa maison. Pendant un an et un jour, il travaille avec les esclaves, mange par terre, et jeûne trois fois par semaine — jusqu’à ce que le chapitre lui fasse grâce d’un jour ou de deux.
   La preuve la plus étonnante de l’attrait puissant qu’exerce l’Ordre, c’est que des chevaliers reprennent le manteau blanc dans des conditions aussi humiliantes.
    On trouve ensuite plusieurs exemples de chapitres tenus en captivité : autre preuve du respect des Templiers pour leur Règle, et pour les coutumes de leur vie monastique.

   La pénalité du Temple nomme une trentaine de fautes entraînant la perte de l’habit et qui se groupent en trois ou quatre catégories. Des refus d’obéissance, par ire et par courroux, qui sont traités avec beaucoup d’indulgence, des querelles entre confrères ; des fuites par dépit hors de la Maison, suivies de retours honteux le lendemain, et des dégâts faits aux biens de la Maison par négligence — ce qui est déjà beaucoup plus grave….

    A Montpellier, un chevalier brisa une épée dont il essayait la trempe. Il vint en Palestine crier merci pour cet accident. Le chapitre le condamna à perdre l’habit, puis le lui laissa pour Dieu.

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Perdre l'Habit à la Croix, la pire des choses pour un frère, souvent prêt à subir toutes les "disciplines" et les privations pour garder sa robe... Une telle tâche rejaillissait sur la famille et le fautif préférait servir de serf et manger par terre du pain et de l'eau avec les bêtes durant un an pour recouvrer sa place... C'est dire l'attrait que l'Ordre avait! (Photo du Net)

29- PUNITIONS EN TEMPS DE GUERRE

    Des fautes sont plus durement châtiées en temps de guerre. Frère Jacques de Ravane, commandeur du Palais d’Acre (une des principales Maisons du Temple en Syrie) fit une chevauchée jusqu’à Casal Robert (Kefr Kenna) avec chevaliers, sergents et turcopoles. Les Sarrasins se soulevèrent, et les Templiers essuyèrent une défaite sanglante, où ils perdirent tous leurs hommes. Jacques de Ravane s’en tira, mais on le mit aux fers à son retour pour avoir fait la razzia sans aval.     

 Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cet amas de détails ? Il en ressort que jusque sous la maîtrise de Thomas Bérard, le Temple était régi par les lois irréprochables, vraiment monastiques , et même fort sévères, et que sa pénalité s’appliquait journellement. Et lorsqu’on se souvient de la fin héroïque du couvent au siège d’Acre en 1292, comme du caractère sans tache du dernier Maître en Orient, Guillaume de Beaujeu, nous pouvons croire que cette Règle était appliquée dans toute sa pureté jusqu’à la fin du Royaume latin.

   Nous arrêterons là notre recherche sur les Templiers, sachant qu’après la perte sanglante de St Jean d’Acre, les chrétiens furent obligés de quitter définitivement la Terre Sainte. Les ordres chevaliers, Templiers, Hospitalier, Teutoniques… suivirent cet exode.

  Ils perdirent ainsi beaucoup de leur crédit, surtout les Templiers que l’on trouvait orgueilleux et cupides, souvent moqués par le peuple qui avait à leur égard des expressions singulières comme : « Ivrogne comme un Templier », ou « jurer comme un templier ».

   Se posa la question, même de leur existence, maintenant qu’ils ne servaient plus à protéger les lieux saints… Les immenses richesses qu’ils avaient amassées dans leurs commanderies, qui produisaient des revenus destinés à entretenir les garnisons et les châteaux en Terre Sainte, n’avaient plus la même utilité.

   Philippe le Bel, toujours à court d’argent, en butte avec la papauté au sujet de la prééminence des rois sur la papauté, pensa récupérer ces biens à son compte pour bien montrer que le bras armé de la papauté relevait de sa justice et n’était plus absout de tout pêché par la puissance papale et divine…

   Encore fallait-il trouver un motif de les arrêter et de les juger. On affirma donc que les Templiers se livraient à des rites sataniques, qu’ils étaient sodomes, avaient reniés les Christ etc. Arrêtés, passés à la terrible question, beaucoup avouèrent sous la torture et furent enfermés puis chassés. Quelques-uns, avouèrent puis se rétractèrent, déclarés « relaps », ils furent brûlés, comme le grand maître Jacques de Molay et le Précepteur de Normandie, Geoffroy de Charnay, le 18 mars 1314 dans l’île de la Cité.

  Il est dit, souvent, que Clément V a finalement absous les templiers survivants…

   Quant au roi Philippe le Bel, il avait voulu récupérer les biens de l’ordre des Templiers, pour sauver ses finances. Malheureusement pour lui, la quasi-totalité des biens fut donnée par le pape Clément V, lors de la bulle papale « Ad providam », à l’ordre des Chevaliers de St Jean de Jérusalem, appelé aussi Chevaliers de Malte, le 3 mai 1312.

Extraits synthètisés de: Marion Melville historienne spécialiste des Templiers : « La vie des Templiers » (1951)

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LES MOINES SOLDATS

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les différents ordres de moines chevaliers, Hospitaliers de St Jean sont aussi nommés chevaliers de Malte. (Photo du Net)

 

CCHEVALIER A GENOU DEVANT LE TEMPLE copie

 

 COMMANDERIE DU TEMPLE SUR LOT

ET QUELQUES-UNES DE SES AFFILIÉES

SOMMAIRE:

I. - DES ORIGINES A LA GUERRE DE CENT ANS

Origines de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem

2- HISTOIRE DES HOSPITALIERS

3- EXTENSION DE L’ORDRE SUR LE CONTINENT

4- DIVISION ADMINISTRATIVE : Par langues

5- PRIEURÉS

6- PRIEURÉ DE TOULOUSE

7- COMMANDERIES, CHEFS ET MEMBRES

8- RAISONS DE NOTRE CHOIX

9- CHOIX ET EMPLACEMENTS

10- LES FONDATIONS PIEUSES

11- FONDATION DU TEMPLE DE BREUIL

12- LES MAISONS DE L’HÔPITAL DE ST JEAN DE JERUSALEM :

L’HÔPITAL DE SAUVAGNAS

13- SAINT-SULPICE DE RIVALÈDE

14- SAINT-JEAN DE FERRAND

15- DOMINIPECH

16- SAINTE FOY DE JERUSALEM

17- PROTECTION DU COMTE DE POITIERS A L’HÔPITAL

18- PROTECTION D’ALPHONSE DE POITIERS

A LA COMMANDERIES DE SAUVAGNAS

19- ALPHONSE DE POITIERS ET LES TEMPLIERS

20- POURQUOI LE COMTE DE POITIERS

NE FIT AUCUN TRAITÉ DE PARTAGE AVEC LE TEMPLE ?

21- L’AGENAIS RÉUNI EN ANGLETERRE

22- COMMANDEUR DE SAUVAGNAS POUR LE ROI D’ANGLETERRE

23- PUISSANCE GRANDISSANTE DES ORDRES MILITAIRES DANS L’AGENAIS

24- LE ROI D’ANGLETERRE ET LES TEMPLIERS

25- LES HOSPITALIERS DE SAUVAGNAS ET L’EVÊQUE D’AGEN

26- LE TEMPLE DE BREUIL ET LE PRIEURÉ DE STE LIVRADE SUR LOT

27- VISITE PASTORALE DE BERTRAND DE GOTH DANS L’AGENAIS

28-SAUVAGNAS ET LE TEMPLE DE BREUIL ET LEURSDÉPENDANCES (1235-1550)

Vicairie Perpétuelle

29- DÎME

30- DROITS DE JURIDICTION

31- ADMINISTRATION MUNICIPALE

32- L’ALIMENTATION

33- LA GARDE DES MURS

34- SEIGNEURIE FONCIÈRE

35- L’EXPLOITATION INDIRECTE : RENTES ET IMPOSITIONS

36- LES CORVÉES

37- EXPLOITATION DU DOMAINE RÉSERVÉ (TERRES PERSONNELLES DU SEIGNEUR COMMANDEUR)

38- DROITS BANAUX

39- HISTOIRE DE L'EXPLOITATION DES TERRES

40- LA GUERRE DE 100 ANS RUINE LES CAMPAGNES

41- LA RENAISSANCE

42- LA RECONSTRUCTION :

DEVELOPPEMENT DU BAIL EMPHYTEOTIQUE

43- CONSTITUTION D'UNE MOYENNE PROPRIÉTÉ

44- LES MOULINS PRIORITAIRES

45- HISTOIRE DE L'EXPLOITATION DES TERRES (SUITE)

46- PRIX D’UNE TENURE

47- LA REPOPULATION

48- L’APOGÉE DES COMMANDERIES

49- LES COMPTES PAR COMMANDERIE

50- CONDITIONS ÉCONOMIQUES :

LES DIFFÉRENTS CHAPITRES QUE NOUS ALLONS ÉTUDIER

51- ARCHITECTURE ET BÂTI

52- LE MOBILIER

53- LES VÊTEMENTS

54- LA CULTURE DES TERRES

55- LA CULTURE

56- LA VIGNE

57- LES TEXTILES ET LE CHANVRE

58- LES LÉGUMES

59- LES ARBRES FRUITIERS

60- BOIS ET FORÊTS

61- PRAIRIES ET ÉLEVAGE

62- LE PORC TRÈS APPRÉCIÉ

63- INDUSTRIE

64- LES MOULINS UNE INDUSTRIE VITALE

65- L’ARTISANAT

66- COMMERCE

67- LE POISSON TRÈS RECHERCHÉ

68- MONNAIES — POIDS ET MESURES

69 - MESURES MESURES LOCALES ET EQUIVALENTS ACTUELS

70- POIDS UTILISES

hospitalier en combat

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Comme les templiers, les Hospitaliers luttent contre l'influence Ottomane. (Photo du Net)

 I. - DES ORIGINES A LA GUERRE DE CENT ANS

Origines de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem

Pour une meilleure compréhension dans cet amas de renseignements, j’ai différencié les commanderies traitées par des couleurs et des soulignés.

TEMPLE COMMANDERIE- copie

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Même si nous traiterons de la plupart des commanderies du 47, nous aurons plutôt affaire à celle du Temple sur Lot et ses affilièes.  (Photo du Net)

La principale commanderie par sa richesse et ses affiliées, le Temple sur Lot ou Temple de Breuil, mais aussi ses affiliées sont en orange souligné, comme ceci :

Le Temple sur Lot ou Temple de Breuil.

Toutes les autres sont affiliées, plus ou moins, à l’autre point fort des commanderies : Sauvagnas et affiliées. Elles sont représentées en noir souligné. Comme ceci :

Sauvagnas, Saint-Jean-de-Ferrand, Nomdieu….

Je souligne en ROUGE toutes les choses que je juge importantes, sinon cruciales.

Je souligne en BLEU les points à se rappeler …

Je transforme les monnaies anciennes en Euros et les anciennes mesures en mesure métriques en les écrivant en VERT BRILLANT

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L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem aurait été créé vers Le milieu du XIe siècle. Il devrait son existenceà la concession faite vers 1048 par le calife d’Égypte, d’un terrain de Jérusalem pour y, célébrer le culte chrétien. Un monastère yfut élevé et occupé par des moines bénédictins venus probablement du Mont Cassin.

   A côté de cette église primitive, les religieux de Sainte Marie Latine auraient élevé un hôpital destiné au soulagement des pèlerins et mis sous l’invocation de St Jean l’Aumônier.
  Desoblats (Personne affiliée à un monastère sans avoir prononcé de vœux religieux.) et des frères lais de Saint Benoît le desservaient. Exclusivement hospitalier, il aurait pris sa forme militaire plus tard lors des croisades.

 C’est alors qu’il aurait abandonné la règle de Saint-Benoît pour celle de Saint-Augustin. 

 


2-HISTOIRE DES HOSPITALIERS 

    Nous rappellerons en quelques mots l’histoire de l’Ordre à partir de 1099, date à partir de laquelle les documents sont certains. De 1099 à 1187, neuf grands maîtres se succèdent à Jérusalem. Après la prise de cette ville par les Turcs, le siège de l’Ordre fut transféré à Margat, puis à Acre, où il demeura de 1191.

    Puis les chevaliers toujours repoussés par le flot envahissant des infidèles se fixèrent successivement à Chypre jusqu’en 1309 et à Rhodes jusqu’en 1523, puis à Malte en 1530 où ils demeurèrent jusqu’en 1798, date de la prise de cette île par Bonaparte et de la destruction politique de l’Ordre.

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3- EXTENSION DE L’ORDRE SUR LE CONTINENT


  Les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem eurent dès la fin du XI° siècle des établissements sur le continent. On en signale dès cette période dans l’Albigeois.

   Ces possessions eurent probablement comme origine l’enthousiasme de ces siècles de foi pour un ordre qui s’était voué à la défense du Saint Sépulcre. Les ordres militaires à la fois monastiques et aristocratiques étaient bien de nature attirer les libéralités pieuses de ceux qui, n’ayant pu partir pour défendre les lieux Saints, souhaitaient néanmoins participer à la lutte le la Croix contre le Croissant.

    Ceux d’autre part, qui revenaient de guerroyer en terre sainte préféraient donner une partie de leurs biens à ces moines-soldats qui avaient été leurs compagnons d’armes et participer encore aux frais de la guerre sainte et aux voyages des pèlerins. Nombre de barons étaient heureux de procurer aussi un établissement à des chevaliers devenus vieux et à des cadets de leurs maisons entrés dans des ordres militaires.
   Dès que Pascal II en 1113 eut confirmé l’existence de l’Ordre et lui eut conféré d’immenses privilèges qui le plaçaient sous le patronage immédiat du Saint-Siège, il prit une extension considérable. Pendant tout le XIIe siècle les donations se multiplièrent et l’ordre se répandit en Angleterre, en Espagne, en Italie et en Allemagne.


4- DIVISION ADMINISTRATIVE

Par langues


    Les commanderies de ces nations furent divisées en langues successivement portées au nombre de huit.
Ces huit langues :

- Provence,

- Auvergnat,

- France,

- Italie,

- Aragon,

- Angleterre,

- Allemagne,

- Castille, étaient toutes représentées par un « grand Croix » auprès du "Grand Maître". Ces huit dignitaires formaient, avec les baillis attachés aux langues, le Chapitre de l’Ordre.

   La France était donc divisée en trois langues : celles de Provence, d'Auvergne et de France. La langue de Provence était la première et la plus ancienne, sans doute parce que Pierre Gérard, le premier qui donna son caractère militaire à l'Ordre, était né à Martigues en 1040.

