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Mémoire des Hommes de Sainte Livrade sur Lot
5 novembre 2022

PAGE 260 : AQUITAINE: BIRON, « LE COLOSSE ORGUEILLEUX DU PÉRIGORD »...

 

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BIRON : PRÉSENTATION SUCCINTE D’UN COLOSSE

  Le célèbre château de Biron occupe le sommet d’un mamelon d’où il domine le pays à 30 kilomètres à la ronde. Composé d’un amas de constructions disparates dont certaines se signalent par leur qualité, il tire une partie de son intérêt de ce défaut d’unité.
   Le désordre des bâtiments qui portent la marque de chaque siècle, du XII° au XVII°,évoque les vicissitudes de ce château — siège de la première des quatre baronnies du Périgord — souvent assiégé, alternativement pris et repris, partiellement démoli et chaque fois réparé, renforcé et agrandi, et aussi celles de ses constructeurs et châtelains, les Gontaut, dont l’illustre Maison, de génération en génération, a confié aux pierres le soin d’écrire l’histoire de son élévation.

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Blasonnement des Gontaut-Biron et du village : Écartelé d'or et de gueules (Wikipédia)

 trajet vrai

Trajet pour Biron (24540) à partir de Ste Livrade sur Lot (47110) et plan de situation

    Les plus anciennes parties remontent au XII°S. En 1211, les Albigeois s’emparent du château, qui tombe en 1212 aux mains de Simon de Montfort. En 1233, Louis VIII le rend aux Gontaut. En 1345, les Anglais s’en saisissent, le reperdent en 1351 et l’incendient en partie en 1444 et en 1451. La bataille de Castillon rétablit la paix en Périgord. A Biron, les blessures se pansent et de nouvelles constructions sortent de terre.

   Cependant, les guerres d’Italie accroissent la fortune et la faveur des Gontaut. En 1598,

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 Château de Biron (24) :  VG depuis les hauteurs  (Photo : Patrick Garcia)

la seigneurie de Biron est érigée en duché-pairie par Henri IV au profit de Charles de Gontaut, maréchal de France, puis réduite en marquisat après l’exécution du premier duc en punition de sa trahison, et enfin rétablie en duché-pairie en 1723, pour Charles-Armand de Gontaut, maréchal de France.

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 Château de Biron (24) : Vue depuis le parking où l'on distingue bien a gauche les parties les plus récentes et à droite les parties renaissances     (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : Vue depuis le parking où l'on distingue bien a gauche les parties les plus récentes et à droite les parties renaissances , la grosse tour carrée au centre est la "Conciergerie, à droite, avec ses tourelles, la Chapelle renaissance.    (Photo : Patrick Garcia)


   Les remparts extérieurs enfermaient une partie du village. Il en subsiste des fragments très importants, mais à l’état de ruines. Vu de l’O., le château présente extérieurement un assemblage de bâtiments accolés et imbriqués les uns dans les autres et qui, selon la courbe d’un croissant, sont de l’E. à l’O., puis au N.

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  Château de Biron (24) : Vue depuis le parking, la fontaine et le lavoir du village.     (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La jolie halle du village au pied du château.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La jolie halle du village au pied du château.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Maison ancienne dans le village.  (Photo : Patrick Garcia)

   La chapelle du XVI°s., une tour carrée du XVe s. décorée d’une belle fenêtre du XVI°s., une courtine et une tour ronde du XIV° s. au-dessus de laquelle se profile un donjon du XII° s., un corps de logis massif qui forme le château du temps de Henri IV et que flanque à l’extrémité N. un énorme pavillon carré couronné d’un chemin de ronde sur mâchicoulis, dispositif démodé en période classique.

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 Château de Biron (24) : Vue depuis le parking où l'on voit à gauche, la grosse tour carrée la "Conciergerie, à droite, avec ses tourelles, la Chapelle renaissance.  Au dessous, avec ses machicoulis, la porte d'entrée du village.  (Photo : Patrick Garcia)

    Si l’on franchit la porte percée dans la courtine au pied de la tour du XV° s., on accède dans une première cour. Elle est bordée: au S., par la chapelle et une loggia Renaissance à trois baies en anse de panier; à l’O., par la tour d’entrée, flanquée d’une tourelle polygonale, puis par la courtine surmontée d’un chemin de ronde; au N. d’abord par le donjon

