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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
8 juillet 2021

PAGE 253 : VILLANDRAUT (33730), L'INCROYABLE FORTERESSE DU PAPE CLÉMENT V (1264/1314)

 

VILLANDRAUT-FAÇADE-TOUR S-O ET CHATELET-6866 copie copie

J’ai toujours le souffle coupé quand au fil de mes balades je vois ce monstre de pierre voulu et modelé par Bertrand de Goth, qui est né ici, et qui deviendra plus tard le pape Clément V ! Il a fière allure et est arrivé jusqu’à nous « presque » intact. Il mérite une visite !

Je vais vous le présenter de deux manières :

- Une présentation succincte pour ceux qui sont néophytes. En début de cet article, voici l’historique et la présentation de ce colosse, extrait du site de la remarquable association qui s’en occupe avec tact et dévouement (voir les coordonnées de son site en fin d’article).

- Un descriptif complet en suivant. Pour les amateurs plus confirmés où ceux qui veulent en savoir davantage avant d’aller le visiter, où ceux qui veulent le visiter virtuellement, je me suis inspiré de la publication d’un des plus grands architectes des Monument Historiques, Léo Drouyn, qui a décrit minutieusement les principaux monuments militaires du sud-ouest dans son chef d’œuvre « La Guienne militaire : histoire et description des villes fortifiées, forteresses et châteaux pendant la domination Anglaise »publié en 1865. Grâce à cet infatigable sauveteur des monuments anciens, nous avons un état des lieux en 1860, des plans extrêmement précis, des vues cavalières et des même des vues aériennes avant l’aviation qui nous mettent à nu ce colosse a l’histoire très étoffée et dont une clé de voûte nous offre un beau portrait du pape qui est le premier des papes hors de Rome, certains diront « avignonnais », même s’il n’y a jamais siégé et fut un pape itinérant. Souvenons nous aussi que poussé par le roi de France Philippe le Bel, c’est lui qui supprima l’ordre du Temple, et envoya au bûcher une grande partie de ses membres.

Précision: au niveau des photos, j'ai symbolisé un mini plan du château et une fléche rouge qui indique dans quel sens est prise la photo et ce quelle représente.

trajet villandraut

Trajet pour aller à Villandraut (33730) à partir de Ste Livrade sur Lot (47110)

800px-Blason_ville_fr_Villandraut_(Gironde)

Blasonnement : Les armes de Villandraut se blasonnent ainsi :

De sinople à l’écureuil perché sur une branche posée en barre, le tout au naturel, au chef cousu d’azur chargé d’une noix d’or accostée de deux noisettes du même (Wikipédia)

Blason du pape Clément 5

Blasonnement du propriétaire du château, le pape Clément V (Wikipédia)

 Histoire du château

 - Le pape et les châteaux clémentins

Le château de Villandraut est connu comme étant "le château du pape Clément", car Villandraut est la terre natale de Bertrand de Goth, qui devint en 1305 le premier pape en Avignon sous le nom de Clément V. 

Papa_Clemens_Quintus

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Portrait repensé (19ème) de ce pape exposé près de son tombeau à la collégiale d'Uzeste (33) . (Photo : Patrick Garcia)

Dès le début de son pontificat, Clément V décide d'ériger un nouveau château à Villandraut, bien plus important que celui de son enfance, qui sera le symbole de la puissance accrue de la famille de Goth. 

Les travaux, commencés dès 1307 sont achevés en 1314. Le château est construit en seulement 7 ans, un délai particulièrement court pour le Moyen-âge, lorsque vingt années entières auraient été normalement nécessaires à la réalisation d'un tel ouvrage. Cette rapidité d'exécution s'explique par la richesse et la puissance du commanditaire, le pape Clément V. 

Grâce à sa richesse nouvellement acquise, le pape fut à l'origine de nombreux "châteaux clémentins", destinés à sa famille. 

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plan simplifié, pour plus de détails, plus bas, avec les plans détaillés de Léo Drouyn. (Photo : Kordouane)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici l'arrière de la forteresse, comme l'indique la flèche rouge qui montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Plan, gravure de Léo Drouyn)

- L'architecture du château

Le château de Villandraut, destiné à être une des résidences du pape se doit d'être confortable, tout en étant le reflet de la puissance de la famille de Goth, sans négliger pour autant les aspects défensifs, indispensables pendant ces périodes troublées. 

L'aspect défensif est notamment assuré par les douves, de dimensions respectables pour tenir l'ennemi à distance, 6,50m de haut pour 15m de large. Les douves s'arrondissent au droit des tours afin de préserver en tout point du château, la même distance de sécurité. 

Les six tours constituent également des éléments défensifs avec leur 22 mètres de haut et près de 2,80 m d'épaisseur. Elles sont percées de multiples archères afin de défendre les différents côtés du château.  

La défense était également assurée par un pont-levis, suivi d'un pont-ouvrant, de deux assommoirs, d'une herse, le tout étant largement agrémenté de nombreuses archères. 

L'intérieur du château se compose d'une cour centrale, entourée de trois corps de logis. Les trois ailes dessinent donc un palais en U, ce qui permet une bonne répartition des fonctions résidentielles et utilitaires. Le rez-de-chaussée était dévolu aux écuries, étables, aux communs ainsi qu'aux cuisines et accueillait principalement les gardes et les serviteurs, tandis que les habitations nobles prenaient place dans les étages. La chapelle se situait également au premier étage, tout comme une grande salle de réception et de justice de dimensions respectables, 30x8 mètres, dans le corps de logis ouest. 

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  Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V :  Photo aérienne de la façade aux 4 tours. (Photo : du Net)

AERIEN 2

  Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : les 4 tours de la façade en enfilade, la dernière étant dépitée. (Photo : du Net)

Le confort est également assuré par les 21 cheminées et 19 latrines présentes dans le château. L'esthétique n'est pas en reste avec de nombreuses voûtes d'ogives, des chapiteaux sculptés, des peintures murales ainsi que des carreaux de pavement estampés et glaçurés. 

- L'histoire du château

Après la mort de Clément V en 1314, le château resta une dizaine d'années en possession de la famille de Goth, puis au gré des héritages, des mariages et des guerres, il changea de nombreuses fois de propriétaires. 

Les guerres de religion marquent un tournant dans l'histoire du château. Il est pillé à deux reprises, en 1572 et en 1577, et en 1592 il est occupé par les Ligueurs qui s'y réfugient. L'armée, afin de leur faire rendre les armes, attaque le château et pilonne l'édifice de près de 1860 coups de canons et la tour sud-est s'effondre. Le parlement de Bordeaux ordonne même la destruction totale de l'édifice mais cette décision est contrée par le roi de France.