Principaux établissements : on les Trouve dans 10 départements :

Ariège : 1 ; Cabre et Capoulet;

Aude : 2 ; Pexcora, Plaine;

Basses Pyrénées : 3 ; Caubin et Morlaas, Bayonne, St Blaise les Monts ;

Hautes-Pyrénées : 1 ; Bordères ;

Dordogne : 1 Condat sur Vézère ;

Gers : 2 : La Cavalerie, Goutry ;

Gironde :3 : Arens, Bordeaux,  Roquebrune en Bazadais ;

Haute Garonne :11 : Reudrac, Le Burgaud, Calgnac, Fonsorbes, Garidech, Larmont, Mont Saunés, Poucharramet, Rennaville, Toulouse ;

Lot et Garonne :3 : Argentens, Le Nomdieu, Le Temple de Breuil ;

Tarn et Garonne : 2 : La ville Dieu ou Castelsarrasin, Golfech.

Chevalier_de_Rhodes,_en_habit_religieux_(XVe_siecle)_et_en_armure_(XIVe_siecle),_d'apres_des_pierres_tombales

5- PRIEURÉS

   Les Langues furent elles-mêmes divisées en 24 prieurés dont six pour la France ainsi répartis :

- Prieurés de France, d'Aquitaine et de Champagne pour la Langue de France ;

- Prieuré d'Auvergne pour celle d'Auvergne ;

- Prieurés de Saint-Gilles et de Toulouse pour celle de Provence.

    Le grand Prieuré de Saint-Gilles, le plus ancien qu'ait possédé l'Ordre sur le continent fut longtemps seul à représenter la Langue de Provence. Mais après la réunion des biens des Templiers à ceux des Hospitaliers, l'agrandissement des domaines nécessita une nouvelle division administrative.

 

6- PRIEURÉ DE TOULOUSE

   En 1317, on détacha du Grand Prieuré de Saint-Gilles les Commanderies du Haut Languedoc, de Bigorre, de la Biscaye et du Comté de Foix qui formèrent le Prieuré de Toulouse.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les très beaux restes de la belle commanderie-chef du temple sur Lot. (Photo: Patrick Garcia)

 7- COMMANDERIES, CHEFS ET MEMBRES

   Le grand Prieuré de Toulouse comprenait 28 commanderies-chefs ou baillies. Ces commanderies-chefs se composaient de la réunion d'un nombre variable de commanderies membres elle mêmes constituées, soit de plusieurs paroisses, soit seulement d'un fief.

      A l'origine chaque commanderie avait une existence propre. Cependant dans une région déterminée, l'une d'elles exerçait sur les autres une certaine suprématie. Ainsi au XIIIe siècle, le commandeur du Temple de Breuil avait la haute direction des commanderies de l'Agenais et du Bordelais. Les membres de ces vingt-huit baillies furent au cours des siècles tour à tour réunis ou séparés de leur commanderie-chef.

 

carte des Hospitaliers en 1300

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Carte des commanderies hospitalières en 1300 . (Photo du Net)

    8- RAISONS DE NOTRE CHOIX POUR CES COMMANDERIES

      Historique, car, située dans une région frontière entre la Guyenne anglaise et le Languedoc Français les membres de cette Commanderie eurent à subir les mêmes vicissitudes au cours des guerres ; et dans les traités, passant tour à tour de la domination du roi de France à celle du roi d'Angleterre.

    Politique, car elle était tout entière comprise dans le diocèse et la sénéchaussée d'Agenais.  Région variée cependant où les côteaux couronnés de bastides, de maisons fortes, de villages fortifiés, dominent et commandent les grasses vallées d'alluvions souvent ravagées par les crues violentes des fleuves et les bandes armée.

    Seules quelques vieilles villes s'obstinent au bord du fleuve à l'abri de leurs murailles : Agen, Tonneins, Marmande, ou protégées par des abbayes comme Moissac, Clairac, Port Sainte-Marie.

    Il faudra fonder des bastides pour que l'appas des privilèges accordés et l'aspect rassurant des murailles, décident les habitants à hasarder leur foyer dans la plaine même du Lot, aujourd'hui une des plus riches de France, et Villeneuve, Sainte-Livrade, le Temple, Granges, vont apparaitre successivement surveillées de haut par Laparade, Monclar, Cancon, Montpezat, Laugnac.

    Les commanderies que nous étudions sont les unes dans la plaine, les autres sur les coteaux. On peut les répartir en 4 groupes :

   Le premier groupe comprend les Commanderies du Temple d'Agen, de Saint-Jean de Mugero, de Sainte-Foy et de Sauvagnas, toutes dans la juridiction d'Agen. C'est le Plus important. Certains de ces établissements sont dans la banlieue immédiate d'Agen et dans la plaine de la Garonne.

  L’entité Sauvagnas et Sainte-Foy s’étend à une dizaine de kilomètres au Nord-est d'Agen, sur des côteaux à l'écart de la vallée de la Garonne, coupés de petits vallons presque fermés, ceinturés de garennes de chênes et où coulent de modestes ruisseaux qui actionnent encore quelques moulins, rares vestiges de l'époque qui nous occupe.

   La vieille route romaine, peut-être celtique, d'Agen à Cahors, le "chemin de Bruniquel", traverse les biens de l'hôpital de Sauvagnas.

    Le second groupe, dans les environs de Marmande, forme la commanderie de Saint Jean de Ferrand. Ses établissements sont situés à peu de distance, au sud des portes de cette ville, entre la route de Marmande à Tonneins et la Garonne, sur le terroir le plus fertile de la région. Ce terrain occupe la place d'un ancien lit de la Garonne marqué encore par un ruisseau parallèle au cours du fleuve, et sur lequel quelques-uns des moulins des Hospitaliers tournent encore.

    Le troisième groupe s'étend autour de la commanderie-chef du Temple de Breuil, aujourd'hui le Temple sur Lot. Les domaines de cet établissement sont presque exclusivement sur la rive gauche du fleuve. La bastide du Temple, elle-même appuyée sur sa maison forte, dont une partie subsiste, commande, et la route terrestre et la route fluviale.

   Cette route de terre a un intérêt particulier , elle aboutit à Clairac, où elle se divise en deux branches dont l'une, à travers les coteaux gagne Tonneins et continue vers Marmande et Bordeaux, tandis que l'autre va rejoindre Aiguillon, Agen et Toulouse.

    Au-delà du Temple, cette route, une des plus importantes de la région, remonte vers Villeneuve et Cahors. Le Temple du Breuil se trouve donc sur une voie commerciale importante et sur une des roules les plus suivies par les gens de guerre.

   Ses domaines s'étendent dans la plaine jusqu'aux premiers contreforts des coteaux que domine le château de Montpezat, forteresse du plus puissant baron de l'Agenais pendant la guerre de Cent. Ans. Plus au sud sur le coteau, au-delà de Saint-Sardos, dont le nom éveille le souvenir d'un épisode important des luttes franco-anglaises les Hospitaliers possèdent un petit établissement à Dominipech.

Enfin, au nord de Villeneuve, se trouve un quatrième groupe de faible importance, situé dans la Vallée de la Lède, affluent de droite du Lot : Saint-Sulpice de Rivalède, Saint-Jean de Lerm et Saint-Caprais de Monflanquin.

 Le Temple du Breuil constitue bien une position importante qui peut interdire le passage et dans la vallée et sur le fleuve du Lot.

   Si l'on considère les établissements de l'Ordre de l’Hôpital, ceux de la Lède sont à l’écart tout transit.

    Timidement cachés entre les bastides de Villeneuve et de Monflanquin, ceux de Saint-Jean de Ferrand, dans la banlieue maraîchère de Marmande, sont sans défense, seuls ceux de Sauvagnas se trouvent à proximité d'une route importante, dont le trafic a effectivement tenté, comme nous le verrons l’instinct de rapine de certains tenanciers de l'Hôpital.

    En résumé, le caractère militaire du Temple de Breuil et de l'Hôpital de Sauvagnas ne dépasse pas la mesure des précautions défensives obligatoires que tout établissement, quel qu'il fût, devait nécessairement prendre au cours de ces époques troublées.

 

CARTE DES COMMANDERIES AVEC BLANC AUTOUR 5 siglee

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Emplacement des principales commanderies templières, puis hospitalières, en Lot et Garonne; ne sont pas représentés les petites dépendances. (Plan de Patrick Garcia)

9- CHOIX ET EMPLACEMENTS

   Le choix des emplacements parait beaucoup plus déterminé par le hasard des donations pieuses dont ces ordres furent les bénéficiaires, que par tout autre calcul.  

    Il nous faut remonter au XIe siècle et aux premières années du XIIIe siècle. Ce pays était alors en proie à l'hérésie albigeoise ; or dans la croisade contre l'albigéisme, les ordres militaires conservent une attitude neutre. Ils sont d'ailleurs protégés par les comtes de Toulouse qui multiplient les libéralités à leur endroit. En effet en 1177 des privilèges furent octroyés par ces seigneurs aux Hospitaliers. En 1184, Raymond V fit une donation à l'Hôpital de Toulouse, et Raymond VI fut reçu dans l'ordre de Saint-Jean en 1218. 

    Ce n'est donc Point pour lutter contre l'hérésie albigeoise que les Hospitaliers et les Templiers s'installaient sur des routes et dans des vallées.

  Le commandeur était le plus souvent âgé, entouré d'un hospice de malades et de vieillards. Si un but militaire a présidé au choix de ces emplacements, c'est uniquement dans un sens défensif.

    Nous sommes donc amenés à conclure que les établissements des Ordres militaires se sont fixés là où les donations leur étaient faites.   

   Cela ne veut pas dire que ces ordres fondés pour soutenir la croisade et soulager les misères des pèlerins n'aient pas, recherché de préférence la proximité des routes de terre et d'eau empruntées par les croisés comme par les pèlerins.

   Un hôpital loin de tout ne se conçoit pas. Aussi les trouvons-nous à toutes les étapes du chemin à Marmande, au Port-Sainte-Marie, dont la Commanderie toujours détachée du Temple de Breuil, restera étrangère à notre étude, à Agen, etc.

      Le Temple et l'Hôpital ne sont pas des Ordres contemplatifs, ils n'ont pas à rechercher le désert et la solitude, mais bien à donner un gîte aux voyageurs et à tirer de leurs champs le revenu le plus considérable possible pour subvenir aux frais de la Croisade.

       Il semble que le noyau primitif ait été souvent hôtellerie à laquelle sont venus s'agréger des terres par des donations ultérieures.  

   Le Temple de Breuil doit tenir son origine, ainsi que nous le verrons, à une fondation pieuse. Quant à Dominipech et aux trois Commanderies septentrionales de Saint-Sulpice dé Rivallède, de Saint-Jean de Lerm et de Saint-Caprais de Monflanquin elles ont dû, d'abord, être seulement constituées d'un droit de patronage.

 

10- AVANT TOUT DES FONDATIONS PIEUSES

    Les origines des établissements des Ordres militaires dans les Commanderies qui font l'objet de cette étude, sont donc très obscures.

   Tout document antérieur à 1235 a disparu et nous devons nous résigner à demeurer dans le domaine des hypothèses. Les trois baillies qui entourent celles d'Agen ont conservé leurs titres de fondation.

    Le Nomdieu fut créé, avant 1170 par une donation de Gaston V, vicomte de Béarn et de Bruilhois, en faveur de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Sur cette terre un frère hospitalier nommé Homodéi, édifia une maison qui fut le centre autour duquel se groupèrent les donations ultérieures.

   Ainsi chaque fois que les documents nous permettent de retrouver l'origine d'une Commanderie d'un Ordre militaire dans l'Agenais, nous nous trouvons en présence de la fondation pieuse d'un personnage  des plus puissantes.

    Généralement le fondateur est l'ancien combattant de Terre Sainte lui-même, qui, par la concession d'une partie de ses biens temporels, s’assure la participation aux biens spirituels de l’Ordre et a le sentiment de poursuivre après sa mort, l’œuvre à laquelle il a consacré sa vie…

   Un mouvement comme celui des croisades qui a profondément remué les consciences et qui a suscité de si longs enthousiasmes devait donner un singulier prestige au Temple et à l'Hôpital qui symbolisaient l'action religieuse et militaire de ces siècles de foi chevaleresque.

 

 temple sur lot

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les très beaux restes de la belle commanderie-chef du temple sur Lot. (Photo: Patrick Garcia)

11- LES MAISONS DU TEMPLE : FONDATION DU TEMPLE DE BREUIL

           En ce qui concerne le Temple de Breuil nous n'avons pas non plus la preuve formelle de sa fondation par un seigneur de Montpezat.

    Dans le cours de l'histoire de cette commanderie nous verrons que les seigneurs de Montpezat ont toujours prétendu exercer une sorte d'autorité éminente sur le territoire du Temple de Breuil.

      D'après un document de 1320, un intérêt de pariage aurait été conclu dans le courant du 13e siècle ou du 12° siècle entre un seigneur de Montpezat et le commandeur du Temple.

  D'autre part en 1475, Charles de Montpezat prétendait que le territoire du Temple de Breuil était dans la juridiction de Montpezat. Mais à quelle époque aurait eu lieu cette donation des Montpezat à l’ordre du Temple ?

      Rainfroid I, était seigneur de Montpezat de 1180 à 1195. D'après la tradition, il prit la croix et passa en Palestine.

   Ce fut probablement ce même seigneur de Montpezat qui fonda la Commanderie du Temple de Breuil.

     En 1246, Innocent IV, par une bulle donnée à Lyon le 3 Octobre, mit sous la protection du Saint-Siège les paroisses possédées par cet Ordre dans le diocèse. Il en nomme quatorze, dont le Temple de Breuil.    

   Donc, dans le groupe de Commanderies que nous étudions, vers le milieu du XIIIe siècle, les Templiers avaient deux centres, l'un dans la vallée du Lot, au Temple de Breuil, l’autre à Agen.

 

 PLAN DE LA COMMANDERIE DE SAUVAGNAS

 12- LES MAISONS DE L’HÔPITAL DE ST JEAN DE JERUSALEM : L’HÔPITAL DE SAUVAGNAS

     Les Hospitaliers possédaient sur la rive droite de la Garonne des établissements plus nombreux. En 1325, l'Hôpital de Sauvagnas fut considérablement agrandi par une donation de W. Sans Genes.