à contreforts plats, construit au 12° s. et assiégé par Simon de Montfort, puis par le Tribunal, puissante construction carrée, percée de fenêtres du XV° s.; au N.-E., par un corps de logis à tourelle accosté d’une belle tour ronde. A droite et en avant du donjon, se présente un bâtiment renfermant un escalier qui donne accès à la seconde cour. Celle-ci, extrêmement pittoresque, est bordée de beaux bâtiments, l’un à droite, du XV° s., avec une superbe fenêtre à doubles croisillons de même époque et une tourelle polygonale d’escalier dont la porte est ornée de moulures en accolade, l’autre à gauche, d’époque classique comme en témoignent son ordonnance et ses fenêtres à petits carreaux. Au fond de la cour, une superbe loggia livre la vue sur la campagne. Établie sur toute la profondeur de l’aile N., elle s’ouvre par un arc en anse de panier dont la simplicité et la hardiesse contrastent avec la fragilité des doubles colonnes surmontées de dés qui soutiennent le parement de la façade extérieure.

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Château de Biron (24) :  Telle une gracile bastille, la chapelle castrale renaissance vue du village, hors le rempart.  (Photo : Patrick Garcia)


CHAPELLE : Revenu dans la première cour, on admirera l’admirable chapelle seigneuriale, « perle» de Biron, de la première moitié du XVI° s. Cette chapelle comprend deux nefs superposées.

   La chapelle supérieure, qui s’ouvre de plain- pied sur la cour, est couverte d’une voûte d’ogives à clés pendantes. Elle renferme un bel ensemble de sculptures du début du XVI°s., notamment un tombeau de Pons de Gontaut avec statues couchées et bas-reliefs. La merveille de cette collection, une Pieta, chef-d’œuvre d’un artiste périgourdin, figure aujourd’hui parmi les joyaux du Metropolitan Museum de New-York.

La chapelle inférieure à laquelle on accède directement du village sert d’église paroissiale. Par suite d’un glissement de terrain, la chapelle était sur le point de s’ouvrir en deux lorsque le service des Monuments Historiques entreprit de consolider l’édifice.

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 Château de Biron (24) :  Dans le village, la petite église ND Sous Biron, du 12ème.  (Photo : Patrick Garcia)

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Château de Biron (24) :  Dans le village, la petite église ND Sous Biron, du 12ème.  (Photo : Patrick Garcia)


EGLISE NOTRE-DAME-SOUS-BIRON :— Petite église paroissiale du XII°S.


   POUR LES AMATEURS D’HISTOIRE : VANITÉ ET ORGUEIL DU CHÂTEAU ET DE SES PROPRIÉTAIRES

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 Château de Biron (24) : Charles de Gontaut.  (Photo : Wikipédia)

    Curieuse figure que celle de ce Charles de Gontaut-Biron, et combien représentative de son époque troublée ! Pour la mieux évoquer, sinon la comprendre, rien de tel qu'une visite à son manoir natal et quelques regards jetés sur sa noble et lointaine lignée.

    Construit au début du Xe siècle, le château de Biron couronne de sa masse imposante et trapue l'une de ces molles collines où le Périgord jouxte l'Agenais parmi des vignobles et des files de pruniers aux fruits couleur de violette. Il domine un paysage assez monotone, mais à l'horizon presque illimité. Aussi bien n'est-ce pas le site qu'avaient cherché ses premiers bâtisseurs, et l'on évoque bien plutôt un de ces fiers barons périgourdins, émule du célèbre Adalbert qui tint tête à Hugues Capet, qu'un Amadis des Cours d'amour épris de grâce et de poésie.

PLAN FINAL DU CHATEAU DE BIRON

 

  J'ai essayé de rendre plus lisible le plan de Biron réalisé par Françoise TETART-VITTU pour sa communication au Congrès Archéologique, en insérant les légendes dans les bâtiments avec les couleurs mêmes que nous apporte le dépliant édité par le château. On peut télécharger ce plan sur son PC afin de pouvoir le lire et l'utiliser à sa convenance. (Patrick Garcia)  

     L'épaisseur de ses murailles, le disparate de ses constructions, l'importance de son enceinte découpée en créneaux, hérissée de tourelles, flanquée de fossés profonds, disent assez que les maîtres du lieu étaient des batailleurs, et que pas un des événements importants du moyen âge ne leur fut étranger.