Le château est racheté en 1600 par le seigneur de Lalanne et alors que l'architecture était restée inchangée depuis le Moyen-âge, il y effectue de nombreux travaux pendant près de 25 ans.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V :  intérieur d'une des tours, toutes assez semblables. (Photo : Kordouane)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V :  voûte d'un des étages de tour. (Photo : Kordouane)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : (Photo : Kordouane)

 Mais en 1739, le château est racheté par le marquis de Pons qui va le dépecer de toutes ses boiseries puis le laisser à l'abandon. Le château va progressivement se dégrader jusqu'à son classement aux Monuments Historiques en 1886. Pendant toutes ces années et jusqu'en 2007, ce fut la même famille, de Sabran-Pontevès qui posséda le château. Depuis 2007, le château est propriété de Norbert Fradin, promoteur bordelais, grand amoureux des châteaux médiévaux, qui le laisse gracieusement à la disposition de l'association Adichats, qui en assure la mise en valeur et l'animation depuis 1984. Ainsi, l'action peut se poursuivre en suivant les mêmes objectifs que précédemment, par une large ouverture du monument au public, en accueillant des manifestations culturelles d'envergure, dont le château est le prestigieux écrin. 

 Depuis 1985, des chantiers de bénévoles sont organisés afin de déblayer les douves et restaurer les parties les plus sensibles du château. Fouilles archéologiques, taille de pierre et maçonnerie sont donc au programme tous les étés au château. 

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  Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici façade vue depuis la tour amputée , comme l'indique la flèche rouge qui indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

 - Horaires

Toute l'année : Sur rendez-vous.

Avril, mai : Weekend et jours fériés de 10h00 à 13h00 et de 15h00 à 18h30.

Juin : Du lundi au vendredi de 14h30 à 18h30, les weekends et jours fériés de 10h00 à 13h00 et 15h00 à 18h30

Juillet, août, septembre : Tous les jours de 10h00 à 13h00 et de 15h00 à 18h30.

Tarifs

Visite guidée : 5€

Tarif réduit :3€ (enfant de + de 7 ans, demandeurs d'emplois, étudiants)

Visite libre du RDC : 3€

 (Nouveau : nous possédons maintenant un terminal CB). 

 Tarifs groupe

Groupe d'enfants (15 min) : 3€/pers

Groupe d'adultes (15 min) : 3€/pers

 Contact

 Association « Adichats »

7 Rue Eugène Faivre

33730 Villandraut

www.assoadichats.net

+33556258757

Je remercie aussi le blog ci-dessous dont j'ai reproduit quelques photos en signalant l'auteur. 

http://photosfrancecotesouest.eklablog.fr/chateau-de-villandraut-c18446818/1

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici vue du pont par une vue latérale en façade  , comme l'indique la flèche rouge qui indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Kordouane)

LÉO DROUYN :

LE CHÂTEAU DE VILLANDRAUT (1865)

Chef-lieu de canton, arrondissement de Bazas

 LES ORIGINES

Lieu de naissance de Bertrand de Goth, devenu CLÉMENT V

  Vers 1200, vivait un cadet de Biscaye, appelé Don Alonzo Lopez et apanagé de Villandrando, lequel eut deux fils. Don André, le plus jeune de ces fils, ayant petite part au patrimoine, passa en France à la suite de madame Blanche de Castille, s'arrêta en Guienne, et là fit si bien qu’il acquit une seigneurie près de Bazas, en un lieu qui, de son nom, s'appela et s'appelle encore Villandraut. Un demi-siècle ne se passa pas, que le manoir de Villandraut, porté dans la maison de Goth par la fille ou la petite-fille du même André, vit naître le fameux Bertrand de Goth, qui fut pape sous le nom de Clément V ; si bien que les Villandrando, à cause de la parenté, ne se faisaient pas faute de dire, en parlant de lui : « Notre cousin le pape Clément. » Si étranges que paraissent ces allégations, déduites de la: tradition espagnole, on ne pourra guère se refuser à les mettre au nombre des faits incontestables, au moins en ce qui concerne la généalogie de Bertrand de Goth,  lorsqu'on saura que son père Béraud de Goth, a eu, de l'aveu des généalogistes français, deux femmes, dont une seule, Ida de Blanchefort, avait pu être nommée jusqu'ici.  Le même Béraud est le premier de sa maison qui se soit intitulé seigneur de Villandraut ;   son premier né, Arnaud de Goth, qualifié frère germain par le pape Clément V, joignait à son nom de baptême celui de Garcia, patronymique chez les Villandrando d'Espagne.

- Détail d'une fresque du couvent des dominicains de la cathédrale Santa Maria del Fiore

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Clément V , Détail d'une fresque du couvent des dominicains de la cathédrale Santa Maria del Fiore. Taddeo Gaddi. XIVe siècle. Florence  (Photo : du Wikipédia)

- Maître_de_Boucicaut_ _Philippe_le_Bel Clément V et Philippe le Bel face aux Templiers au concile de Vienne

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : de Maître de Boucicaut; Clément V et Philippe le Bel face aux Templiers au concile de Vienne. (Photo : Wikipédia)

- UZESTE 33 COLLEGIALE TOMBEAU CLEMENT 5 53 copie

  Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Le tombeau de Clément V à la collégiale d'Uzeste (33)  . (Photo : Patrick Garcia)

    Cette relation de l'origine du monument militaire le plus important du département de la Gironde nous a paru si intéressante, que nous avons cru devoir la copier textuellement. Les bulles de Clément V, datées de Villandraut, appellent ce lieu Vignandraldum; Régine de Goth, petite-nièce du pape, le nomme, dans son testament, Vinhandrandum, et la Chronique bazadaise, Vignandraldo La seigneurie de Villandraut était possédée par la famille de Goth lorsque Bertrand vint au monde, et l'illustration de la localité comme celle de la famille ne remonte qu'à Clément V.  

  La famille de Goth était fortement attachée au parti de l'Angleterre ; aussi, à la fin du XIIIe siècle, pendant la campagne en Guienne de Charles de Valois, le pape Boniface VIII, ennemi de Philippe le Bel, voulant la dédommager des pertes qu'elle avait éprouvées, « éleva Bertrand aux charges » ecclésiastiques, et de chanoine qu'il était et sacristain de l'église de Bordeaux, lui procura l'évêché   de Comminges, et quelque temps après l'archevêché de Bordeaux, l'année 1300, un peu avantNoël.