    En 1264 la Commanderie de Sauvagnas était assez importante pour que le précepteur, frère Armengaud d'Aquiler put octroyer des coutumes aux habitants. Ces coutumes montrent que le commandeur avait l’entière juridiction sur le territoire de Sauvagnas et ne tenait ce domaine d'aucun seigneur supérieur.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : L'emplacement de la commanderie de St Sulpice de Rivalède et de son moulin, le"Moulin du Gros". Nous verrons plus loin, toutes les photos concernant cette commanderie dépendante du Temple de Breuil. (Photo du Net)

13- SAINT-SULPICE DE RIVALÈDE

      En 1274, dans un procès, l'évêque d'Agen et le précepteur de Sauvagnas recoururent à l'arbitrage d’Hugues Roquefort, chanoine de Saint-Etienne et de Raimond de Saint Michel, précepteur de Saint-Sulpice de Rivalède . Cette commanderie avait-elle déjà ses annexes, Saint-Jean de Lerm et Saint-Caprais ?  

 

 ST JEAN DE FERRAND

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Emplacement de St Jean de Ferrand. (Plan : Patrick Garcia)

 14- SAINT-JEAN DE FERRAND

      En 1280 il y avait un hôpital à Saint-Jean de Ferrand, dont le commandeur Arn de Saverdu était sous l'autorité supérieure d'Aguiler, commandeur de Sauvagnas.  

     Saint Jean de Ferrand dut être créé en même temps que Sauvagnas, les deux Commanderies, bien que fort éloignées, eurent toujours la même direction, les coutumes octroyées à Sauvagnas furent suivies à Saint Jean de Ferrand, jusqu’à 1380 environ, où elles furent remplacées par celles de Marmande.

 

DOMINIPECH

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Commanderie de Dominipech et son église de St Vincent. Nous verrons plus loin, toutes les photos de cette commanderie très bien conservée et restaurée, dépendance du Temple de Breuil (sur Lot). (Photo : du Net)

 15- DOMINIPECH

     C'est seulement en 1285 qu'apparait la Commanderie de Dominipech. Dans le Conseil tenu par le prieur de Saint Gilles, Guillaume de Villaret, au Nomdieu, figurait frère Jean de Lassaigne Commandeur de Dominipech.

 STE FOY DE JERUSALEM

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Emplacement de Ste Foy de Jérusalem. (Plan de Patrick Garcia)

 16- SAINTE FOY DE JERUSALEM

     Les origines de la Commanderie de Sainte Foy de Jérusalem sont encore plus obscures. Les actes les plus anciens de cet établissement sont un rouleau de reconnaissances de 1313. Cette commanderie relevait alors de l'hôpital de Sauvagnas. Or le transfert des biens des Templiers aux Hospitaliers ne s'étant effectué qu'en 1318 il parait certain que cet établissement avait toujours appartenu à l'ordre de Saint-Jean.

     A cette date ses possessions étaient nombreuses et s'étendaient dans plusieurs paroisses, ce qui prouverait une existence déjà ancienne.    Donc dans la seconde moitié du 13e siècle les commanderies des Hospitaliers et des Templiers, qui font l'objet de cette étude, étaient ainsi réparties :

1 - Le Temple de Breuil et le Temple d'Agen sous un même commandeur qui exerçait une sorte de suprématie sur tous les autres Temples sis entre la Garonne et la Dordogne.   Nous voyons ce poste occupé de 1267 à 1278 par Guillaume de Cantemerle après en 1281 par Raymond de Cantamerle, de 1288 à 1290 par Bernard de la Selva et enfin en 1298 par frère Guillaume Bernard de Laymont.

 2- D'autre part les Hôpitaux de Sauvagnas et de Saint-Jean de Ferrand étaient sous le même précepteur, frère Armengaud d'Aguiler,

 3-   Saint-Jean de Mugero, dépendance du Nomdieu en 1250, en fut détachée dès la fin du XIIIe siècle sans doute parce que la Garonne qui formait une frontière naturelle entre ces deux possessions rendait les relations difficiles et fut réuni à Sauvagnas.

  4- Les Commanderies de Dominipech et de Saint-Sulpice de Rivalède avaient leurs commandeurs particuliers.

   Pendant cette seconde moitie du XIIIème siècle, dans les rapports politiques avec les comtes de Poitiers, les rois de France et d'Angleterre, l'Ordre du Temple dans l'Agenais fut représenté successivement par les deux chevaliers de Cantamerle et Bernard de la Selva et l'Ordre de l'Hôpital par Armengaud d'Aguiler.

    Le commandeur hospitalier, Armengaud d'Aguiler, mérite une mention toute particulière. Sous son préceptorat les commanderies de Sauvagnas et de Saint-Jean de Ferrand prirent une véritable importance. Nous avons déjà mentionné qu'il octroya des coutumes aux habitants de Sauvagnas qui peu de temps après furent étendues à Saint-Jean de Ferrant. Nous verrons quelle attitude pleine de sagesse il eut avec les puissances séculières et religieuses de son temps. C'est lui qui fit construire le château de Sauvagnas actuellement presque entièrement détruit.

   Lorsqu'on démolit ce château, au début du siècle dernier, on trouva dans le mur de la grande salle une inscription qui attribuait à ce Précepteur l’édification de cette demeure.

 

SCEAU ALPHONSE DE POITIERS

  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le sceau du protecteur des Templiers et des Hospitaliers, frère de St Louis, et Comte de Toulouse.  (Photo du Net)

17- PROTECTION DU COMTE DE POITIERS A L’HÔPITAL

    Sous le gouvernement d'Alphonse de Poitiers, les chevaliers du Temple et de Saint-Jean de Jérusalem semblent avoir eu une attitude pacifique. Leurs possessions étaient encore peu importantes, ils avaient à leurs portes au Temple de Breuil, les seigneurs de Montpezat, à Sauvagnas ceux de Durfort, hobereaux violents, et ils n'avaient cure de provoquer des conflits dont les suites auraient pu les dépouiller de leurs biens et compromettre leur puissance encore mal établie.

   Du reste Alphonse de Poitiers était très favorable à l'Ordre de l'Hôpital. En 1270 il reconnut à Guilhaume de Villaret, Grand Maitre de l'Ordre, la libre jouissance et possession des biens acquis jusqu'à cette date dans Les diocèses de Toulouse, d'Albi, d'Agen, de Cahors et de Rodez

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  Les Hospitaliers avaient les mêmes fonctions que les Templiers, mais ne suivaient pas la même règle. Ils ont récupérés les commanderies et possessions templières à partir de 1310 à l'extinction de l'ordre des Templiers. (Photo du Net)

18- PROTECTION D’ALPHONSE DE POITIERS

A LA COMMANDERIES DE SAUVAGNAS

      En 1209 il ordonna au sénéchal d'Agenais et de Quercy, de protéger Pons de Castelnau, frère de l’Hôpital et lieutenant d'Armengaud d'Aguiler, commandeur de Sauvagnas, ainsi que tous les biens de sa baillie situés dans la sénéchaussée d'Agen et de Quercy.

    Aussi lorsque le précepteur de Sauvagnas, frère Mangot eut des difficultés, alla-t-il trouver Alphonse de Poitiers pour obtenir sa bienveillante intervention. Le comte de Toulouse manda à Pierre de Morteriac, sénéchal d'Agenais et de Quercy, de faire droit au précepteur de Sauvagnas, auquel un certain Jean d'Espienis avait volé une somme d'argent importante, valant 10 livres, des porcs et une grande chaudière. 

 

19- ALPHONSE DE POITIERS ET LES TEMPLIERS

      L'Ordre de l'Hôpital ne concentrait pas sur lui seul la protection du comte de Toulouse. En 1270, le comte de Poitiers confirma les Templiers dans la jouissance des biens qu'ils possédaient dans les diocèses d' Agen, Toulouse, Albi, Cahors et Rodez, et en particulier des biens qu’ils avaient acquis par la générosité de frère Guillaume de Cantamerle qui fut commandeur du Temple de Breuil de 1267 à 1278.

 

CARTE DE LA BARONNIE DE MONTPEZAT PAR BELLECOMBE copie

  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Carte de la puissante baronnie des Montpezat, les redoutables voisins des commandeurs du Temple sur Lot, qui leur contestèrent tout au long de leur histoire, leurs droits et terres, mais furent toujours déboutés... (Photo du Net)

20- POURQUOI LE COMTE DE POITIERS

NE FIT AUCUN TRAITÉ DE PARTAGE AVEC LE TEMPLE DE BREUIL (SUR LOT) ?

      Sous le règne d'Alphonse de Poitiers les bastides se multiplièrent sur la frontière anglo-française et le plus souvent à la suite d'un pariage. Or le Temple de Breuil était dans une situation stratégique particulièrement remarquable. 

    Le château fort des Templiers du Temple de Breuil coupait la voie d'Aiguillon à Villeneuve qui remonte la vallée du Lot. En 1264, à la suite d'un traité de pariage conclu entre la baronnie de Pujols et l'abbaye d’Eysses d'une part et Alphonse de Poitiers de l'autre, la bastide de Villeneuve s'éleva sur les deux rives du Lot en amont du Temple de Breuil. Si les commandeurs du Temple avaient tourné leurs armes contre le comte de Poitiers, ils auraient pu mettre un obstacle sérieux aux communications de Villeneuve avec la grande artère de l'Agenais la vallée de la Garonne.

   Si Alphonse de Poitiers ne conclut aucun traité avec le Temple de Breuil, c'est sans doute parce qu'il rebutait plus encore de soulever l'hostilité des seigneurs de Montpezat, qui prétendaient à une certaine suprématie sur les terres de Breuil  

   Nous ajouterons que la construction des bastides avait provoqué un vif mécontentement de la part des seigneurs qui voyaient leurs terres se dépeupler en raison de l'attrait qu'exerçaient sur les habitants des campagnes les villes neuves où les conditions de vie étaient meilleures.

 

FRONTIERE FRANCO ANGLAISE

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Tout ce qui est en bleu appartenait au duc d'Aquitaine, roi d'Angleterre, et bien sûr l'Agenais, qui se trouve être une zone frontière et donc eut à subir les nombreux passages des troupe des deux camps... (Photo du Net  Département 47)

 21- L’AGENAIS RÉUNI EN ANGLETERRE

     A la suite des événements que l'on sait, par le traité d'Amiens du 23 Mai 1277, le comté d'Agenais fut donné à Édouard I, duc de Guyenne.

     Le 27 juin 1279 les seigneurs de l'Agenais vinrent prêter serment de fidélité à Édouard I, roi d’Angleterre, parmi eux figure Rainfroid II de Montpezat, qui huit ans plus tôt avait juré fidélité à Philippe III roi de France.

 

 

HOSPITALIERS

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le commandeur de Sauvagnas prit ouvertement le parti anglais sans trop y être contraint... (Photo du Net)

22- LE COMMANDEUR DE SAUVAGNAS

POUR LE ROI D’ANGLETERRE

     Or, parmi tes témoins qui confirmèrent de leur présence les formalités de ce transfert de l'Agenais dans les mains anglaises, se trouvait frère Armengaud d'Aguiler, commandeur de Sauvagnas et ancien protégé du comte de Poitiers.

    Cette volonté du commandeur d'assister à cette cérémonie semble prouver son désir d'obtenir la protection du roi d'Angleterre et son intention de pratiquer une politique anglaise. Mais alors que les seigneurs de Montpezat pendant la fin du XIIIe et le début du quatorzième siècle passèrent successivement du parti français au parti anglais, les Templiers et les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem demeurèrent constamment du côté du roi d'Angleterre.

     D'ailleurs si les chevaliers du Temple et de l'Hôpital tenaient à maintenir de bons rapports avec le roi d'Angleterre, celui-ci considérait comme nécessaire sa politique d'influence dans l'Agenais d'avoir des partisans fidèles dans ces Commanderies.

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Templiers et Hospitaliers (comme ici) devinrent très puissants socialement, financièrement, foncièrement, au fil du temps, par les dons et l'appui indéfectible du chef de la chrétienté, le(s) pape(s)... (Photo du Net)

 23- PUISSANCE GRANDISSANTE DES ORDRES MILITAIRES DANS L’AGENAIS

    En effet, depuis un demi-siècle, leurs possessions s'étaient considérablement accrues. En 1288, notamment par suite d'une donation d'Amanieu Castelmoron ; le Temple de Breuil entrait en possession d'un droit de péage sur le Lot et un autre sur terre, ainsi que d'un moulin avec des droits de pêche sur le Lot dans les appartenances de l'abbaye de Fongrave. Depuis cette date le Temple de Breuil fut maitre des échanges commerciaux par voie fluviale el par voie terrestre entre la Garonne et la région de Villeneuve.

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Edouard 1er roi d'Angleterre d'après une miniature d'époque, veut se concilier les bonnes grâces des ordres Templiers et Hospitaliers, ses puissants vasseaux qui savent si bien gérer leurs biens et détiennent des bastions et des péages qui leurs donnent un pouvoir de nuisance qu'il vaut mieux contrôler de loin et amicalement.  (Photo du Net)

 24- LE ROI D’ANGLETERRE ET LES TEMPLIERS

      Un an plus tard en 1289, Édouard I mande à son sénéchal d'Agenais, Raymond de Campagne en raison de la protection spéciale qu'il donnait aux frères et aux biens de l'Ordre du Temple, qui se trouvaient dans ses terres ; d'envoyer auprès de Bertrand de la Selve précepteur des Maisons du Temple entre la Garonne et la Dordogne, un sergent fidèle et idoine.

     Ce Bertrand de la Selve était commandeur du Temple de Breuil qui exerçait une sorte de suprématie sur les autres Maisons du Temple comprises entre ces deux fleuves. On ignore quel danger menaçait le Temple en cette époque ; cet agent du Roi d'Angleterre placé auprès du Commandeur était sans doute chargé, sous l'apparence d'une protection bienveillante, de surveiller ou tout au moins de préparer une entente plus étroite. 

 

25- LES HOSPITALIERS DE SAUVAGNAS ET L’EVÊQUE D’AGEN

      Les commandeurs désiraient non seulement avoir de bons rapports avec les puissances séculières, mais aussi entretenir un commerce pacifique avec l'évêque d'Agen qui, sans avoir l'autorité de ses prédécesseurs des XIe et XIIe siècles, était encore une puissance respectable.