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 Château de Biron (24) : Plan distribué aux visiteurs qui montre en perspective le colossal château, bien à l'image de l'orgueil des barons et ducs.   (Photo : Patrick Garcia

   Biron était, d'ailleurs, l'une des quatre grandes baronnies du Périgord et appartenait à la famille de Gontaut. Quand le souffle héroïque des Croisades passa sur la France, le baron Gaston de Gontaut, en 1148, partit vers la Terre Sainte. Détaché des biens de ce monde, il émancipa ses paysans en leurs donnantes coutumes et lois. Cinquante ans plus tard, le manoir de ce chevalier très chrétien tombait entre les mains des Albigeois hérétiques. Pas pour longtemps. L'année suivante, Simon de Montfort, dont le nom est resté célèbre et les traces profondes dans tout le Périgord, reprit la forteresse que, dix ans plus tard, le père de Saint Louis remettait à ses légitimes possesseurs.

    En 1300, on vit, comme par miracle, les vieilles pierres fleurir, et l'un de ces rudes seigneurs, délaissant l'épée pour la viole, s'en fût à Toulouse parmi les fondateurs des Jeux Floraux. Au cours des sombres pages de la Guerre de Cent Ans, un Biron résista farouchement aux Anglais et vit brûler une partie de son château pour être demeuré fidèle au roi de France.

    Manoir de combat plutôt que de plaisance, tel est Biron race orgueilleuse et hardie, tels furent les Gontaut.

   Mais il faut arriver en 1598 pour marquer l'apogée de la Famille et du domaine avec Charles de Gontaut, maréchal de rance, gouverneur de Bourgogne, et commensal du roi Henri- Pour lui complaire, le souverain érige la baronnie en duché, cependant que le nouveau duc devient l'un des plus considérables personnages de son temps.

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 Château de Biron (24) :  Exécution du duc Charles de Gontaut-Biron, il voulut être roi à la place decelui qui l'avait promut, Henri IV, que des régionaux, pour nous... lire le texte ci-dessous.  (Photo : wikipédia)

   Et c'est une bien curieuse figure que celle de ce Charles de Gontaut-Biron, héritier d'un sang orgueilleux, né dans une époque propice aux carrières aventureuses. Il vint au monde en 1562, d'un père catholique et d'une mère protestante. Confié aux bons soins de sa tante maternelle, il fût élevé par elle dans la religion réformée et quand Henri de Béarn, chef des Huguenots, devint roi de France, il n’hésita pas à se mettre à son service.

   Par fanatisme ? Certainement non, mais bien plutôt par ambition et amour des combats. Il est à Arques, à Ivry, au siège de Paris et à celui de Rouen. D’ailleurs, après l'abjuration de son roi, il passe Indifféremment du protestantisme au catholicisme pour aboutir, en définitive, à l'absence complète de religion. Comme il arrive souvent, il remplace la foi par la superstition et délaisse les Cérémonies chrétiennes pour les messes noires.

    Un faiseur d'horoscopes lui a prédit qu'il approcherait du trône. Pour Y accéder, il serait prêt à toutes les pratiques de magie. Vers la trentième année, c'est un homme de taille plutôt petite, très brun, et bien bâti. On ne lui connaît guère de défauts ; il pratique la sobriété, parle peu d'ordinaire, et, ans une cour passablement libertine, il ne s'intéresse pas aux femmes. Un seul vice lui suffit, mais il est de taille : c'est un orgueil monstrueux, que les honneurs ou les dignités successives nourrissent sans l'apaiser.

   Une anecdote qu’on raconte encore dans le pays gascon - la mémoire paysanne est la plus vivante des chroniques - situe le personnage mieux que tous les commentaires d'historiens.

    « Face au château de Biron, sur un coteau solitaire, il existait un autre manoir de beaucoup moins grande importance, qui se nommait Saint-Germain. Son propriétaire, fier de ses hautes tourelles, allait disant avec sa facilité méridionale que, que de leur sommet, il pouvait assister au déjeuner du duc de Gontaut. En dans apprenant cette vantardise, le maréchal entra une grande colère, fit braquer ses canons sur Saint- Germain, et, à coups de boulets démolit les tours. Ordre fût donne de ne les jamais reconstruire. »

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 Château de Biron (24) :  Le donjon, imposant, mais remanié. La partie la plus ancienne, du 12ème se trouve à gauche et au centre.  (Photo : Patrick Garcia)

    A ce caractère violent et dominateur, Biron joignait de très réelles qualités de bravoure et de valeur militaire. Et quand, ayant pris Amiens en 1597, Henri IV reçut le prévôt des marchands, lors des compliments d'usage, il pouvait dire sans le maréchal de Biron, que je suis exagération aucune : « Voici le maréchal de Biron, que je suis bien aise de présenter à mes amis et à mes ennemis. »

   Aimait-il réellement ce roi bon prince et sans morgue qui le comblait de marques d’amitié ? Il est difficile de le croire, puisqu’il ne fut jamais capable de désintéressement. Tout n’était que calcul chez cet homme assoiffé de pouvoir et qui s’estimait fait pour un trône.