   Il est cependant probable que là n'est pas le seul motif de l'élévation de Bertrand ; d'autres seigneurs dont les fils ou les frères étaient dans les ordres, avaient dû être aussi maltraités que Beraud de Goth; nous aimons à croire que son mérite y était pour quelque chose. Pendant son pontificat, Clément V passa quelque temps à Bordeaux et dans sa seigneurie de Villandraut, d'où il a daté plusieurs bulles. C'est à cette époque qu'il fit bâtir sur la rive gauche du Ciron le magnifique château dont les ruines passent à juste titre pour une des merveilles du sud-ouest de la France. Villandraut ne resta pas longtemps dans la famille de Goth, qui, après avoir jeté un si grand éclat au commencement du XIVe siècle, finit bientôt par s'éteindre à peu près complètement. Régine de Goth, petite-nièce de Clément V, était propriétaire de cette seigneurie ; elle la laissa par testament à son mari Jean, comte d'Armagnac. Quoique cette dame, dit l'abbé Baurein, eût institué son époux pour son héritier universel, néanmoins plusieurs des seigneuries qui lui appartenaient ne tardèrent pas à passer dans l'illustre maison de Durfort, qui était alliée à la maison de Goth.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la courtine Ouest qui abrite les appartements privés du pape , comme l'indique la flèche rouge qui indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

Changements de propriétaires

     Voici comment : en 1336, Philippe de Valois fit avec Eymery de Durfort, fils d'Arnaud de Durfort et de Marquèse de Goth, un traité par lequel celui-ci renonça aux droits qu'il tenait de sa mère sur les vicomtés de Lomagne et d'Auvillars, indivis entre les héritiers de la maison de Goth. Il reçut en compensation les terres de Villandraut et de Blanquefort.

  Les Durfort possédèrent Villandraut jusqu'à la fin du XVIe siècle, puis il passa dans la famille de Lalande, dont un des membres,  M. Sarran de Lalande, chevalier, conseiller du Roi en ses conseils  d'État et privé, second président en sa Cour du Parlement de Guienne, se qualifiait de baron de Villandraut.  En 1660, M. François de Salomon, président à moitie au Parlement de Bordeaux, était seigneur de Villandraut.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la façade en enfilade avec au centre, le chatelet d'entrée, le pont qui se terminait par un vide et un un pont levis, comme l'indique la flèche rouge qui indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

  La famille de La Faurie lui succéda.  En 1789, la seigneurie de  Villandraut fut achetée par Charles-Philippe, comte de Pons, de demoiselle Jeanne-Louise de La  Faurie, fille mineure et héritière de Jean-Zacharie de La Faurie, baron de Villandraut. Cette terre passa ensuite par succession à M. Louis-Marie, marquis de Pons, lieutenant général des armées du Roi, ministre plénipotentiaire à la cour de Berlin, ambassadeur aux cours de Suède et d'Espagne.

    Dans le partage de sa succession, la seigneurie de Grignols échut à M. le vicomte de Pots, père de Mme la comtesse de Sabran, et Villandraut à M. le marquis de Pons, oncle de cette dame. A la » mort de M. le marquis, en 1834, ces terres furent de nouveau partagées entre M. le vicomte de  Pons et le comte Dubois de La Mothe. Le château appartient maintenant à M. le comte de  Sabran.  Mais il ne faut pas croire que tous ces seigneurs aient toujours goûté les douceurs de la paix à l'abri de leurs redoutables murailles.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici , la tour nord-est ,  la flèche rouge indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la tour nord-ouest ,  la flèche rouge indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici les 2 tours ouest vues du nord , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

HEURTS ET MALHEURS

Peu de temps après leur construction, dans le second tiers du XIVe siècle, le prince de Galles, cité devant la Cour des Pairs par Charles V, n'ayant pas voulu obéir, le roi de France fit passer en Guienne une armée sous les ordres du duc d'Anjou et de Duguesclin. Presque toute cette province fut conquise, et Villandraut fut obligé de faire sa soumission. Mais à peine les Français repartis, cette place se refit anglaise ; elle se soumit de nouveau à la première conquête de la Guienne en 1451, prit part à la révolte l'année suivante, et fut reprise en 1453 par le seigneur d'Albret, qui la soumit définitivement au roi de France.  

Les guerres de religion furent surtout fatales à ce château. En 1572, après le massacre de la Saint-Barthélemy à Bordeaux, ceux qui s'étaient sauvés s'emparèrent de Villandraut, où ils commirent d'épouvantables dégâts ; ils furent peu de temps après obligés de l'abandonner, et ils le reprirent de nouveau en 1577 ; mais en 1592, le maréchal de Matignon, après la prise de Rions, vint avec une nombreuse artillerie mettre le siège devant le château, qui ne se rendit, par composition, qu'après avoir essuyé douze cent soixante coups de canon.

  «  Il (Matignon) avait charge du Roy de faire raser la place, et y vouloit-on travailler ; mais cela fut interrompu par Monsieur de Duras, qui obtint du Roy des lettres patentes portans inhibitions : tous les appareils estoient faiets. »

  L'abandon de ce merveilleux monument paraît cependant dater de cette époque, et l'on ne peut guère blâmer les maîtres de cette seigneurie d'avoir préféré le séjour de Duras, dont le château domine la splendide vallée du Drot, à celui de Villandraut, dont le site ni le pays n'offrent rien de bien agréable. Depuis lors, son rôle dans l'histoire a été nul.

   Ses fossés larges et profonds, ses grosses tours, ses solides murailles, attestent la puissance et la richesse du prélat qui les fit construire, et dureront autant que le monde, si quelque main vandale ne se charge de les combler et de les démolir.

PREMIERE IMPRESSION

    Le château de Villandraut est bâti sur la rive gauche du Ciron, à 200 mètres environ de cette rivière, au sommet d'un mamelon peu élevé, et dans un lieu si peu fortifié parla nature, qu'il a fallu exécuter des travaux considérables pour en faire, ainsi qu'il en avait la réputation, même après l'adoption de l'artillerie, une des plus fortes places de la Guienne. Pour arriver à ce résultat, le Pape fit creuser d'énormes fossés enveloppant un massif de terre à peu près carré ; les matériaux qu'on extrayait de ces fossés étaient rejetés en dehors sur les trois côtés, dont le niveau était plus bas que celui du massif où l'on voulait établir la forteresse; celui du nord se trouvait au niveau du massif réservé. On formait ainsi un glacis en pente douce. Je suis cependant porté à croire que le glacis n'existait pas primitivement, mais qu'il a été fait depuis l'invention des bouches à feu, et qu'auparavant on avait élevé un vallum extérieur aux fossés, ainsi que cela se pratiquait assez souvent, comme on le verra dans la suite de cet ouvrage.