    L'évêque d'Agen était pour le Temple d'Agen et l'Hôpital de Sauvagnas la principale puissance ecclésiastique, toujours voisine, tour à tour menaçante et protectrice.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La commanderie du Temple de Breuil était prise en sandwich entre la baronnie violente des Montpezat, et la puissante ville fortifiée dépendant du prieuré de Ste Livrade sur Lot, dominée par le château de Richard Coeur de Lion (au premier plan). Cette maquette que nous avons réalisée, se trouve justement dans le donjon de ce château à l'entrée de Ste Livrade.  (Photo : Patrick Garcia)

26- LE TEMPLE DE BREUIL ET LE PRIEURÉ DE STE LIVRADE SUR LOT

     Mais au Temple de Breuil, l'évêque d'Agen ne faisait sentir son influence qu'indirectement : les conflits ne pouvaient naître qu'avec les seigneurs voisins. Or, le Temple de Breuil se trouvait entre la seigneurie de Montpezat avec laquelle des intérêts communs et peut-être un contrat de pariage l'unissait et le prieuré de Sainte-Livrade à une distance de six kilomètres en amont et dans une situation analogue.

    Le Prieuré de Sainte-Livrade s'élevait en effet comme le Temple sur la rive gauche du Lot et comme lui il commandait la route d'Aiguillon à Villeneuve. Or, entre le Prieuré et le Temple, au nord du Prieuré, étaient les églises de Saint-Germain et de Saint-Cyprien sur lesquelles ces deux maisons avaient des prétentions. En 1288 Bertrand de la Selva, commandeur du Temple de Breuil, et Guillaume de la Caussade prieur de Sainte-Livrade conclurent une transaction qui délimitait leurs droits et établissait l'entente entre ces deux maisons.

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Bertand de Goth, le futur pape Clément V,  fit une tournée des commanderies dont Sauvagnas. (Photo du Net)

27- VISITE PASTORALE DE BERTRAND DE GOTH DANS L’AGENAIS

      En 1304, l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Goth fit une visite pastorale dans l'Agenais. Son oncle Bertrand 2 de Goth était alors évêque d'Agen (1291-1313). Il séjourna dans la maison des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem de Sauvagnas où il lut reçu processionnellement. Le 1er Juillet 1301, il y coucha et fit visite le lendemain.

    Le procès-verbal de cette tournée pastorale ajoute qu'il y séjourna aux frais du commandeur. A Sauvagnas, la coutume était sans cloute la même qu'au Nomdieu où la ville était exempte des frais d'hospitalité en cas de visite des supérieurs ecclésiastiques.

    Bertrand de Goth se rendit ensuite à Layrac, prieuré bénédictins puis à l'hôpital du Nomdieu. Il est remarquable que le futur Clément V ait voulu honorer de sa visite les grands hôpitaux de l'Agenais.

    L’hospitalité qu'il avait reçue à Sauvagnas laissa une trace certaine dans le souvenir de Bertrand de Goth car, lorsqu'il fût pape sous le nom de Clément V, il songea à la gestion de cette commanderie.

      Le 1er mars 1310, Clément V accorda à Bertrand fils de Raimond-Bernard de Fumel, chevalier et frère de l'Hôpital du diocèse d'Agen, la jouissance jusqu'à la quatrième génération des dîmes des paroisses de Rouets, Savignac et Ladignac, sous la condition qu'elles feraient ensuite retour à l'évêque d'Agen. 

  A la disparition des Templiers, les Commanderies du Temple d'Agen et du Temple de Breuil furent réunies à l'Hôpital de Sauvagnas.

    Pendant presque tout le cours du XIV° siècle, le groupe des commanderies qui font l'objet de celte élude jouit d'une certaine autonomie, le commandeur de Sauvagnas ayant sur les autres membres une véritable suprématie. 

    Quant aux Templiers eux-mêmes nous savons que la règle canonique leur interdisait de quitter habit malgré la suppression de leur Ordre et leur enjoignait d'entrer dans celui de l'Hôpital.

   Or, il est possible qu’Hugo de Lemoisi, qui fut commandeur du Temple de Breuil de 1325 à 1340, ait été un ancien templier. Il est en effet permis de l'identifier avec Hugo de Lemosi, qui apparait dans un acte de 1298 comme « sculifer domini preceptoris du Temple d'Argentens ».

 

 

 

CARTE DES DEPENDANCE DU TEMPLE AVEC PHOTOS copie copie

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La carte des filliales du Temple de Breuil. (plan : Patrick Garcia)

28-SAUVAGNAS, LE TEMPLE DE BREUIL ET LEURS DÉPENDANCES (1235-1550) : LES VICAIRIES

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Nous allons présenter au fil des chapitres par des photos et des plans, le Temple de Breuil et toutes ses dépendances... (Photo : Patrick Garcia)

   Les commandeurs du Temple de Breuil avaient le « jus patronatus » (bénéfices des rentes et droit de nommer le vicaire d’une église) dans les paroisses de:

du Temple-de-Breuil,

 de Saint-Sulpice-de-Rivalède,

de Saint-Jean-de-Lerm,

de Saint-Jean-de-Villedieu,

de Dominipech,

de Saint-Caprais-de-Monflanquin et

de Sainte-Foy.

     Nous parlerons plus loin du droit que possédait le commandeur du Temple-d'Agen de nommer le desservant de la chapelle de Sainte-Quitterie d'Agen, qui d'ailleurs n'était pas une paroisse. Seul dans la commanderie de Saint-Jean-de-Ferrand, le commandeur n'avait pas le droit de patronage.

Localisation :

[Sauvagnas, Lot-et-Garonne, ar. Agen, c. Laroque-Timbaut.

Temple-de-Breuil, L.-et-G., ar. Villeneuve-sur-Lot, c. Sainte-Livrade,

Saint-Sulpice-de-Rivalède, L.-et-G., ar. Villeneuve. c. Montlanquin, com. La Sauvetat-sur-Lède.

Saint-Jean-de-Lerm, ar. c. com. Villeneuve.

Saint-Caprais-de Monflanquin, Lot-et-Garonne, ar. Villeneuve; c. com. Monflanquin.

Ste-Foy-de-Jérusalem, L.-et-G., ar. Agen, c. Pont-du-Casse

Saint Jean-de-Villedieu, Tarn et Garonne, ar. Moissac, c. Montaigu, com. Roquecor.

Dominipech, L.-et-G., ar: Agen, c. Port-Sainte-Marie, com. Saint-Salvy]

Saint-Jean-de-Ferrand, L.-et-G., ar. c. com. Marmande.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La cheminée du maître des lieux dans lequel on pouvait loger un arbre! (Photo : Patrick Garcia)

    Au Temple-de-Breuil, le commandeur constituait au vicaire une pension annuelle de 3 setiers ou 3 sacs de froment. 3 setiers ou 3 sacs de seigle, mesure d'Agen, une part de vin au moment des vendanges prise sur les dîmes du vin et le quart de la dîme du chanvre et du lin. Il devait avoir une maison presbytérale et quelques pièces de terres labourables ainsi que toute la prémice.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La jolie petite commanderie de Dominipech près de St Salvy (47), superbement restaurée, à droite l'église et le cimetière, à gauche, le logis du commandeur. Nous la découvrirons complètement au cours  de cette page et la page 235 sur le même thème. (Photo : Patrick Garcia)

     A Dominipech, au XVII° siècle, le vicaire avait 24 sacs de froment, 4 barriques de vin, 30 livres d'argent annuellement et quelques biens dans le gleysage ainsi qu'un presbytère.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : L'église désaffectée de St Caprais de Monflanquin, sur les hauteurs au sud de la dite Ville. Nous la verrons beaucoup mieux au fil des chapitres. (Photo : Patrick Garcia)

 Le recteur de Saint-Caprais de Monflanquin, au début du 16° siècle, recevait du commandeur, une pension annuelle de deux pipes de céréales, l'une de froment, l'autre de seigle, la moitié de la dîme du carnelage, des légumes, du lin et du chanvre et tout le casuel ainsi que le gleysage formé de vignes, jardins et terres labourables.  D'après une enquête sur la valeur des revenus de la vicairie de Saint-Caprais, sa part de dîme égalait deux livres tournois et le casuel rapportait environ quatre livres par an. 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : L'église St Salvy de Sauvagnas date du 12ème et est certainement à l'origine de la commanderie. (Photo : Patrick Garcia)

     A Sauvagnas, les paroissiens fournissaient au curé les livres, cierges et huile nécessaires au service divin. Depuis une transaction de 1536, entre le curé dudit lieu et les habitants, ceux-ci s'engageaient à donner au recteur deux sous par enterrement et trois sous et une paire de poules par mariage.

     Le recteur du Temple-de-Breuil avait en dehors de cette paroisse les annexes de Saint-Germain et de Saint-Caprais. Au XVII° siècle, ce recteur avait un second qui recevait une pension de 150 livres du commandeur pour dire la messe dominicale de 15 en 15 jours dans chacune de ces paroisses annexées.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Perception de la dime, l'împôt que percevait le commandeur. (Photo du Net)

 29- DÎME

   La dîme des paroisses incorporées appartenait au commandeur. Les vicaires perpétuels avaient droit à une partie en raison de la règle canonique qui oblige le « patron » (seigneur religieux d’un lieu) d'une église à laisser au vicaire, sur les revenus paroissiaux, la portion congrue nécessaire à sa subsistance. 

   Au Temple-de-Breuil, le commandeur a toute la dîme de la paroisse de Notre-Dame de Breuil.

   En 1506, les chanoines des églises cathédrale et collégiale de Saint-Etienne et de Saint-Caprais-d'Agen, ainsi qu’Alain de Montpezat, protonotaire apostolique, contestèrent au commandeur du Temple ses droits sur certains territoires de ladite paroisse. Il n'en fut pas moins confirmé dans ses droits et maintenu à percevoir les dîmes des territoires du Moulin de Malroch, de Saint-Caprais, de las Palholas (Pailloles), de las Platerinenques, de Péchavit et de Pech-Arros.

     En dehors de Notre-Dame du Temple-de-Breuil, le commandeur avait des droits sur une partie des dîmes des paroisses de Saint-Germain, de Saint-Caprais, de Saint-Cyprien, de Saint-Gervais et Saint-Pierre-de-Roubilhou Saint-Germain et Saint-Caprais étaient des églises filiales du Temple.

Le prieuré de Sainte-Livrade avait des droits sur le dîmaire de ces paroisses et, en 1288, une sentence arbitrale fut rendue entre Guillaume de la Caussade, prieur de Sainte-Livrade, et Bertrand de La Selve, commandeur du Temple, déclarant que le prieur aurait la dîme et la prémice de Saint-Caprais

    La dîme, la prémice et tous les droits paroissiaux de Saint-Germain étaient laissés au Temple.

  Le commandeur avait des droits sur les dîmes de Saint-Gervais, dans la juridiction de Castelmoron, depuis 1288, date à laquelle Amanieu de Castelmoron en avait fait don à la maison du Temple 

    Le commandeur du Temple de Breuil y avait le quart de la dîme des gros grains, les trois autres quarts étant au chapitre de Saint-Etienne-d'Agen, à l'abbé de Clairac et au curé de la paroisse.

   Amanieu de Castelmoron avait aussi donné au Temple-de-Breuil des droits sur les dîmes de la chapelle de Saint-Avit dans la paroisse de Saint-Pierre-de-Roubilhou de la juridiction de Laparade

     La dîme portait surtout sur les céréales et la vigne. Sont dîmes : le froment, le seigle, l'avoine, l'orge, le balhart, le méteil, le millet.

    On distingue la dîme du vin de celle de la vigne, l'une prélevée en comportes au moment des vendanges, l'autre par charges prises dans la cuve.

    La dîme des légumes est aussi très fréquente. On distingue au XVIIe siècle les pois cassés, les jarousses, les lentilles, les fèves qui sont le plus souvent dîmés, les gesses sont mentionnées en 1496.

   Parmi les cultures industrielles, le lin et le chanvre sont seuls signalés. A Sauvagnas et à Saint-Caprais n'était décimable que le chanvre mâle qui portait des grains.

    La dîme des animaux ou carnelage se percevait sur leur croît, agneaux, veaux, poulains, pourceaux, jamais sur les denrées destinées à leur nourriture, comme le fourrage ou sur les produits tels que les œufs, le beurre ou le fromage.

  En 1364, on percevait cependant la dîme de la laine au Temple-de-Breuil et à Dominipech 

    Parmi les animaux de la basse-cour, les poules seules sont sujettes à la dîme. Il n'y a aucune trace dans les textes de dîme perçue sur les produits des jardins et vergers, cependant les habitants de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil avaient de nombreux « orta » aux portes de ces bourgs. De même aucune dîme n'était perçue sur les bois pour la raison que les commandeurs avaient conservé leurs droits de seigneurie sur les forêts.

 On distingue les dîmes grosses des dîmes menues.

Les dîmes grosses sont les céréales,

Les dîmes menues sont les légumes, les dîmes vertes et parfois le lin et le chanvre, le millet et le blé d'Espagne.

 POURCENTAGE DE LA DÎME SUR LES MARCHANDISES:

    La dîme des gros grains est perçue au 1/11ème du total  à Saint-Jean-de-Villedieu,

Au 1/10ème du total à Saint-Sulpice-de-Rivalède, Ste-Foy, Saint-Caprais-de-Montflanquin, Dominipech, Sauvagnas, au Temple-de-Breuil.

 La dîme de menus grains est perçue 1/13ème du total à Sauvagnas, au Temple-de-Breuil, à Sainte-Foy, à Saint-Sulpice-de-Rivalède, au 1/15ème à St-Caprais.

  Le carnelage est perçu au 1/13ème du total à Saint-Jean-de-Villedieu et au Temple-de-Breuil,

Au 1/10ème à Saint-Sulpice-de-Rivalède, à Sainte-Foy-de-Jérusalem et à Saint-CapraisA Sauvagnas et au Temple-de-Breuil le taux du carnelage était aussi de 1/13ème et se payait six deniers par tête de pourceaux, chevreaux ou agneaux quand le tenancier en avait moins de treize, et un sou par tête à Sainte-Foy-de-Jérusalem.

      A Saint- Jean-de-Lerm, au XIIIe siècle, le carnelage se payait un demi-sou arnaudin par poulain ou pouliche, veau ou velte.

     La dîme du lin et du chanvre se payait au 1/13ème à Saint-Jean-de-Villedieu, au Temple-de-Breuil et à Sauvagnas.

     La dîme verte est de 1/13ème au Temple-de-Breuil, à Sauvagnas, à Sainte-Foy-de-Jérusalem et Saint-Sulpice-de Rivalède, de 1/15ème à Saint-Caprais.

     La dîme du vin se percevait au Temple-de-Breuil une charge sur vingt, une sur treize ou douze à Saint-Sulpice, une sur douze à Sainte-Foy, une sur dix à Saint-Caprais, une sur vingt à Dominipech et à Sauvagnas.