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 Château de Biron (24) : Près de l'entrée, cette magnifique tour carrée est la "Conciergerie" qui dessert les courtines. A sa gauche, la galerie à arcades est le reste d'un bâtiment détruit, peut-être la salle des gardes?   (Photo : Patrick Garcia)

      Quand Henri IV voulant contrebalancer l'influence du roi d’Espagne à la cour de Londres, l'envoya en ambassade auprès de la reine Élisabeth, il joua le double jeu d'amorcer des négociations pour son propre compte. Appuyé par Philippe II et le duc-régnant de Savoie, il aurait groupé la Bourgogne et Franche-Comté en une sorte d'état dont il se fût proclamé prince. Certains mémorialistes contemporains, Villegomblain entre autres, prétendent aussi qu'il avait levé les yeux sur la 3ème fille du duc de Savoie, alliance qui l’eut apparenté aux plus Puissantes cours d'Europe. Au demeurant, d'ailleurs, le premier projet n'exclut pas le second.  

   Élisabeth, politique rusée et femme d'intuition, semble avoir percé à jour l'âme de l'ambitieux personnage et souhaité lui donner une leçon qu'il ne comprit pas. Un jour que l’ambassadeur cherchait à se faire valoir devant elle, la souveraine mûrissante, tira d'une cassette le portrait enrichi d'émaux du jeune comte d'Essex, naguère exécuté dans la Tour de Londres, et dit à Biron :

— « Il fut détruit par son propre orgueil. Il croyait que rien ne se pouvait faire sans lui. Voyez ce qu'il y a gagné. Si mon frère, le roi de France, abattait les têtes de ceux qui le trahissent, il serait plus craint et mieux obéi. »

    On était en 1601. De retour en France, Biron continua ses menées secrètes avec un certain aventurier du nom de « La Fin».

    Ce louche personnage, à la solde du duc de Savoie, semble avoir en même temps vendu ses secrets à la police française. Des écrits compromettants pour le maréchal sont découverts et mis entre les mains d'Henri IV. Le monarque a peine à croire la félonie de l'un de ses plus chers familiers et le mande auprès de lui, à Lyon, pour qu'il se justifie.

    L'entrevue a lieu dans le cloître des Cordeliers. Elle est orageuse, l'orgueil de Biron se cabrant tout d'abord. Mais les preuves sont trop sérieuses pour que la prudence ne devienne pas de mise. Soit lâcheté, soit repentir un instant véritable le jettent enfin aux pieds du roi, qui pardonne en raison des services passés.

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 Château de Biron (24) :  Ce bâtiment un peu isolé, est la Recette avec sa tour d'escalier, et à droite la Grange des Recettes où se faisait la collecte en nature des impôts. Devenue plus tard, les écuries, et de nos jours, la Librairie-souvenirs de Biron. (Photo : Patrick Garcia)

    Il est des âmes assez viles pour n'être pas sensibles à la clémence. A peine gracié, Biron recommence ses intrigues. Il va même jusqu'à percer au cœur, selon la mode des magiciens du temps, des figurines de cire représentant le roi dont le pouvoir le gêne. Ceci n'est grave qu'en intention ; mais combien plus lourd de menaces, en vérité, le plan écrit de sa propre main et qui livre aux Espagnols alliés d'Amédée de Savoie l'accès de nos places-fortes de Bourgogne !

   A travers Henri IV, c'est la France que le traître remet aux mains de l'étranger, cette France que, des Capétiens aux Bourbons, les rois n'édifièrent qu'avec une longue patience. Cette fois encore, les documents sont saisis par l'entremise de « La Fin ». Et l'amitié d'un monarque s'efface devant la raison d'État.

   Charles de Biron s'était présenté à Fontainebleau plein d'arrogance. Il y est arrêté sans avoir le temps de revenir de sa stupeur. Un mois après, en juillet 1602, sa tête est tranchée dans la cour de la Bastille. Guère plus d'une année ne s'était écoulée depuis le prophétique avertissement d'Élisabeth d'Angleterre. En ce pays gascon où, pour suivre la fortune du maréchal, nous avons laissé le manoir des Gontaut, la consternation fut grande. Éblouis par le prestige de leur seigneur, et mal informés des causes de sa chute, le peuple des campagnes, les petites gens, tous plus ou moins attachés depuis des siècles à la maison de Biron, ne comprirent pas. Et de leur âme naïve, prompte à s'émouvoir, jaillit une complainte. Si vivace est la persistance du souvenir en la mémoire du terrien qu'elle s'est conservée jusqu'à nos jours encore et, dans cette sonore langue d'oc, mon enfance l'entendit chanter.