   Autour du massif, Clément V fit élever des courtines de 2 mètres d'épaisseur et de 20 mètres de haut, renforcées à chaque angle d'énormes tours rondes très saillantes dans les fossés. Deux autres tours rondes s'avancent en outre sur le milieu de la façade méridionale, et protègent la porte qui passe entre elles deux. Afin de laisser toujours au fossé la même largeur (15 mètres), il le fit élargir en face de chaque tour, en prenant pour centre de cet élargissement le centre de la tour elle-même. Le plan que voici indique parfaitement cette disposition, qui ne manque ni d'élégance ni d'originalité. Le château, sans y comprendre les fossés, a 52 mètres de long de l'est à l'ouest, et 43 mètres de large du nord au sud. Il faut y ajouter la saillie des tours de chaque côté, ce qui donne du nord au sud 58 mètres, et 67 de l'est à l'ouest ; de plus, 5 mètres de chaque côté pour la largeur des fossés, dont la contrescarpe en talus est toute construite en pierres de taille. Ce plan est pris au fond du fossé où l'épaisseur des murs est rendue plus considérable qu'au niveau du sol supérieur, par un talus qui commence à ce niveau.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la tour sud-est, démontée à moitiée, soit pour en faire une batterie avec des canons, soit après l'assaut de Matignon et ses bombardements , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici l'entrée arrière , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)
   Le revêtement de la contrescarpe est également bâti en talus, et, sur la façade méridionale seulement, il s'élève de 2 mètres environ au-dessus du glacis. Partout ailleurs il arase le sol. Une source assez abondante située en A existait évidemment, avant la construction du château, à la base du mamelon, et formait un petit cours d'eau qui se figeait vers l'ouest et allait se jeter, après un parcours de 500 mètres, dans le ruisseau du Bâillon, un des affluents du Ciron. Cette source convertit maintenant les fossés en marais ; et pourrait y entretenir quelques pieds d'eau si l'on fermait l'ouverture d'un canal souterrain située en B. Quelques personnes affirment qu'autrefois les eaux du Ciron remplissaient à volonté les fossés. Cette tradition ne mérite même pas un essai de réfutation.

   Les tours, toutes de même dimension, excepté celle du sud-est, qui est démolie jusqu'au niveau du sol du premier étage, se composent de quatre salles superposées : une cave, qui pouvait à l'occasion servir de cachot, un rez-de-chaussée et deux étages. Toutes ces salles, sauf celles du deuxième étage, sont voûtées. Les appartements, formés de deux étages correspondant, à ceux des tours, s'appuyaient contre trois courtines; celle du sud est libre; une grande cave existe sous ceux de l'ouest.

    On entrait dans le château par une grande porte, au sud, défendue par les deux tours jumelles de la façade, et s'ouvrant à l'extrémité d'un pont porté sur deux piles. On voit, de plus, une poterne sous ce pont, au fond des fossés, et une autre poterne, au nord, d'où, au moyen d'un pont en bois supporté par trois piles à bases de pierre, on pouvait passer dans la garenne qui s'étendait jusqu'au confluent du Ciron et du Baillon.

   Tel est l'ensemble de cette belle forteresse.

 Fossés et caves.

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici l'arrière de la forteresse, la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Plan, gravure de Léo Drouyn)

    On entre maintenant dans les fossés qui servent de basse-cour à une habitation voisine par un couloir souterrain qui traverse le glacis méridional et vient déboucher à l'ouest de la fontaine A. Autrefois on y descendait par une poterne étroite, en cintre surbaissé, percée sous la troisième arche du pont qui les traverse. On m'a assuré que de cette poterne on passait dans le caveau de la tour placée à l'ouest de la porte; on m'a dit aussi que les escaliers de ces deux tours centrales descendaient jusqu'au fond des caveaux.

    Il m'a été impossible de vérifier ces deux faits. J'ai essayé d'entrer par la poterne, mais des décombres en obstruent le passage ; j'ai voulu pénétrer par les escaliers, des matériaux de toute nature m'ont encore arrêté.

  Les salles du rez-de-chaussée étaient encombrées de barriques, de pièces de bois, de fumier, etc., et je n'ai, par conséquent, pu passer par l'orifice percé au milieu de la voûte et fermé par une grosse pierre. Néanmoins, je crois qu'on doit adopter comme exacts les renseignements qui m'ont été donnés. Le rez-de-chaussée des tours jumelles devait servir de corps-de-garde, et il était nécessaire que les hommes chargés de la défense du château pussent surveiller en même temps les fossés et le pied des remparts, et sortir de ces fossés ou y entrer à toute heure du jour ou de la nuit sans troubler les autres habitants de la forteresse.

   Il fallait aussi qu'un certain nombre d'hommes pussent, à un moment donné, se porter rapidement et en secret sur les points attaqués ou menacés. C'est pour cela que les deux escaliers ont été prolongés jusqu'au fond de ces caveaux. Des raisons semblables n'existant pas pour les caveaux des tours d'angle, il était inutile d'en prolonger les escaliers. Ces caveaux n'ayant aucune issue vers l'extérieur, si ce n'est par l'orifice percé au milieu de la voûte, doivent être considérés comme des cachots.

Des cachots ?

Je n'ai pu pénétrer, par les motifs signalés plus haut, dans trois de ces cachots, mais je suis entré dans celui de la tour du sud-est (Voir la coupe, planche XV).

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : planche 15, coupe de la façade. (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

Il est carré, voûté en berceau plein-cintre, profond de 4 mètres, long et large d’autant ; la voûte, à la clef, a 0m75 d'épaisseur : c'est là que se trouve un orifice carré formant la seule ouverture, et dont les côtés font face à la porte du rez-de-chaussée de la tour, qui est juste dans l'angle du château. Les parois du caveau sont parallèles à celles de l'orifice.

   Cette disposition se trouvant la même dans deux autres tours, il est assez probable que le plan intérieur est partout aussi le même. D'un autre côté, j'ai tracé les parois des caveaux des deux tours centrales parallèles aux courtines du château, me fiant en cela à la disposition de l'orifice, dont un des côtés fait face à la porte du rez-de-chaussée s'ouvrant directement sur la cour.

   Il existe encore, outre ces six petits caveaux, une grande cave sous les appartements de l'ouest. On y descend par un large escalier droit, dont l'ouverture extérieure ogivale est dans la cour du château. Cette cave est divisée en travées par trois pilastres supportant des arcs doubleaux ogivaux soutenant une voûte en berceau. Une petite fenêtre carrée, jadis fortement grillée et très-ébrasée vers l'intérieur, prend jour dans le fossé. Deux autres ouvertures percées dans le sol des embrasures des meurtrières du rez-de-chaussée servaient à monter les provisions déposées dans la cave.

Porte et appartements enveloppant la cour.

   Pour entrer dans le château, on traverse le fossé sur un pont (Les plans de détail devant tous être dessinés à la même échelle (3 millimètres pour 1 mètre), il m'a été impossible de tracer le plan des fossés, et, par conséquent, du pont de Villandraut; mais ils sont indiqués sur le petit plan d'ensemble. Il est bon de remarquer que le plan de Villandraut, qui présente un aspect parfaitement régulier, est, pour les détails, d'une grande irrégularité; il n'est peut-être pas deux des parois de l'intérieur des tours qui soient de même dimension; ces parois sont rarement en face l'une de l'autre, et rarement aussi elles sont dirigées dans le même sens que celles des tours voisines; les angles des hexagones ne correspondent pas toujours parfaitement d'étage à étage, etc., etc. Je crois que, pour certains détails, il y a eu négligence de la part du constructeur ; mais quelques autres sont motivés : il fallait faire chevaucher les meurtrières et les diriger dans le sens favorable à la défense; changer les portes et les fenêtres de place, suivant les étages. D'un autre côté, il ne faut pas chercher dans les constructions même les plus soignées du moyen âge cette uniformité monotone, et souvent hors de raison, des constructions modernes .)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici vue du pont par une vue latérale en façade , la flèche rouge indique le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Kordouane)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici  le pont et le chatelet d'entrée qui abritait le pont levis, car le pont bien sûr était tronqué ,  la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici même vue, plus prés, j'ai dessiné modestement la porte de la chambre de défense avancée du chatelet ,  la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la rainure de la herse , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