    Il y avait certaines exceptions. Ainsi la dîme du millet à Sainte-Foy n'entrait dans aucune catégorie et était perçue au vingtième, tandis que celle des fèves était perçue au 1/13ème à Sauvagnas.

La dîme des poules au Temple-de-Breuil se payait une poule sur dix.

    Donc en Agenais, les décimables (imposables) des Hospitaliers payaient le plus souvent entre le dixième et le treizième de leurs produits et jamais plus d'un dixième.

   Le lieu et le mode de perception est presque aussi variable que le taux. Nous avons vu que la dîme des animaux, ou carnelage, était perçue sur le croît (l’augmentation, la croissance naturelle…), et le plus souvent convertie en quelques deniers par tête (1 denier=0,4 euros).

   Les grains qui se lient comme le blé, les pois, les lentilles, le lin et le chanvre, se percevaient sur le champ en gerbes ;

Les menus grains et la dîme verte le plus souvent au grenier, sans doute pour qu'ils souffrissent moins du mauvais temps en attendant la perception.

    A Saint-Jean-de-Lerm, en 1287, sur le froment, on prélevait sur 34 gerbes, 4, dont 3 pour la dîme et une pour la prémice (soit 8,5% du total produit). 

    Au Temple-de-Breuil même, une partie des habitants continuait à ne pas payer la prémice. Bernard Gros obtint cependant gain de cause, par une transaction du 31 mars 1494.

 

 

la justice au moyen âge

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le commandeur du Temple avait le droit de haute, moyenne et basse justice. Cette gravure représente l'exécution de la justice autrefois... (Photo du Net)

 30- DROITS DE JURIDICTION

     Les Commandeurs étaient seigneurs justiciers au Temple-de-Breuil, à Sauvagnasils avaient la haute, moyenne et basse justice, à Saint-Sulpice-de-Rivelède et à Dominipech où ils ne possédaient que la basse et moyenne justice.

 

     Il faut tout d'abord distinguer entre Sauvagnas et le Temple-de-Breuil.

   A Sauvagnas, en 1264, les Hospitaliers avaient la juridiction, le 3 mars de cette année, Ferrand de Barrast, prieur de Saint-Gilles, et frère Armengaud d'Aguiler, Commandeur de Sauvagnas, octroyèrent aux habitants de la dite ville des coutumes desquelles il apparait que le Commandeur y avait un tribunal qui connaissait des délits et des crimes et qui pouvait condamner à mort.

      Les coutumes du Temple-de-Breuil ne peuvent pas rendre compte de l'origine des droits de juridiction du Commandeur dans cette ville, car elles ne datent que des premières années du XV° siècle et elles ne sont qu'une variante de celles du Nomdieu qui y ont été transportées, sans doute, après la réunion du Temple-de-Breuil à Sauvagnas à la suite de la destruction de l'Ordre des Templiers.

   Les Templiers usurpèrent au domaine royal la justice haute et basse.

   La date précise de cette usurpation demeure inconnue, mais elle dut avoir lieu entre 1271, mort d'Alphonse de Poitiers, et 1279, réunion de l'Agenais à l'Angleterre, car l'enquête de 1311 spécifie qu'elle s'est commise du temps où l'Agenais appartenait aux rois de France.

    Depuis cette date la justice fut attachée à la seigneurie du Temple-de-Breuil et aux XVII° et XVIII° siècles les procès-verbaux de visite n'ont garde d'oublier de mentionner que le Commandeur est seigneur haut, moyen et bas justicier dans les juridictions de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil.

  [Les coutumes du Nomdieu ont été octroyées dans les premières années du XIV° siècle. Le Nomdieu était une commanderie de l'Hôpital. L'exemplaire de la coutume transportée au Temple-de-Breuil n'est pas daté, mais cette commanderie a du adopter les coutumes du Nomdieu après sa réunion à l'Hôpital. En 1335, à Casteljaloux, autre commanderie du Temple réuni à l'Hôpital, on suivait la coutume du Nomdieu. ]

        Le 31 mai 1325 un traité fut signé entre l'Angleterre et la France qui réunissait l'Agenais à la France, et le 8 juin 1324, avant même que le roi de France put faire valoir ses droits sur la justice du Temple-de-Breuil, Hugues de Lemosi, Commandeur de Sauvagnas, baillait à ferme pour trois ans les revenus de la paroisse et la juridiction du Temple-de-Breuil y compris les droits de Justice du dit lieu. Les Commandeurs semblent avoir conservé ces droits pendant la guerre de Cent Ans.

     En 1453, les hostilités ayant cessé entre la France et l'Angleterre, des compétitions se firent jour à Sauvagnas et au Temple-de-Breuil. D'une part, les seigneurs de Montpezat faisaient valoir un ancien droit de seigneurie sur le territoire du Temple-de-Breuil, qui devait avoir pour origine la fondation même de la Commanderie. Le compétiteur était Charles de Montpezat, le plus grand seigneur de l'Agenais et un voisin redoutable. Il prétendait que le Temple-de-Breuil était dans la juridiction de Montpezat et qu'il avait sur son territoire la justice haute, moyenne et basse.

    Bernard Gros, Commandeur du Temple-de-Breuil, soutenait qu'il était seul seigneur justicier de ce territoire. Un accord fut conclu entre les deux partis, il définissait leurs droits respectifs. Par cet accord les habitants de la juridiction du Temple-de-Breuil relevaient en premier ressort de la cour du Commandeur.

   Mais, s'ils appelaient de la sentence du Commandeur, ils étaient tenus de venir devant les tribunaux du seigneur de Montpezat qui formait un degré intermédiaire entre celui du Temple-de-Breuil et celui du Sénéchal d'Agen.

   Mais si l'appelant avait mal appelé, il relevait à nouveau de la cour du Temple où le juge avait le droit de prononcer une sentence définitive et de la faire exécuter.

Pour les crimes capitaux les accusés condamnés à mort par le Commandeur étaient livrés pour être exécutés au seigneur de Montpezat.

    Par cet acte de pariage, le commandeur du Temple-de-Breuil, s'il conservait la connaissance des causes relevant de la haute justice ; perdait le droit de l'exécuter. Cependant, dès le troisième quart du XVI° siècle, le Commandeur du Temple avait recouvré l'exécution de la Haute Justice.

     Il n'est demeuré aucun acte provenant du tribunal du Commandeur à Dominipech et à St-Sulpice-de-Rivalède. Cependant le Commandeur avait dans ses deux commanderies la Juridiction moyenne et basse. En effet, en 1550-60, lorsque le Commandeur du Temple-de-Breuil eut un procès avec le seigneur de Montpezat au sujet de Dominipech, il fut décidé que le Commandeur renoncerait, en faveur du seigneur de Montpezat, à son droit de moyenne et basse justice sur le territoire de Dominipech moyennant le paiement d'une rente.

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La justice était redoutable à cette époque où la vie d'un homme ne valait pas grand chose et était prétexte à tous les spectacles. (Photo du Net)

 

Exemples de justice du commandeur du Temple de Breuil: [1579. 15 oct. Le Temple, L. IX, N° coté. Sentence du commandeur du Temple-de-Breuil condamnant Martin et Guillaume Rouget, après informations et délibération du Conseil à avoir la tête tranchée sur un échafaud dressé sur la place publique du Temple par l'exécuteur de la haute justice et leurs corps coupés en quartier pour être mis aux patibulaires de la présente juridiction.

1596. Le Temple. L. IX. n° non côté. Sentence du juge du Temple, condamnant un nommé lmbert à être tenu pendant deux heures au pilori et attaché au carcan d'icelluy en la place publique du présent lieu.]

     De même, en 1483, Bernard Gros lit, dans une lettre d'impétration de la grande Chancellerie de France, posséder, en tant que Commandeur de Saint-Sulpice-de-Rivalède, la moyenne et basse justice jusqu'à soixante sous tournois dans la juridiction dudit Saint-Sulpice.

  Les limites de juridiction de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil sont connues:

 

TEMPLE COMMANDERIE siglee copie

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  Carte de 1477 du terrier de la commanderie du Temple sur Lot . Notez l'enjolivement des villes et châteaux....(Plan amélioré par mes soins)

 [Au Temple-de-Breuil la juridiction du commandeur s'étendait sur la ville de Breuil limitée par ses fossés, 60 carterées en dehors des fossés qui constituaient le domaine réservé du commandeur, et en plus un territoire compris entre le ruisseau de la Gravère, près de la fontaine des Martres. Et suivant une ligne tirant vers le cours du Lot, et du cours du Lot montant vers le ruisseau de la Lantone (lautonne), et dudit ruisseau jusqu’au confluent du ruisseau de Carcassona et remontant vers le Puech-Avit puis allant entre le Puech-Avit et le Puech-Auros--tout droit jusqu’au ruisseau de la Gravera. ]

     Le Commandeur avait la connaissance des causes criminelles. A Sauvagnas et au Temple de-Breuil, il avait la haute, la moyenne et la basse justice. A Saint-Sulpice-de-Rivalède il avait seulement la basse et la moyenne justice. D'après les coutumes du Nomdieu et de Sauvagnas était passible de la peine de mort tout homme coupable d'homicide. Nous avons trouvé un assez grand nombre de condamnations à mort pour cause de meurtre prononcée par le juge de Sauvagnas ou celui du Temple-de-Breuil.  La potence du Temple était sur la place publique du lieu. Les fourches patibulaires de Sauvagnas s'élevaient dans le lieu dit "de Couture". La basse justice, d'après le pariage de 1320, était celle ayant la connaissance des délits comportant une amende au-dessous de soixante-cinq sous. 

   Or, d'après les coutumes du Nomdieu et de Sauvagnas, l'amende de soixante cinq sous était la plus forte qu'on puisse donner ? Au-delà c'était l'exil ou la peine de mort.  

   L'acte de pariage conclu entre Bernard Gros et le seigneur de Montpezat, en 1475, est le plus ancien où la moyenne justice soit mentionnée.

   La moyenne justice devait être la connaissance des crimes non passibles de la peine de mort. Les peines infligées en dehors des peines corporelles étaient les amendes, confiscations de biens et la prison.

   Les produits des amendes et confiscations revenaient entièrement au Commandeur. Les prisons étaient dans le château de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil 

    En matière judiciaire, le Commandeur était tenu de partager une partie importante de son pouvoir avec les représentants de la communauté, consuls, prudhommes et jurats. Le Commandeur ne rendait pas la justice en personne, mais se faisait représenter par son bayle qui jugeait en son nom, ce qui explique que le Commandeur ait eu l'exécution de la haute justice.

   Le juge du Temple-de-Breuil recevait comme pension du Commandeur dix francs bordelais au milieu du XVI° siècle (920 euros).

     Il semble que le Commandeur n'ait eu que l'apparence de l'exercice et que les représentants de la communauté aient gardé la réalité du pouvoir.

   Si on lit avec attention les nombreux procès passés devant le tribunal du Commandeur, on peut observer que les enquêtes étaient conduites par le juge représentant du seigneur assisté d'un jurat ou d'un conseil et d'un greffier qui prenait par écrit les interrogatoires des témoins et du coupable. Pour obtenir l’aveu du coupable on n'hésitait pas à se servir de la question.

   On doit remarquer que si les représentants de la communauté n’avaient apparemment qu'un rôle d'assesseurs, la décision de la peine à infliger leur incombait. En effet, une fois les enquêtes terminées, les informations étaient remises au conseil des sages ou prudhommes dudit lieu qui délibéraient sur la conclusion à prendre et le juge n'était que le porte-parole de leur solution. 

 [Dognon (Op. cit., p. 115) décrit ainsi la procédure employée dans les cours consulaires du Languedoc. Après une enquête conduite en présence de deux ou trois prudhommes ou consuls, le bayle les assemble au nombre de 20 à 25 en tribunal et pose la question de culpabilité. Puis le jury se retire, discute et donne son avis à la majorité. Le bayle prononce et applique. Donc la justice est l'apanage du seigneur, mais son exercice appartient aux consuls. Il y a de grandes analogies entre cette procédure et celle employée dans les cours du Temple et de Sauvagnas]

   Si la sentence était prononcée au nom du juge, représentant du Commandeur, on ne manquait pas de spécifier qu'elle avait été rendue après les dépositions des témoins, celles du défendeur, ses confessions et après délibération du Conseil des Sages, le tout ayant été par lui admis.

 

Délibération des consuls d’Agen

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les commandeurs, seigneurs des lieux s'appuyaient sur le conseil des prud'hommes où participaient leurs représentants, les baillis. (Photo du Net)

 31- ADMINISTRATION MUNICIPALE

    Dans toutes les possessions des Hospitaliers de la baillie du Temple, il n'y avait que Sauvagnas et le Temple-de-Breuil où existât une organisation municipale.

    Dans ces deux villes, les Commandeurs avaient une part très large à l'administration de la communauté, comme la plupart des villes de l'Agenais, région intermédiaire entre la Guyenne et le Languedoc, ce sont des villes à consulat et à jurades.

     Le seigneur est représenté par son bayle, et la communauté par le conseil des prudhommes, les jurats et les consuls. Le bayle est nommé par le Commandeur dont il est en quelque sorte le procureur.

  Le Conseil des Prud’hommes était élu par l'ensemble des habitants. Il était formé de douze membres. Les textes ne disent pas pour combien de temps ils étaient élus. Les jurats devaient être recrutés parmi les prudhommes et être moins nombreux qu'eux.

    Ils ne demeuraient en fonction qu'un an. On ignore s'ils se renouvelaient par l'élection du peuple ou des prudhommes ou même par la cooptation.   

    Les consuls étaient au nombre de deux et élus tous les ans. Les jurats formaient une liste de quatre candidats qu'ils présentaient au Commandeur, lequel en choisissait deux pour exercer la charge de consul.  

       Cela correspond à l'étymologie que M. Dognon donne au terme consul qui viendrait d'après lui du verbe « consulare ». Le consul est celui qui conseille le seigneur et constitue l'intermédiaire entre le seigneur et les prud'hommes. Le droit de communauté s'acquérait par la naissance dans le lieu.

   Au Nomdieu, tout habitant pouvait accorder la sauvegarde et le droit d'asile à un homme du même lieu s'il n'était pas homicide, s'il ne s'était pas livré et s'il n'était pas tenu de se défendre en justice contre celui qu'il avait offensé ou contre le cri de la ville.

   La coutume de Nomdieu permettait aux habitants d'émigrer. Le seigneur devait, même laisser à celui qui voulait émigrer quarante jours pour retirer ses affaires.