CHATELET ENTREE VILLANDRAUT

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plan du chatelet d'entrée, les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

composé de trois arches en plein-cintre. Une reprise très-visible au niveau des sommiers des arches et leur appareil, donne à penser qu'elles sont plus modernes que les piles, et qu'autrefois le tablier était en bois. Ce qu'il y a de bien positif, c'est que l'arche la plus rapprochée de la porte n'existait pas, mais était remplacée par un pont-levis dans le genre de ceux de Roquetaillade ; la rainure contre laquelle il s'appuyait, une fois relevé, se voit encore très-bien en A (Planche XIII). Vient ensuite un cintre bombé, après lequel on trouvait une porte (B) dont les gonds sont encore en place. On pénétrait ainsi dans une antichambre, espèce de bastille défendant le fossé, par des meurtrières qui rasent le pied des tours jumelles, et qu'il fallait traverser avant d'entrer dans le couloir entre ces deux tours. Cette bastille avait une voûte d'arêtes sans nervures, surmontée d'un étage dans lequel on montait par un escalier volant. On voit encore les boulins qui ont servi à l'établir. Des bastilles de ce genre se rencontrent assez souvent dans les châteaux bâtis en Angleterre du temps d'Edouard Ier.

   Cet obstacle franchi, et avant d'arriver à la première porte, il fallait passer sous un assommoir(C) placé au second étage des tours, derrière un arc bombé. Les défenseurs chargés de laisser tomber les projectiles par cet assommoir se tenaient dans une petite chambre, dont la trace n'est signalée que par l'arrachement de ses murs. Contre le côté extérieur de la première voûte ogivale (D) du couloir s'appuyait une porte, dont l'existence ne peut être prouvée que par les rainures assujettissant les barres qui la consolidaient et les gonds dont les traces restent encore dans les murs.

   Les vantaux de cette porte devaient s'ouvrir en dehors, car autrement ils auraient caché l'ouverture des meurtrières par lesquelles on prenait en flanc les assaillants. Cette porte franchie, il fallait passer devant les meurtrières, puis sous un second assommoir (E), suivi d'un arc ogival plus bas que le précédent, et derrière lequel tombait la herse, dont la rainure a 0m21 de large. La herse est suivie d'un troisième arc ogival (G) encore plus bas, contre l'intérieur duquel s'appuyaient les vantaux de la dernière porte (H), assujettis par des barres qui glissaient dans des rainures. La voûte est en arc bombé. Après avoir franchi tous les obstacles qui viennent d'hêtre signalés : un pont-levis, une herse, trois portes, deux meurtrières, deux assommoirs, on débouche dans une vaste cour carrée, entourée des trois côtés (est, nord 'et ouest) par des appartements qui s'appuyaient contre les courtines.

VILLANDRAUT PL

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plan du château, les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

  En face de l'entrée, au nord, ils sont complètement ruinés; mais les arrachements des cheminées du rez-de-chaussée (I et J) et du premier étage, les grandes fenêtres du haut, les meurtrières du bas, et les latrines des deux étages, permettent d'en retrouver à peu près la distribution. Juste en face de la porte d'entrée existe une poterne ogivale (K), d'où, comme il a été dit plus haut, au moyen d'un pont en bois jeté sur le fossé et dont on voit encore la base des piles, on passait dans la garenne. Il existe sur la face extérieure de la courtine, et de chaque côté de la poterne, des assises saillantes, horizontales, parallèles, partant de la base du mur, distantes l'une de l'autre de 0m60 environ, et longues de 4 ou 5 mètres. Je n'ai pu deviner l'utilité de ces assises, sortes d'escaliers qui devaient faciliter, ce me semble, l'escalade de la poterne. On avait peut-être eu l'intention de bâtir une bastille pour protéger cette entrée, comme on l'a fait devant l'entrée principale ; peut-être aussi avait-on établi de chaque côté de la poterne deux tourelles en encorbellement pour protéger le pont-levis ; on voit de ces sortes de tourelles dans plusieurs châteaux d'Angleterre de la fin du XIIIe siècle.

    La vue à vol d'oiseau (Planche XIV),

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : gravure en aérien du château vu de l'arrière. (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

prise du côté du nord, donne une idée de L'ensemble de la forteresse. Dans ce dessin, la tour de l'angle nord-est est restaurée ; des hourds ont été placés au sommet de celle du nord-ouest ; une partie des créneaux et du bahut du chemin de ronde ont été rétablis sur la courtine du nord. La cour et les quatre tours de la façade sont telles qu'elles existent maintenant ; seulement, j'ai dégagé les murs d'une partie du lierre qui les cache, coupé bien des arbres qui poussent dans les fossés et dérobent dans la nature la vue du monument.

LOGIS EST POUR LES INVITES copie

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici le logis des invités à l'Est, la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici à gauche le corps de logis des invités, la tour est du chatelet d'entrée et la terrasse qui dessert toutes ces tours et bâtiments , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

  A droite, côté oriental de la cour : on entre dans une vaste salle (L) par trois portes (MMM) en arc bombé et entourées de petites colonnettes séparées par des gorges profondes, et dont les bases sont profilées comme celles usitées au commencement du XIVe siècle. Cette salle, chauffée par trois grandes cheminées (JJJ), était éclairée, du côté de la campagne, par des meurtrières, et du côté de la cour, par deux grandes fenêtres carrées (NN) divisées en deux par une traverse en pierre horizontale ; la division supérieure, plus petite que l'autre, est divisée à son tour par un meneau vertical dont l'ornementation se compose d'une simple gorge. Le linteau est surmonté d'un arc de décharge ogival.

   Au nord de cette vaste salle en existe une autre, bien plus petite (O), occupant l'angle nord-est du château ; elle est complètement dégradée. Ces salles n'étaient pas voûtées ; les planchers s'appuyaient sur des poutres soutenues à leurs extrémités par des corbeaux en pierre. Les appartements du premier étage ne paraissent pas avoir eu de communication directe avec ceux du rez-de-chaussée. On devait y entrer par les tours seulement ; plus tard, on a établi un balcon qui permettait d'y monter par la cour. Ils étaient éclairés par de grandes fenêtres ressemblant beaucoup à celles du rez-de-chaussée, et s'ouvrant sur la campagne et sur la cour. Au-dessus du premier étage, très-haut, s'étendaient des greniers peu élevés qui paraissent avoir été à peu près privés de lumière.

Le rez-de-chaussée, du côté occidental de la cour :

PLAN REZ DE CHAUSSEE LOGIS PAPE

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici les logis du pape, à l'ouest, le rez-de chaussée , les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

il a dû servir de magasin ; il est dépourvu de Cheminées ; les portes et les fenêtres sont moins ornées que celles de l'appartement qui lui fait face. Les carrés noirs (PP) tracés sur le plan sont les orifices percés dans la voûte de la cave, dont l'escalier est en F. Dans l'angle nord-ouest est une petite chambre voûtée (Q), mais cette voûte est plus moderne que les constructions primitives.  

Le premier étage (Planche XVII)

VILLANDRAUT PL

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici les logis du pape, à l'ouest, le 1er étage , les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

 Il paraît avoir servi de salle d'honneur, si l'on en juge par le luxe des ornements des quatre ouvertures qui donnent sur la cour : deux portes et deux croisées ; les portes sont en cintre bombé, et les deux fenêtres sont surmontées d'une archivolte saillante retombant sur des culs-de-lampe. Portes et fenêtres sont entourées de petites colonnettes dont les chapiteaux sont formés d'un seul rang de feuilles de lierre, de chêne, d'olivier, etc., d'un dessin très-large et très-gras, et les bases semblables à celles signalées plus haut (Voir Planche XVIII, n° 1 et 2, ces bases et chapiteaux).

VILLANDRAUT - CROQUIS 1

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : (Plan, gravure de Léo Drouyn)

VILLANDRAUT - CROQUIS 2

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : (Plan, gravure de Léo Drouyn)

   Tous ces appartements sont tellement dégradés, qu'il est à peu près impossible de deviner l'usage particulier auquel chacun d'eux était destiné. Ils paraissent avoir été recouverts, comme ceux du château de Roquetaillade, par une charpente plate et des tuiles creuses, de façon à laisser entre la toiture et les créneaux un chemin de ronde qui servait également de chéneau.

  Tours ; rez-de-chaussée

 VILLANDRAUT PL

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plan de la façade et du chatelet d'entrée, les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

VILLANDRAUT CROQUIS 3

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Gravure qui montre l'arrière de la façade et les logis du pape à droite. (Plan, gravure de Léo Drouyn)

VILLANDRAUT CROQUIS 13

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Gravure qui montre l'arrière de la façade et les logis du pape à droite. (Plan, gravure de Léo Drouyn) 

VILLANDRAUT CROQUIS 14

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Gravure qui montre l'arrière de la façade et les logis du pape à droite. (Plan, gravure de Léo Drouyn)

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici quasiment photo identique aux gravures , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

 (Planche XIII et Planche XV, celle-ci donnant la coupe des quatre tours de la façade, sur la ligne ab des plans).

  — Les tours, étant mieux conservées, sont, par conséquent, plus intéressantes ; on y retrouve, à peu près intactes, les anciennes dispositions. Le château avait, dans l'origine, six tours semblables; vu à distance, il paraît n'en avoir plus que cinq, parce que l'une d'elles, celle de l'angle sud-est, a été démolie jusqu'au niveau du sol du premier étage, soit par les douze cent soixante coups de canon du maréchal de Matignon, soit dans le but d'établir une batterie à ciel ouvert pouvant protéger la place du côté du bourg de Villandraut.

 

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la tour sud-est, démontée à moitiée, soit pour en faire une batterie avec des canons, soit après l'assaut de Matignon et ses bombardements , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici la tour sud-est, démontée à moitiée, soit pour en faire une batterie avec des canons, soit après l'assaut de Matignon et ses bombardements , la flèche rouge qui montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

    La voûte du rez-de-chaussée a été refaite en formé de dôme très-bas, très-lourd et sans caractère. Elle remplace une voûte formée de huit compartiments séparés par des nervures simplement épannelées, comme celles de Roquetaillade, et se réunissant au centre sans dessiner de clef. Ces nervures retombent, dans les angles, sur des culs-de-lampe pyramidaux, dans le genre de ceux figurés aux mêmes numéros de la même Planche. C'est du moins ainsi que sont construites les voûtes des cinq autres tours. Partout les salles du rez-de-chaussée sont octogones, et toutes ont trois meurtrières, dont l'embrasure, fort large, est recouverte d'une voûte en berceau bombé. Ces meurtrières s'élèvent au-dessus du sol de la chambre d'une ou plusieurs marches ; leur ouverture extérieure est cruciforme, et ressemble à celle des meurtrières de Roquetaillade, avec cette différence que la petite branche transversale est pattée comme la branche verticale.

ARCHERES1

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : série de meurtrières en forme de croix patées. (Photo : Patrick Garcia)

ARCHERES2

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : série de meurtrières en forme de croix patées, dont une, à droite, a été pourvue d'une canonnière. (Photo : Patrick Garcia)

 J'ai figuré (Planche XVII) une de ces ouvertures ; c'est celle qui est placée sur le côté occidental du couloir de la porte. Toutes les autres sont faites sur le même modèle.

    Chaque tour a sa porte particulière généralement ogivale, suivie d'un couloir au milieu duquel s'ouvrent à droite et à gauche deux portes donnant dans des corridors : l'un, droit, conduit dans la " cage de l'escalier à vis qui se prolonge jusqu'au sommet de la tour; l'autre, coudé, dans des latrines

detail latrines en façade

plan en façade des latrines

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plan des latrines (La)et des "tours (Ca) qui ne servent qu'à les masquer en façade uniquement , les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici les"tours" carrées (Ca) accolées aux tours de défense ne sont qu'un cache pour les trés nombreuses latrines qui sont disposées en surplomb à chaque étage des tours et entachaient la noblesse de l'édifice , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

(La)en encorbellement, et cachées par une haute cage carrée (Ca) s'élevant jusqu'au milieu du dernier étage et dérobant à la vue l'angle formé par la tour et la courtine. Chaque étage a ses latrines particulières, toutes renfermées dans la cage. On voit très-bien cette disposition dans la coupe (Planche XV) et dans les divers plans.

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Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici les"tours" carrées (Ca) accolées aux tours de défense ne sont qu'un cache pour les trés nombreuses latrines qui sont disposées en surplomb à chaque étage des tours et entachaient la noblesse de l'édifice , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

     Je ne crois pas ces quatre cages aussi anciennes que le château, avec lequel elles sont d'ailleurs très-bien raccordées ; mais on n'a pas été longtemps sans s'apercevoir que ces douze latrines (La) , sur la façade, n'étaient pas d'un aspect agréable, et on a dû vite chercher à les cacher, ce qu'on n'a pas fait pour celles des autres tours, comme on peut le voir par la vue prise à vol d'oiseau (Planche XIV).

    A une époque qu'il est difficile de préciser, on a changé la destination du rez-de-chaussée de la tour placée à l'est de la porte ; il a été métamorphosé en cuisine. De la meurtrière de l'ouest, on a fait la cheminée et deux petits fours ; d'une autre meurtrière, on a fait un évier. Ces deux premières tours n'avaient pas de cheminées, tandis que les deux autres en étaient munies; leur manteau est en cintre bombé. Le rez-de-chaussée des deux tours du nord-ouest et du nord-est n'offre rien de particulier.