     On pouvait être déchu du droit de communauté. La coutume de Sauvagnas prévoit cette peine pour les voleurs de truies, porcs, moutons ou chèvres qui étaient en outre exilés et frappés d'une amende de soixante-cinq sous (295 euros env.).

   Le Commandeur entrant nouvellement en charge devait au Temple-de-Breuil jurer aux habitants de respecter les usages de la communauté, les habitants prêtaient ensuite, entre les mains du Commandeur, serment d'être « bos hommes e loyals » et lui juraient fidélité. Ce serment réciproque devait être pratiqué aussi à Sauvagnas, car on le retrouve dans presque toutes les coutumes de l'Agenais. Il est à remarquer que le Commandeur prêtait serment avant les habitants.

    Les différents représentants du seigneur et de la communauté se partageaient les attributions administratives, judiciaires, financières et militaires.

   Les fonctions des consuls, jurats et prudhommes étaient surtout administratives. Ils avaient la responsabilité de l'entretien de la ville, et avec le bayle du seigneur veillaient au développement de l'agriculture, des industries locales et du commerce. Les prudhommes et les jurats se partageaient la surveillance des rues, voies publiques et fontaines.

    [Cout. du Nomdieu. éd. Rebouis. art. 43. éd. Benaben, art. 45 (l'édition de Rebouis est la transcription des coutumes du Nomdieu. d'après l'acte tiré du fonds de cette commanderie. Benaben a complété ce texte avec l'exemplaire de la coutume transportée au Temple-de-Breuil. Le Temple. L. V, n° I). ]

 

 

paysans a table

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les commandeurs avaient la surveillance de l'industrie de l'alimentation. (Photo du Net)

32- L’ALIMENTATION

   La surveillance des industries locales appartenait presque exclusivement au seigneur, puisqu'il avait conservé ses droits banaux sur les moulins, fours, forges, boulangeries et boucheries.

     Au Temple-de-Breuil et à Sauvagnas, le seigneur avait retenu un droit de seigneurie sur les boucheries.

   En 1545, le bayle du Commandeur ordonnait à tous les bouchers de Sauvagnas de vendre de la bonne viande et leur enjoignait de la laisser 24 heures dans le sel avant de la faire entrer dans le commerce. De même le seigneur devait avoir la réglementation du pain, car en cas de fraude sur le poids du pain, c'est à lui que revenaient les produits de la confiscation.

     Les villes du Temple-de-Breuil et de Sauvagnas n'avaient pas de fours communaux. Il y avait des fours privés. Le Commandeur se réservait aussi les moulins et les forges.

      Les représentants de la communauté intervenaient davantage dans la réglementation du commerce. Tout d'abord les jurats établissaient les poids et mesures du lieu avec le seigneur.

  De même en cas de guerre et de disette le Commandeur du Temple ne pouvait empêcher l'exportation du blé et du vin de la ville que de concert avec les jurats et les autres prudhommes du lieu. La protection de l'agriculture au Temple incombait au seigneur et aux représentants de la communauté.

     Ainsi le garde des moissons tenait sa charge du seigneur, des jurats et de la commune. Le seigneur lui donnait sa commission et la ville lui payait sa solde. 

    Les finances communales de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil devaient être très médiocres. Au Temple-de-Breuil les habitants étaient exemptés de payer la quête. Les revenus provenant des amendes et des confiscations revenaient entièrement au seigneur, sauf les amendes établies par le garde des moissons, dont le tiers était au seigneur, un tiers au garde et l'autre tiers à la ville.

    Cependant les jurats avaient au Temple le pouvoir d'imposer les habitants pour l'entretien de la ville et pour les charges communales.

    Le produit des leudes et péages appartenait au Commandeur du Temple-de-Breuil et de Sauvagnas. Les dépenses communales devaient être partagées entre le seigneur et la communauté.

   La solde du garde des moissons incombait cependant entièrement à la ville. Lorsque plus de cinq hôtes venaient visiter le Commandeur et l'Hôpital les deux tiers de la dépense incombaient à la ville et aux habitants. Par contre le Commandeur devait prendre entièrement à sa charge les frais de ses invités, des personnes appartenant à l'Ordre, ou venant en visite d'inspection par mandement d'un supérieur, ainsi que celles qui demandaient l'hébergement à titre seigneurial.

 guet

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le commandeur et son bayle (ou bailli) organisaient les tours de garde au guet sur les remparts, remparts qui étaient édifiés et entretenus par le jeu des corvées. (Photo du Net)

33- LA GARDE DES REMPARTS

    Ces petites villes ne paraissent pas avoir eu de troupes communales. Il n'est nullement question dans les coutumes de service d'Ost et de chevauchée.

   L'effort militaire de ces villes est resté purement défensif. Au Temple-de-Breuil, le seigneur et les jurats ordonnaient le service de guet et celui qui ne répondait pas à l'appel ou qui ne s'était pas fait remplacer relevait du seigneur et des jurats de la cour du lieu.

    Dans les périodes troublées de la guerre de Cent Ans, le guet devait être obligatoire et chaque habitant était tenu d'y venir en personne, quand il était convié. En 1340, un habitant de Sauvagnas dut payer une amende pour s'être fait remplacer au guet, une nuit où il devait le service.

    Si quelqu'un portait tort au Commandeur ou l'attaquait que ce fût en temps de guerre ou de paix, les hommes de Sauvagnas devaient venir à son secours avec des armes ou sans armes, quand celui-ci le leur demanderait.

travail de la terre au moyen âge

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  2 types d'exploitation des terres: l'emploi de domestiques ou journaliers, ou le bail à des "tenanciers" qui vont l'exploiter moyennant  finances. (Photo du Net)

34- SEIGNEURIE FONCIÈRE

     Les Hospitaliers exploitent leurs domaines soit directement, en conservant la propriété et la jouissance d'une partie de leurs terres qu'ils font cultiver par des domestiques ou des journaliers, soit indirectement, en cédant à bail à des tenanciers certaines terres moyennant redevances.  

    Le Commandeur gardera, pour son entretien personnel et celui des frères et donats qui l'entourent, une petite partie du domaine et baillera le reste à des tenanciers, ce qui facilitera sa gérance.  

 

exploitation des terres pour le seigneur

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le commandeur loue à ses "tenanciers" à bail emphythéotique, ses terres, moyennant un revenu annuel. (Photo du Net)

 35- L’EXPLOITATION INDIRECTE : RENTES ET IMPOSITIONS

     Le preneur est tenu de payer au bailleur une redevance annuelle et perpétuelle dite « oublies » et un droit de mutation ou « acaptes » à chaque changement de seigneur ou de feudataire … de réparer et de ne pas détériorer les biens baillés.

    Le terme d'emphytéose désigne le bail à cens (une redevance annuelle). Le cens est dit « oublies » dans les textes. Le taux des oublies est fixé définitivement par le contrat d'emphytéose.  

     Parmi les redevances fixes on distingue les annuelles des casuelles. Les redevances annuelles sont : le cens et la rente. Le cens est le revenu annuel (établi sur acte à l’avance) du domaine utile possédé par le tenancierLa rente est le complément de redevance le plus souvent en nature qui apparaît surtout à la fin du XV° siècle. 

   C'est d'ailleurs le sol plus que l'édifice qui est redevable du cens, car un emplacement pour construire une maison est baillé pour 6 deniers (2,4 euros), les jardins doivent environ 12 deniers tournois (5 euros).

      A Sauvagnas les maisons sont accensées de 3 à 6 deniers tournois (1,2 à 2,4 euros), sauf quelques maisons sur la place publique qui doivent un sou (4,5 euros).

  Avec la dépréciation de l'argent, les commandeurs suppléèrent à la faiblesse du cens par l'addition, à la fin du 15e et au début du 16e siècle, de rentes constituées soit en argent, comme au Temple-d'Agen où les redevances en nature restaient très rares, soit en nature, fixes et en corvées, comme au Temple-de-Breuil, à Sauvagnas, à Saint-Sulpice-de-Rivalède, Saint-Jean-de-Lerm et Saint-Caprais-de-Monflanquin, soit au champart comme à St-Jean-de-Ferrand.

 

     A Sauvagnas et au Temple-de-Breuil les redevances en nature sont la règle à partir de la fin du 15e siècle. A Sauvagnas elles sont en relation approximative avec la valeur de la terre ; les tenanciers ayant moins de 15 carterées (11 ha) paient vers 1490, une poule et deux quartons de froment et d’avoine (6,5 litres de grains); ceux ayant de 15 à 30 carterées (22 ha) paient une paire de poules et 2 à 4 quartons de blé (7 litres de grains), et les grands propriétaires jusqu'à 10 quartons (30 litres de grains).

   Mais dès l'extrême fin du 15e et le début du 16e siècle, avec le morcellement excessif des terres et la constitution de la petite propriété, le nombre des tenanciers augmente et la redevance en nature devient plus faible ; la plupart des tenanciers reconnaissent devoir un tiers de quarton de froment, un quart d’une paire de poules, leur quote-part de 3 picotins d’avoine….

      Au Temple-de-Breuil, en dehors du droit de fournage (avoir un four) et des corvées qui atteignent tous les tenanciers, les emphytéotes paient comme redevance en nature à la fin du 15eme  siècle suivant l'étendue de leurs terres, de 4 à 10 quartons de froment, même quantité en seigle et en avoine et deux poules.

   Seuls les tenanciers ne possédant qu'une maison et un jardin dans la ville de Breuil ne paient aucune redevance en blé.

   Au Temple-de-Breuil la redevance est de 1/8° des fruits, à Sainte-Foy de 1/5e du blé récolté en gerbes et de 1/5° des noix. À Sainte-Quitterie du quart de la vendange….

  

travail du domaine reservé

 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le commandeur a droit de corvée, généralement un journée par an, ce qui lui permet de faire réaliser des travaux agricoles ou de maçonnerie ou des terrassements, en fonction des corps de métiers, et cela, gracieusement. (Photo du Net)

36- LES CORVÉES

    Les prestations personnelles (corvées) ne sont fréquentes que dans les terres relevant de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil.

    A Sauvagnas, la corvée est une redevance personnelle ; il n'y a pas de relation entre la valeur de la tenure et le service. Tel tenancier possédant une maison et un jardin doit une journée d'homme par an, comme tel autre ayant maison, jardin, colombier …

   Beaucoup de tenanciers ne sont tenus à aucune corvée ; la plupart à une journée de travail par an, quelques-uns à une demi-journée ; d'autres, très rares, à deux jours. 

    Au Temple-de-Breuil comme à Sauvagnas, les corvées n'apparaissent que dans la seconde moitié du 15ème siècle. L'acte le plus ancien du fonds de Sauvagnas où l'on trouve une mention de corvée est de 1451 ; au Temple-de-Breuil vers 1470. L'apparition des corvées coïncide avec l'administration de Bernard de Bellac qui cherche, sans incommoder le tenancier, à suppléer par des redevances en nature et des prestations à la dépréciation de la valeur du cens en argent.

    Bernard Gros Commandeur du Temple de Breuil, poursuivit et étendit ce système qu'on trouve partout où son action s'est fait sentir et en particulier dans les tenures de la vallée de la Lède.

    A partir de la fin du 15e siècle, presque tous les tenanciers du Temple-de-Breuil sont corvéables : ils doivent en moyenne chacun « 3 manobras (corvées) » par an. Les emphytéotes du Temple sont probablement plus grevés que ceux de Sauvagnas parce que les terres cultivables possédées en toute propriété par le seigneur y sont plus importantes. Sans être absolu il semble qu'il y ait un rapport entre l'étendue des terres et l'impôt.  

  

corvées au moyen âge

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Une partie des terres de la seigneurie du commandeur étaient réservées à sa jouissance personnelle, il la faisait exploiter par ses domestiques ou par le truchement des corvées. (Photo du Net)

 37- EXPLOITATION DU DOMAINE RÉSERVÉ (TERRES PERSONNELLES DU SEIGNEUR COMMANDEUR)

COMBIEN ÇA COÛTE EN EURO ????

    L'exploitation directe du domaine réservé en personne au commandeur se fait par les corvées et par le louage de journaliers ou de domestiques à l'année ou au mois. On ne trouve pas trace de baux dépassant une année ni de métayage.

    Les domestiques à l'année ne sont pas assignés à un travail déterminé, sauf les bouviers et porchers.

    Ils sont payés en argent et en nature. Ils sont souvent recrutés parmi les tenanciers et alors tenus pour quitte de leurs redevances. Ainsi la solde d'un tenancier loué pour un an comprend le non-paiement de ses oublies, le prélèvement du cens d'un autre tenancier, 6 francs bordelais, 2 pipes de blé et une cape.

   La plupart de ces contrats de louage pour l'année comportent le paiement de 4 à 6 écus (1 100 Euros à 1 650 Euros) et l'obligation de fournir les vêtements. L'engagement des domestiques agricoles pour l'année part de la Saint Vincent de Noël, de la Sainte Foi, de la Pentecôte etc.

   Il n'y a pas de date précise. Les journaliers sont engagés pour un travail déterminé : tel ouvrier Jean Seronha doit ouvrir et nettoyer un bois « que se puesca laborar » pour 6 livres (550 Euros). Tel autre doit « adobar las trelhas del cazal » pour 15 sous (70 Euros). Un autre doit planter des ormeaux le long du Lot ; un valadier doit enfermer un champ et un pré de 80 à 100 cannes de fossés (160m à 200 m).

     Bernard Gros Commandeur du Temple de Breuil,  ne loue pas seulement des journaliers agricoles, mais des ouvriers pour l'entretien du château et de la ferme : tel est tenu de reconstruire les deux tours, un autre de faire le toit, un troisième de bâtir la muraille du jardin ou de fabriquer un four de cuisine. Parfois dans les baux l'emphytéote s'engage à exécuter un travail « adobar lo tor de la prison ».

    La solde de ces ouvriers agricoles n'est pas fixée par le temps employé. Les valadiers (nettoyeurs de fossés) ont 5 deniers (2 Euros) par canne (2mètres) ou 2 francs bordelais par centaine de cannes (200 Euros pour 200 mètres).

   En dehors du paiement en argent, ils reçoivent presque toujours un porc d'un an, quelques livres d'huile , une poignée de sel et quelques sacs ou quartons de froment et de méteil.

   Les corvées, les domestiques, pris à l'année ou pour accomplir un travail déterminé, suffisent à l'entretien normal du domaine réservé. Mais dans les périodes de travail agricole intensif il faudra avoir recours à des journaliers. Ceux-ci sont payés à la journée en argent et nourris à la table du seigneur.

    D'autres ouvriers sont pris au mois, ils sont plus rares et leur solde est d'environ 15 sous tournois par mois (75 euros).