Tours : Premier étage.

— J'ai déjà dit que le premier étage de la tour du sud-est n'existait plus. On y montait de deux façons : par l'escalier à vis et par le premier étage des logements appuyés contre la courtine. On montait par les mêmes procédés dans toutes les tours des angles ; quant à celles qui encadrent la porte, on y monte par leur escalier particulier et par une galerie extérieure anciennement en bois, et portée par des corbeaux 'et des poteaux.

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : Ici l'arrière de la façade, c'est parla galerie que l'on déservait les tours  , la flèche rouge montre le sens dans lequel on regarde le monument. (Photo : Patrick Garcia)

   La partie de cette galerie qui est appuyée contre le mur de façade R S a été, vers la fin du XVIe siècle, remplacée par une belle terrasse supportée par de grands arcs en plein-cintre retombant sur des piliers; d'autres arcs plus étroits partent de ces piliers et s'appuient contre l'ancien mur. A la même époque, des perrons et des balcons de pierre (TTTT) ont été bâtis dans la cour pour faciliter l'accès des appartements (Voir aussi la Planche XIV). Ces terrasses et balcons ont remplacé avec avantage les galeries en bois; mais si leurs moulures, rares d'ailleurs, ne suffisaient pas à faire reconnaître leur date plus récente, on pourrait encore assurer qu'ils ne sont positivement pas aussi anciens que la construction primitive, parce qu'à cette époque on évitait généralement lés escaliers larges et d'un facile accès.

 plan 17 entrée dans les tours

 

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : planche 17  , le premier étage, les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

    C'est par une de ces terrasses qu'on pénètre maintenant dans le premier étage (Planche XVII) des deux tours de la façade : dans celle de droite, par une fenêtre, et dans l'autre, par une petite porte ancienne (A) dont il ne reste plus qu'un léger fragment des pieds droits. Cette petite porte, assez rapprochée des appartements du seigneur, placés à l'ouest de la cour, et ouverte tout près de l'escalier par lequel on communiquait avec le rez-de-chaussée sans entrer dans le premier étage de la tour, et la cheminée du rez-de-chaussée, me donnent à penser que c'était le corps-de garde principal de la place, et que c'était bien, comme on me l'a assuré, par la cave de cette tour qu'on passait pour entrer dans les fossés.

 Les deux tours jumelles :

   Au premier étage, sont calquées l'une sur l'autre; seulement, les objets placés à droite dans l'une sont à gauche dans la voisine; elles ont chacune deux fenêtres (BB' CC'), l'une ouverte sur la campagne, et l'autre, en face, sur la cour. Elles ressemblent, par leur forme extérieure, à celle des appartements de l'est ; à l'intérieur, leur embrasure est recouverte d'une voûte bombée et garnie, comme presque toutes les fenêtres de cette époque, de deux bancs en pierre (Voir aussi la Coupe, Planche XV). Dans le premier étage de ces deux tours, on ne trouve qu'une seule meurtrière, et un siège de latrines en encorbellement à l'extrémité d'un corridor coudé. Toutes les tours ont, à cet étage, une cheminée semblable à celles du rez-de-chaussée.

    Les portes des latrines et de l'escalier sont ogivales; les pieds-droits de ces portes et des fenêtres sont formés de pierres de plus grand échantillon que celles qui composent les murs, mais cependant irrégulières entre elles. Les claveaux sont aussi très-irréguliers, mais extradossés. La clef de voûte de celle de l'est (D) est ornée d'un fleuron de feuilles grasses et largement dessinées, entourées de feuilles à crochets dans le caractère de celles de la corniche du chéneau de Roquetaillade (Planche V, n° 13). La clef de voûte de l'autre tour (E) est dans le même genre, mais les feuilles ont moins de style. Les parois et les voûtes sont couvertes d'un enduit remontant à l'époque de la construction du château, et sur lequel sont figurées des assises au moyen de deux raies rouges. Ce genre de décoration économique était très-commun dans nos contrées pendant le XIVe siècle.

 plan façafe plein

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : plans des deux tours jumelles défendant l'entrée  , les lettres rapportent au noms que donne Léo Drouyn aux parties du château qu'il décrit . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

    En sortant de ces deux chambres, et après avoir franchi quelques marches de l'escalier, on trouve, sur le couloir de la porte, et, par conséquent, entre les deux tours jumelles, la petite chambre voûtée en berceau plein-cintre (F). Ici dans se tenaient les hommes chargés de la manœuvre de la herse et de lancer des projectiles par l'assommoir, qui pouvait être desservi par le deuxième étage lorsqu'il n'y avait plus personne en bas, ou lorsque les assaillants étaient parvenus à soulever la herse, ce qui mettait un obstacle entre l'assommoir et la chambre. Celle-ci était éclairée, du côté de la cour, par une petite fenêtre carrée, et une meurtrière (H) en face de la fenêtre, battait de front le tablier du pont.

    Le premier étage de la tour de l'angle sud-ouest (K) a été un peu plus orné que celui des autres : une rose décore le centre des assises peintes ; plus tard, un enduit assez épais a recouvert cette décoration, et sur cet enduit on a peint des arabesques d'un assez beau dessin. Les culs-de lampe des nervures des voûtes se terminent, pour la plupart, en fleurons, et ont quelques moulures de plus que ceux des autres tours

VILLANDRAUT - CROQUIS 4

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : planche 18 n°4 , Sur la clef est sculpté un bas-relief , représentant un évêque assis, non nimbé, bénissant ; il est coiffé d'une mitre et tient une crosse; il est accosté de deux anges qui portent des phylactères. Le dessin de ce bas-relief est fort beau et rappelle celui des sculptures de la cathédrale de Bordeaux. Je crois que cette statuette représente l'archevêque Bertrand de Goth.  (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

(Planche XVIII, n° 3). Sur la clef est sculpté un bas-relief (Planche XVIII, n° 4), représentant un évêque assis, non nimbé, bénissant ; il est coiffé d'une mitre et tient une crosse; il est accosté de deux anges qui portent des phylactères. Le dessin de ce bas-relief est fort beau et rappelle celui des sculptures de la cathédrale de Bordeaux. Je crois que cette statuette représente l'archevêque Bertrand de Goth. Le premier étage des deux autres tours n'offre rien de particulier, il est à peu près calqué sur ceux qui viennent d'être décrits.

  Second étage (Planche XV).

  — Le second étage est également octogone, mais n'a jamais été voûté ; la voûte était remplacée par un plancher s'appuyant sur un redan du mur, et soulagé par des jambettes ; il était surmonté d'une charpente très-basse, recouverte de tuiles creuses , laissant entre elle et les créneaux un large chemin de ronde sur lequel on établissait les hourds, ainsi que le démontrent les trous horizontaux faits exprès pour établir leur charpente au niveau du sol du chemin de ronde. Chacun de ces étages a deux ou trois meurtrières, mais pas de fenêtre, excepté les deux tours jumelles, qui en ont une petite du côté de la cour. Entre ces deux tours est un petit réduit placé juste au-dessus de la chambre de la herse ; de là, deux assommoirs protégeaient le couloir de la porte d'entrée. Le sommet des courtines est au niveau du sol de cet étage ; de sorte qu'au moyen des deux portes de chaque tour donnant sur le chemin de ronde, on pouvait faire le tour du château sans descendre, et se transporter assez vite d'une extrémité de la forteresse à l'autre, suivant que la nécessité et le besoin du service l'exigeaient.

    Les tours et les courtines n'étaient pas, comme ce fut l'usage général à la fin du XIVe siècle, couronnées de mâchicoulis. Ceux des tours étaient remplacés par des hourds dans le genre de ceux figurés dans la planche XIV. Les courtines ne paraissent avoir eu que des créneaux. Voici les quelques marques de tacherons (Planche 2)

VILLANDRAUT CROQUIS 2

 

Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : planche 2 . (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

que j'ai relevées çà et là, partout où le mur n'est pas caché par du badigeon ou du lierre. Le château de Villandraut, comme celui de Roquetaillade, était une forteresse de premier ordre ; le parement des murs est en moellon de pierre dure, carré et piqué. Ces murs, d'une épaisseur considérable, sont encore parfaitement d'aplomb, et aucune lézarde ne s'y est manifestée. Les pieds-droits et les archivoltes des ouvertures sont en pierre irrégulière, mais de plus grand échantillon. Tout a été sacrifié à la force, et rien ou à peu près rien au luxe. Sauf une clef de voûte, quelques petits chapiteaux (Planche XVIII, nos 1 et 2),

VILLANDRAUT - CROQUIS 1

VILLANDRAUT - CROQUIS 2

quelques congés sculptés à la partie inférieure des pieds-droits des fenêtres, la console d'une porte au rez-de-chaussée de la tour du sud-est, et quelques légers détails, on ne rencontre pas de sculptures.

    Les nervures des voûtes ne sont qu'épannelées, et les culs-de-lampe sur lesquels elles retombent sont de la plus grande simplicité. En un mot, c'est la force dans toute sa sévérité. Ici, pas de donjon, qui donne tant de grâce à Roquetaillade. Toutes les tours pouvaient en servir l'une après l'autre. Le château de Villandraut est de ceux qui gagnent à être étudiés ; son premier aspect n'est pas séduisant ; les longs et minces ormeaux qui poussent dans les fossés, les énormes touffes de lierre qui grimpent jusqu'au sommet des murs, le cachent, presque en entier et diminuent l'échelle de ces grosses tours. De loin, on n'en peut voir que le sommet, et de près on n'en embrasse qu'une faible portion. Cependant, nous avons essayé, en changeant plusieurs fois de place, de dessiner les quatre tours de façade et le pont qui traverse le fossé (Planche XVI).

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 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : planche 16, une vue aérienne, sans avion, s'il vous plait!  (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

SI NOUS VOULIONS LE SAUVER, IL FAUDRAIT…

    Si nous avions le bonheur de posséder le château de Villandraut, nous le conserverions avec le soin que l'on met à préserver des outrages un objet précieux, et nous voudrions en faire jouir pleinement les amateurs qui viendraient le visiter. D'abord, nous donnerions congé à tous les locataires qui occupent le rez-de-chaussée des tours, et nous ne souffririons pas que les fossés fussent métamorphosés en basse-cour ; puis, les locataires partis, nous ferions faire une bonne porte dont notre homme d'affaires seul aurait la clef. Nous ferions griller le soupirail de la cave, par où les enfants peuvent s'introduire.

     Cela fait, nous tiendrions à ce que notre homme d'affaires dessinât ou fit dessiner un parterre dans la cour et y cultivât des fleurs. Nous ferions enlever les trois quarts au moins du lierre qui cache les tours et les courtines, tant en dehors qu'en dedans, il en resterait bien assez, et peut-être encore trop. Nous ferions nettoyer les fossés pour leur restituer leur profondeur primitive, et pour cela nous arracherions presque tous les arbres, qui y poussent cependant si bien.

   Mais le château et le paysage lui-même y gagneraient. L'agriculture peut-être n'en souffrirait pas, car ce terreau transporté dans les champs ferait un excellent engrais. Nous ferions enlever la terre des appartements jusqu'au sol primitif, déblayer les décombres des caveaux des tours ; de cette manière on en connaîtrait toute la profondeur, et nous aurions une échelle au moyen de laquelle on pourrait les visiter tous ; nous irions même peut-être jusqu'à couvrir les tours, dont alors laconservation serait indéfiniment assurée. (Il est bien entendu que nous serions assez riche pour faire toutes ces petites dépenses sans trop nous gêner.)

VILLANDRAUT PL

 Villandraut (33730) la forteresse du pape Clément V : vue générale du château. (Pour apprécier et utiliser ces plans, je vous recommande de télécharger les photos qui sont en grande résolution. Plan, gravure de Léo Drouyn)

   Enfin, pour encourager notre homme d'affaires ou son chargé de pouvoirs à entretenir la ruine dans un bon état, nous le laisserions libre d'établir un tarif forcé pour visiter le château, tarif qui, bien entendu, ne serait pas présenté à ceux qui ont l'habitude de ne pas déranger les gens sans les récompenser de leur peine. Nous sommes sûr que les jours de foire et de marché on ferait queue pour visiter les cachots de la forteresse. En agissant ainsi, nous croirions rendre un véritable service à l'archéologie, car Villandraut, qui est presque complet, est une des forteresses les plus intéressantes de la Guienne.  

   Le pays offre, un aspect étrange ; mais le Ciron est une charmante rivière bordée de chênes séculaires et de pins gigantesques ; les fermes sont loin d'avoir l'air misérable, et le voyageur n'a pas besoin de demander l'hospitalité aux fermiers : le bourg de Villandraut, très-grand, fort bien percé et renfermant de belles maisons, offre toutes les ressources d'une ville. On vit bien à l'ombre du manoir de Clément V. Ce qui n'a pas changé, c'est l'accueil cordial des habitants. L'église de Villandraut n'offre que peu d'intérêt : c'est une longue nef dans laquelle on entre par une porte ogivale du XIVe siècle, surmontée d'une rosace de même époque. Le mur méridional de la nef est très-épais. Au sud-est de l'église s'appuient des constructions qui paraissent avoir appartenu à une forteresse de la fin du XIIIe siècle, contre laquelle l'église aurait été construite. Sont-ce les restes du château qui a précédé celui du Pape ? Clément V établit à Villandraut un chapitre qui a subsisté jusqu'à la Révolution. On trouve dans le bourg, à côté de la maison de M. Dupuy, membre du Conseil général de la Gironde, une fontaine recouverte d'une voûte ogivale, et qu'on appelle la fontaine du pape Clément.

Ici se termine cette magnifique description faite par Léo Drouyn il y a 160 ans!

PATRICK GARCIA

 

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