  

paiement en nature de l'impôt

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les droits banaux sont des taxes, souvent en nature, par exemple un pain sur 10, quand on utilise les outils mis à la disposition des gens par le seigneur (four à cuire le pain, moulin à farine....) (Photo du Net)

 38- DROITS BANAUX

 IIs sont peu nombreux. On n'en trouve de mention qu'au Temple-de-Breuil et à Sauvagnas. Le droit de fournage est le plus important.

   Les textes du Temple ne le signalent pas avant la seconde moitié du 15e siècle et la coutume du Nomdieu en vigueur au Temple-de-Breuil et octroyée en 1304, accorde à tous les habitants du lieu le droit d'avoir un four particulier.

 [La livre dans le Midi, au Moyen-âge égalait environ 415 grammes. ]

     Le droit de fournage (Droit que l'on payait au seigneur pour cuire son pain au four banal ou pour le cuire chez soi.) apparaît au Temple-de-Breuil dans la deuxième moitié du 15e siècle ; il est toujours de deux quartons de seigle (6,4 litres de grains), il ne correspond pas à la valeur de la terre. Le propriétaire d'un terre de 30 carterées devra deux quartons comme celui d'une maison et d'un jardin. C'est un droit réel perçu non par tête de tenancier, mais par feu allumé.

    C'est ce qu'exprime une sentence rendue en I 624, entre le commandeur du Temple et les habitants dudit lieu qui se refusaient à payer ce droit.

  [1624. 23 Août. Le Temple. L. IX. n° 2. Sentence rendue entre Denis de Polastron La Hilière commandeur du Temple, d'une part, et Géraud Conquet et autres habitants dudit lieu, condamnant ces derniers, entre autres obligations, à payer annuellement le droit de fournage qui est un droit dû par tous les habitants domiciliés dans la juridiction du Temple tenant feu allumé. ]

     Le commandeur a un ban (droit) sur le vin ou droit de « maiade », c'est-à-dire qu'il vend exclusivement le vin de Pâques à la Pentecôte dans les juridictions de Sauvagnas et du Temple-de-Breuil.

   Le ban (droit) seigneurial s'étend aussi sur les bouchers qui forment une des seules corporations réglementées par les coutumes. D'après les coutumes du Nomdieu, tous les bouchers relèvent du seigneur à Sauvagnas : le commandeur se réserve sur tout porc ou truie vendu « los ombles » et sur tout bœuf et vache la langue. Au 17e siècle ce droit subsistait toujours, mais les « l'ombles » étaient remplacées par une livre de porc tué dans la boucherie.

[La livre dans le Midi, au Moyen-âge égalait environ 415 grammes. ]

      D'après la coutume de Sauvagnas le seigneur se réservait aussi les droits de forges et de leudes dans la ville et faubourgs dudit lieu, les droits de moulins avec obligation pour les tenanciers de moudre leur blé au moulin du seigneur sous peine de 5 sous de gage.

   Le seigneur se réserve aussi la pêche de certains ruisseaux. Ainsi, en 1479, Bertrand Bordes reconnaît tenir de Bernard Gros, commandeur du Temple-de-Breuil, « sertans molins sobre lo rieu de la Negrecia, reservada al dite senhor la pesqua ».

  Le commandeur avait à Sauvagnas et au Temple-de-Breuil le droit de chasse. A Sauvagnas, il prélevait l'épaule de chaque porc sauvage pris dans ses terres ainsi que la hanche des cerfs et des chevreuils.

    Le commandeur du Temple-de-Breuil était très jaloux de son droit de chasse et, lorsqu'en 1558 il bailla à ferme la juridiction du Temple, il interdit à son fermier de chasser dans la garenne et les bois de la commanderie « les counilz »(les lièvres/lapins) et à tout autre gibier.

      Bernard Gros Commandeur du Temple de Breuil, faisait de grosses dépenses pour la construction de ses clapiers.

    Enfin le commandeur se réserve au Temple et à Sauvagnas une garenne. Les habitants y ont droit d'usage. Ils peuvent prendre du bois dans les forêts du seigneur pour leurs besoins personnels, sauf interdiction de le vendre.

    A Sauvagnas, le bois de Cortis est réservé pour l'usage du bois, mais un droit de pâturage y est accordé, ainsi que dans les terres de la commanderie, sauf à l'époque des glands de la Saint Michel, à l'entrée du Carême où il est perçu deux deniers par porc ou truie (0,8Euro)

 

 

le commandeur loue ses terres moyennant finances

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Le prix des terres à louer par bail emphythéotique est assez bas ce qui permet à certains paysans d'avoir de grosses exploitations qui portent même leur nom. Finalement, chacun y trouve son compte: les commandeurs trouvent une main d'oeuvre qualifiée qui met en valeur leur fond et fait rentrer des devises dans les caisses de la commanderie. Celle-ci pourra ainsi apporter des revenus à l'ordre pour poursuivre son oeuvre de reconquête des Terres Saintes, où de protection des pauvres ou des pélerins, en Europe où sur les chemins de Jérusalem.  (Photo du Net)

 39- HISTOIRE DE L'EXPLOITATION DES TERRES ET PRIX EN EUROS

     Il est probable que la plupart des possessions des Hospitaliers et des Templiers comme celles de la majeure partie des établissements religieux, ne doit pas avoir d'autre origine que les donations pieuses.

   En dehors des donations et fondations pieuses il semble probable que, au début du 13e siècle, les ruines et la dépopulation des campagnes qui furent les conséquences de là guerre des Albigeois, ont donné l'occasion aux Ordres qui font l'objet de notre étude, d'acquérir par occupation des terres vacantes et délaissées.

 

TEMPLE COMMANDERIE siglee copie

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  Carte de 1477 du terrier de la commanderie du Temple sur Lot . Notez l'enjolivement des villes et châteaux....(Plan amélioré par mes soins)

      Ainsi, au Temple-de-Breuil, les commandeurs avaient dans leur mouvance les paroisses du Temple et de ses annexes Saint-Germain et Saint-Caprais, celles de Saint-Gervais et de Saint-Cyprien et certaines terres dans l'honor ou destreit de Montpezat, de Sainte-Livrade et de la paroisse de Lacépède.

     De même la commanderie de Sauvagnas étend son domaine dans les paroisses de Sauvagnas, de St-Loup, de Rodolos, de Margastaut, et sur un territoire compris entre le chemin allant de Bajamont à Beauville, la fontaine de Laurendane, le fief de Lacombe et le chemin de Nabruniquel, dans la paroisse de La Roque-Thibault, et dans celle de Ste Croix « poder » de Puymirol.

[Localisation :

Montpezat. Lot-et-Garonne. ar. Agen. c. Prayssas.

Sainte-Livrade. Lot-et-Garonne, ar. Villeneuve-sur-lot.

Lacépède, L.-et-G.. ar. Agen. c. Prayssas.

St-Germain, L.-et-G.. ar. Villeneuve. c. Ste-Livrade. com. Le Temple, Saint-Cyprien. Saint-Caprais. Saint-Gervais. idem.

Saint-Loup. Lot-et-Garonne, ar. Agen, c. Laroque-Timbaut, com. Saint-Robert.

Margastaud. L.-et-G.. ar. Agen. c. Puymirol. com. Saint-Caprais-de-Lerm.]

   Dès la première moitié du 14° siècle, la commanderie du Temple-d'Agen avait dans sa censive des maisons sises rue du Temple et rue de Malmusso et des terres dans les environs de la ville, à savoir : dans les paroisses de Sainte-Radegonde, de Saint-Cirq, de Dolmayrac, de Pech-Nadalenc et à Mugoro.

     A Saint-Jean-de-Ferran, les Hospitaliers avaient dans leur censive à cette marne période des maisons à Ferran, des terres dans les paroisses de Saint-Martin, de Pech-Guiraud, de Virazeil et de Gontaud.

    Grâce aux rouleaux de reconnaissances de 1313 on peut évaluer avec plus de précision les possessions de Sainte-Foy qui s'étendaient dans les paroisses de Sainte-Foy, de Cambes, de Sainte-Gemme et d' Artigues.

[Localisation :

Bajamont. ar. et c. Agen.

Beauville, L.-et-G., ar. Agen. ch. I. c.

Chemin de Nabruniquel, ancien chemin d'Agen à Cahors.

 Laroque-Timbaut, L.-et-G ; ar.. Agen. ch. 1. c.

Puymirol. L.-et-G.. ar. Agen. ch. I. c.

Ste-Radegonde, L.-et-G., ar. et c. Agen, com. Bon-Encontre.

Saint-Cirq, ar. et c. Agen. com. Colayrac.

Dolmayrac. L.-et-G.. ar. et c. Agen. com. Passage-d'Agen.

Mugoro. L.-et-G.. ar. et e. Agen. com. Colayrac.

Saint-Martin, L.-et-G.. ar Marmande. c. Seyches, com. Puyrniclan.]

 

fêtes des paysans en époque de paix

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :    La fin du 13ème siècle et le début du 14ème siècle ont été pour l'Agenais une période de calme et de prospérité. (Photo du Net)

       La fin du 13ème siècle et le début du 14ème siècle ont été pour l'Agenais une période de calme et de prospérité.

   Entre le traité de Paris, de 1229, qui termina la guerre des Albigeois, et la guerre de Cent Ans, et en particulier sous la domination d'Alphonse de Poitiers, sauf quelques escarmouches, cette région n'eut pas à souffrir des ravages de la guerre.

     Aussi les textes témoignent-ils d'une grande richesse agricole. La plupart des encensements signalent des vignes, des terres labourables ou plantées de froment, presque jamais des terres en friche ou boisées.

   La condition des tenanciers du Temple et de l'Hôpital devait être douce, ils payaient en moyenne un sou d'oublies (4,5 Euros) par carterade (0,73ha) ou dinerade, redevance déjà très inférieure à la valeur locative de la terre.

******************************************************

     D'après les contrats de vente entre tenanciers en 1284, à Sauvagnas , 1 dinerade de terre étaient estimées 17 sous et demi (250 euros les 2450 m2=1 020 euro l’hectare [10 000m2])

    Au Temple-de-Breuil, en 1325, 4 sesterées de terre sont achetées 8 livres arnaudines (1 sesterée = 9 800m2= 588 euros soi 600 euros l’hectare[1 000m2]).

   A Sainte-Foy, en 1358, une pièce de terre d'environ deux carterées est vendue 10 livres (1,47 hectare= 1 090 euros = 741 euros l’hectare).

   Mais dans les possessions du Temple-d’Agen, région très riche par la proximité de la ville, l'activité des échanges commerciaux et la fertilité du sol, la différence entre la valeur de la terre et le cens est encore plus considérable

   Ces paysans, qui reconnaissaient le dominium du seigneur éminent par un cens très faible en argent et qui ne devaient aucune redevance prélevée sur les produits du sol, devaient avoir le sentiment que ce sol leur appartenait. Le petit nombre d'actes d'échange ou de vente de terres fait bien apparaître cet amour du paysan pour le sol qu'il a travaillé et son désir de s'y fixer.

Époque de stabilité et de richesse qu'on ne retrouvera qu'au début du 16e siècle.

    Cependant au milieu du 14e siècle les commanderies du Temple-d'Agen et de Sauvagnas subirent une crise très forte.

    Après le départ de Guillaume de Luppo Alto, commandeur de Sauvagnas et du Temple-d'Agen, qui dut avoir lieu vers 1330, l'état matériel de ces commanderies dégénéra, il était si mauvais que le Prieur de Toulouse ordonna de poursuivre une enquête sur la responsabilité des dégâts.

     Grâce à cette enquête, nous avons un tableau de l'état des commanderies du Temple-d'Agen et de Sauvagnas au début de la guerre de Cent Ans.

   Le château de Sauvagnas comprenait une salle, un dortoir et une cuisine ainsi que quatre tours. Le domaine réservé semble être considérable. Il était constitué en bois, vignobles, prairies, jardins, moulins.

   Les granges dépendant alors de Sauvagnas étaient :

Saint-Pastour,

Saint-Jean-de-Ferran,

Colps-de-Cambis,

St- Sulpice près Villeneuve,

Fontanille,

Casseneuil,

Villedieu, près Montaigu,

Saint-Front ( ?).

     Saint-Jean-de-Ferran apparaît comme un domaine de petite importance, une église, la demeure du précepteur qui semble plutôt une ferme qu'un château, des terres labourables et des moulins. Les oublies rapportaient 75 sous par an (340 euros), ce qui correspondait environ à une censive de 75 carterées (7,5 ha).

     La grange de Colps-de-Cambis comprenait un hôpital, des moulins, des vignes et des terres labourables rapportent environ 25 conques de blé par an (1 100 litres de blé). Il semble que toutes les terres de cette grange aient été gardées dans la directe car l'enquête ne signale pas de revenu des oublies.

 

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  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : St Sulpice de Rivalède, petite commanderie dépendante du Temple de Breuil, située entre Soubirous et la Sauvetat sur Lède. (Photo du Net)

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  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : St Sulpice de Rivalède, petite commanderie dépendante du Temple de Breuil, située entre Soubirous et la Sauvetat sur Lède. Blason sur le fronton. (Photo du Net)

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  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : St Sulpice de Rivalède, petite commanderie dépendante du Temple de Breuil, située entre Soubirous et la Sauvetat sur Lède. La chapelle du château, juste en face en allant au "Moulin du Gros".(Photo du Net)

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  La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : St Sulpice de Rivalède, petite commanderie dépendante du Temple de Breuil, située entre Soubirous et la Sauvetat sur Lède. Le "Moulin du Gros", successeur de celui qui faisait la richesse de la commanderie. (Photo du Net)

       A Saint-Sulpice (47150 sur la D216 à 2700 m avant) près Sauvetat sur Lède qu'il faut identifier avec Saint-Sulpice-de-Rivalède, l'enquête signale seulement les déprédations opérées à la maison et au moulin. Il n'est point question des terres. Cependant les actes qui par ailleurs nous sont parvenus prouvent que cette commanderie avait une censive importante.

[Localisations:

Saint-Pastour. Lot-et-Garonne. ar. Agen. c. Port-Sainte-Marie. com Aiguillon. .

Saint-Jean-de-Ferrand. L.-et-G.. ar. et com. Marmande.

Colps de Cambes. Cambes. L.-et-G.. ar. Marmande. c. Seyches.

Casseneuil. ar. Villeneuve, c. Cancon.

Villedieu. Tarn-et-Garonne.ar. Moissac. c. Montaigus.

Argentens. L.-et-G.. ar. Agen. c. et com. Nérac.

Roquebrune. Gironde. ar. La Réole. c. Monségur.]

 La grange de Casseneuil qui était encore à la fin de ce siècle une dépendance de Sauvagnas.

 La grange de Villedieu, qui devient plus tard la commanderie de Saint-Jean-de-Villedieu était surtout constituée par un moulin.

 La baillie d'Agen ne parait pas avoir eu de granges annexes. La demeure du commandeur à Agen était constituée d'une maison basse dans un enclos et d'une autre à l'extérieur. La commanderie avait des vignobles sur les coteaux des environs d'Agen.

 

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La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La Guerre de 100 ans a ravagé notre contrée, car ici, nous somme en limite des terres françaises et anglaises. (Photo du Net)

 40- LA GUERRE DE 100 ANS RUINE LES CAMPAGNES

    Les Hospitaliers furent très éprouvés par la guerre de Cent ans 

     En effet, l'Agenais fut pendant plus d'un siècle le théâtre de luttes sanglantes et la majorité de leurs possessions se trouvaient à proximité des grandes artères fluviales ou terrestres qui devaient être le passage nécessaire des armées et des bandes, dans un pays qui est demeuré longtemps une région frontière.

 BASTIDES ENGLAISES ET FRANCAISES

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne :  Carte des  Bastides anglaises et  françaises pendant la guerre de 100 ans. On y voit bien que nous sommes dans une région frontière! (Archives et département du 47)

     Pendant toute la période qui comprend la fin du 15e siècle, le début du 16e siècle, les domaines des commandeurs-chefs, Sauvagnas et le Temple-de-Breuil, ne se sont pas accrus

     Soit que la guerre Sainte ait détourné l'attention des chevaliers du continent pour la porter vers Rhodes, soit que la destruction de l'Ordre du Temple et la lourde imposition qui pesait sur les Hospitaliers pour se libérer de la dette contractée envers le roi de France pour l'acquisition des commanderies du Temple ait ralenti leur mouvement d'extension. 

   Le Temple-de-Breuil, ancienne commanderie du Temple, venait d'être réuni à Sauvagnas et son exploitation était rendue difficile par l'éloignement des commanderies, d'autant plus que dans cette période troublée la présence des troupes mettait un obstacle aux communications.

    Les guerres éprouvèrent les tenanciers de Saint-Jean-de-Ferran et du Temple-d'Agen.

    Dès le début des hostilités, Marmande qui se trouvait à la frontière de l'Agenais et du Bordelais, fut prise par les troupes du roi de France en 1337 ; ce fut le prélude de guerres incessantes pendant lesquelles les troupes anglaises ou françaises traversèrent constamment cette ville, clef de l'Agenais, en ravageant les campagnes sur leur passage.

   Aussi, les terres naguère couvertes de vignes et de moissons sont maintenant désertes et en friches. 

    Au début du 15e siècle la misère s'accentue. 

 

 

fêtes des paysans en époque de paix1

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : La fin de la guerre de 100 ans marqua partout une ère de délivrance et de joie après les souffrances de la famine, de la guerre et de la peste. (Photo du Net)

 41- LA RENAISSANCE APRÈS LA PAIX

    Après cette période désastreuse, les nombreux documents de la fin du 15e siècle que conserve le fond de Malte permettent d'observer au contraire la renaissante agricole de ces régions dévastées. Deux commandeurs de Saint-Jean-de-Jérusalem joueront dans cette œuvre de reconstitution un rôle capital.

    Bernard de Bellac d'abord, appelé en 1451 à la commanderie de Sauvagnas, du Temple-de-Breuil et de leurs membres, puis BERNARD GROS qui, lorsque la tâche fut devenue trop lourde, prit au Temple-de-Breuil la direction des commanderies occidentales de l'Agenais (1475), détachées momentanément de Sauvagnas dont la position excentrique rendait le contrôle de la vallée du Lot et de la région de Marmande mal aisé.

    Pendant presque un demi-siècle, ces deux hommes, avec une énergie et une intelligence remarquables, se consacrèrent à la remise en valeur de leur commanderie. Ils trouvèrent des champs en friche, des maisons détruites, des terres abandonnées, ils laissèrent les villages et les manses repeuplées et le sol couvert de moissons et de vignobles.

 

 

1437 bail notarié

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Avec la paix revenue, ce fut un renouveau dans les campagnes, et la richesse de notre pays fut à nouveau au rendez-vous... (Photo du Net)

 42- LA RECONSTRUCTION :

DEVELOPPEMENT DU BAIL EMPHYTEOTIQUE

    Les commandeurs   ne pouvaient attirer les travailleurs qu'en leur cédant le sol moyennant une faible redevance et en les intéressant à l'exploitation.

      D'autre part, il faudra leur donner la garantie que ce sol en friche ne leur sera pas repris quand ils l'auront mis en culture. Aussi le métayage n'est-il pas employé, mais l'emphytéose annuelle et perpétuelle qui laisse au seigneur toutes les prérogatives du dominium, cens recognitif, droit de mutation, droit d'approbation et de rétention et aux tenanciers la presque totalité des revenus de la terre et l'assurance de s'y fixer.

    Les baux à emphytéose perpétuelle correspondaient bien aux conditions économiques de l'époque.

 

 

Automne-labours au moyen âge

 43- CONSTITUTION D'UNE MOYENNE PROPRIÉTÉ

     Alors qu'aux 13e, 14e et début du 15e siècle, les terres reconnues par les tenanciers varient entre une à cinq carterées (entre 0,729 ha à 3,64 ha) et rarement atteignent 10 et 15 carterées (de 7,290 ha et 11 ha), les accensements de la fin du 15e comportent des terres d'une trentaine de carterées (22 ha).

   Il semble qu'autour de 1480, les terres relevant du Temple-de-Breuil aient été partagées en lots égaux de 30 carterées chacun. En 1479 : 4 ans seulement après le pariage avec le baron de Montpezat, Bernard Gros accense à une douzaine de nouveaux tenanciers, des lots de 30 carterées sis dans le dit territoire.

   Les nouveaux tenanciers s'installent dans des terres en friche où ils auront à lutter contre les bois et les halliers pour rendre le sol à là culture, où ils trouveront des maisons détruites qu'il faudra reconstruire, des moulins démolis qu'ils remettront en activité. La cession des terres en friche ou boisées n'est point nouvelle, les mentions en sont fréquentes depuis plus d'un siècle, mais ce qui est nouveau et ce qui montre bien l'effort de reconstitution du sol qui caractérise cette époque, ce sont les conditions stipulées.

    Au Temple-de-Breuil, en 1470. Bernard de Bellac, accense 30 carterées de terre « hermes et boisées » pour y faire 6 journaux de blé ; en 1491, Bernard Gros, une carterée et demi de terre et bois. En 1492, douze cartonats de terre pour y faire un « teuliera ». En 1485, une manse de deux dinerades à mettre en vigne. De même, Bernard de Bellac baille à nouveau fief trois dinerées de terre bouzigues(terre qui vient d’être déboisée pour la culture).

    Ces exemples sont particulièrement frappants, parce qu'ils sont tirés d'une région extrêmement fertile dans les périodes de calme. Mais il ne faut pas oublier que si la vallée de la Garonne est la partie la plus riche de l'Agenais, elle est aussi la plus ravagée dans les périodes de guerre et de passages de troupes. Aussi la commanderie de Saint-Jean-de-Ferran fut-elle une des plus éprouvées.

     Il ne suffisait pas de défricher les terres, il fallait reconstruire les maisons. Le Temple-de-Breuil semble avoir été rebâti presque entièrement à cette époque.

    [3 actes de 1489. 9 décembre. Le Temple. L. V. no 2. etc. « Le château du Temple-de-Breuil a été reconstruit au 15ème siècle sur des fondations en grosses briques, dites toulousaines, particulièrement employées au 13e siècle. Ce château avait du être détruit pendant la guerre de Cent Ans et il fut sans doute reconstruit sous le préceptorat de Bernard Gros. »]  

     Bernard Gros baille à presque tous les nouveaux tenanciers qu'il installe dans son domaine en dehors des trente carterées « ad reducendo ad culturam », une place sise dans la ville de Breuil, ou dans ses faubourgs « pro construendo domum ». Le plus souvent avec l'emplacement pour la maison, est baillé un petit terrain dans les faubourgs «  infra fortalicium et barrios », pour le mettre en « casa » (métairie) et, parfois, Bernard Gros stipule que si la maison n'est pas reconstruite avant la Saint-Jean prochaine, il pourra l'arrenter (louer) à d'autres propriétaires.  

  

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Deux moulins contemporains du commandeur du Temple, Bernard Gros, il les a certainement cotoyé, ici, celui de Pérignac, sous Montpezat, on voit encore ici la retenue d'eau. (Photo: Patrick Garcia)

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Deux moulins contemporains du commandeur du Temple, Bernard Gros, il les a certainement cotoyé, ici, celui de la Bausse, près de son embouchure avec le Lot, dont l'intérieur est parfaitement conservé. (Photo: Patrick Garcia)

 44- LES MOULINS PRIORITAIRES

    Les efforts des commandeurs semblent surtout s'être portés vers la reconstruction des moulins. Les moulins avaient alors une importance considérable, ils étaient nécessaires, non seulement pour la transformation des grains en farine, mais aussi pour fouler la laine et le chanvre, pour presser les noix afin d'en extraire l'huile.

     En 1479, au Temple-de-Breuil, Bernard Gros baille « unam molinatam » sur le ruisseau de la « Negresia » pour 12 d. t., un chapon, 4 cartons de froment .

    En 1485, la place d'un ancien moulin sur la « Lautona » est baillée à nouveau fief et acapte par le seigneur de Montpezat, le prieur de Sainte-Livrade et le commandeur du Temple, ce dernier a la moitié des revenus et il donne un délai de deux ans à son tenancier avant de payer le cens.

    Le même Bernard Gros, en 1481, accense la moitié de l'emplacement du moulin de Dominipech (l'autre moitié appartenant au seigneur de Montpezat) à la condition de le construire ou de le faire construire.

     Bernard de Bellac, non plus, ne néglige pas les moulins. A Sauvagnas, en 1490, dans la paroisse de Margastaut, il accense un moulin détruit, mais la commanderie de Ferrand réclame surtout les soins des commandeurs.

   En 1468, le grand moulin de Malamirade, dit de « la Palanque », est baillé pour 5 francs de cens annuel, à condition de le bâtir et de le mettre « molent ».

    En 1476, c'est le grand moulin de Ferrand avec toutes ses appartenances d'entrée, sortie, gorge, écluses et chaussées sous l'obligation de bâtir les dits moulins et de les rendre «  mollens e courens » de la Saint Michel qui vient à trois ans accomplis.

      En 1478, Bernard Gros baille à emphytéose perpétuelle « unum molendinum sive molinale » avec 20 journaux de pré et de bois dans la paroisse de Saint-Pardoux-du-Breuil, sous promesse dudit feudataire de «  ornare dictum molendinum de molis et ferrementis ». 

 

ouvriers du bâtiment

 

La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Après la guerre de 100 ans qui fit de gros dégats, ce fut une époque de reconstruction dont profitèrent les commandeurs, dont celui du Temple sur Lot, pour reconstruire leurs commanderie ou châteaux. (Photo du Net)

 

45- HISTOIRE DE L'EXPLOITATION DES TERRES (SUITE)

  En dehors du cens fixé en argent ou en nature, très faible, généralement d'un sou et de quelques cartons de froment, la commanderie se réserve la moitié du gain.

     Celui de la Negresia, dans la commanderie du Temple-de-Breuil, est soumis à ce même régime de quotité. 

    D'autre part, le commandeur ne pouvait imposer un cens trop lourd à ce tenancier auquel il avait livré des ruines et un emplacement encore improductif et qui arrivait sans for tune avec seulement ses bras pour travailler, aussi lui demandait-il une redevance prise sur le fruit de son travail, faible au début, mais qui, lorsque le moulin sera remis en valeur, sera d'un revenu important pour la commanderie.

      Mais un ordre religieux et hospitalier doit veiller à la reconstruction des églises et des hôpitaux. Dans un curieux et fort intéressant bail à emphytéose, du 18 septembre 1476, les tenanciers s'engagent à construire ou faire construire l'église de Saint-Jean-de-Ferrand pour huit écus d'or d'ici à la Saint Michel de Septembre prochainement venant, ainsi que l'hôpital de Ferrand d'ici à quatre ans. 

       Bernard Gros stipule que l'hôpital aura trois travées, qu'il sera recouvert de tuiles cannelées et avec de bons lits suffisamment garnis pour les pauvres.

       Apparemment, le cens en argent n'a pas changé : un sou (4,5 euros) par carterée (0,73 ha) comme 13e siècle, mais la diminution progressive de la valeur de l'argent a rendu ce cens dérisoire et purement recognitif.

      Aussi les commandeurs désirant augmenter les revenus des commanderies et ne pouvant exiger un cens trop lourd de ces ci « pagès » qu'ils voulaient attirer sur leur sol, ajoutèrent au cens en argent une rente en nature de 1 /8ème, ou 1/7ème des fruits à Saint-Jean-de-Ferrand, quelques cartons de froment, seigle, avoine, une paire de volailles et quelques prestations personnelles ailleurs.

    Comme l'a bien remarqué M. Tholin, par la suite, cette redevance fut plus lourde qu'une augmentation du cens qui aurait diminué avec la valeur de l'argent, mais le paysan préfère donner une partie de ses récoltes qu'une redevance en argent.

 

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 La vie des Templiers et Hospitaliers en Lot et Garonne : Les prix des tenures n'étaient pas extraordinaires, en valeur d'aujourd'hui, l'hectare était à 6 euros. (Photo du Net)

 46- PRIX D’UNE TENURE

       Aussi Bernard de Bellac et Bernard Gros augmentèrent-ils les revenus de leur commanderie sans mécontenter leurs tenanciers. Ainsi les « pagés » installés par Bernard Gros, en 1479, au Temple-de-Breuil,   paient :

- pour 30 carterées, 30 sous tournois (22ha=135 euros) ;

 soit un sou par carterée (4,5 euros pour 073 ha),

- 6 deniers pour l'ayral (2,4 euros) et 8 cartons de froment, (25 litres de grains) autant de seigle et d'avoine,

- plus deux cartons de seigle (6,4 litres de grains) pour le droit de fournage (droit de cuisson du pain)

 et quatre corvées.

(FIN DE LA 1ère PARTIE)

 

Recherche, collecte des textes et synthèses:

 

PATRICK GARCIA

 

 

 

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