   Biron, brave et sans égal au combat, est représenté vaincu par les intrigues de cour, succombant aux coups de la jalousie et de la politique. Chose paradoxale, et, quand on y réfléchit, merveilleuse, le poète occitan qui rima ces couplets a trouvé le moyen de s'apitoyer sur Biron sans attaquer Henri IV. Bien mieux, le roi lui-même s'émeut sur le sort de la victime. Pour un peu, il semblerait étranger à la condamnation.

   C'est qu'encore étaient présents au cœur de tous, ces jours de combats, de gloire et d'amitié où le duc, simple jeune baron, chevauchait aux côtés d'un roi sans royaume. A Nérac, Jeanne d'Albret avait fixé sa cour ; Henri IV avait passé plusieurs fois par Agen, poussé par les rives de la Dordogne jusqu'au Fleix, sillonné le pays en tous sens, laissant un peu partout le souvenir de sa cordialité légendaire. Si les histoires ne sont pas l'Histoire, tout au moins entrent-elles pour une bonne part dans la formation de l'opinion publique. En voici une, éminemment représentative de l'esprit d'alors.

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 Château de Biron (24) :  A gauche la chapelle castrale et à droite la Conciergerie.  (Photo : Patrick Garcia)

   « On raconte qu'au temps où, pour combattre la Ligue, Henri de Béarn parcourait le pays avec les siens, la troupe assez peu nombreuse tomba dans une embuscade. Le Béarnais était brave, certes, mais il est des circonstances où la retraite s'impose après l'inégal combat. Le roi et ses gens, piquant des deux, galopèrent vers le proche manoir de Biron, dont les épaisses murailles pouvaient narguer les sièges. Mais la monture d'Henry s'essoufflait, et les Guisards prenaient de l'avance. Une ferme surgit au détour du chemin. Le roi faisant signe à ses troupes de poursuivre, mit résolument pied à terre. D'un aiguillon à bœufs ramassé devant la porte, il larda vigoureusement son cheval qui, délesté, s'en fût en un dernier galop, et s'avança vers le paysan maître du logis.

— « Je suis poursuivi, donne-moi asile

L'homme se gratta la tête. Dame !. Il y allait probablement de sa peau ! Pour un inconnu, c'était beaucoup risquer.

 — « Je suis l'ami du baron de Biron. » Ce nom est un mot de passe. Le terrien ouvrit une arrière-étable à cochons malodorante, y poussa le fugitif en disant simplement :

 — « Barro t'aqui!» Ce qui signifie en dialecte gascon :  «enferme-toi là».

   Puis il alla chercher sa truie qui nourrissait une portée de porcelets, la conduisit dans la courette à claire-voie, devant l'étable, et, finalement, enferma le tout, roi et cochons, sauf — comme disent les bonnes gens — le respect que je vous dois !

    Il était temps ! Les Guisards arrivaient bride abattue.

— « N'as-tu pas vu passer des hommes d'armes et n'en caches-tu point chez toi ? »

— « Voici ma maison» répondit l'homme d'un air innocent. On fouilla, mais en pure perte, bien entendu. Un soldat risqua par hasard un œil vers la porcherie. Or, une truie n'est presque jamais de bonne humeur, mais, quand elle allaite ses gorets, elle devient féroce. La bête, découvrant ses dents, leva vers l'intrus un groin assez bien apparenté à celui du sanglier.

    Comment supposer que celui qu'ils cherchaient se cachait justement derrière l'animal furieux ?

— « On perd du temps, dit le capitaine. Allons, en selle, et voyons plus loin !»

   Le soir même, Henri IV, pour se remettre de l'alerte, soupait joyeusement dans la fameuse salle à manger de Biron. Mais quelle ne fût pas la stupéfaction et la joie du paysan périgourdin lorsque, quelques années plus tard, par les soins de son hôte éphémère devenu roi de France, il reçut les parchemins de baron de « Barrotaqui».

    Comment, au souvenir de tels traits, le monarque pouvait-il n'être pas porté à l'indulgence envers Biron ? Comment, aussi, n'eût-il pas été populaire ?

   Le maréchal tombé, son duché pairie fut ramené au rang de simple marquisat. Malgré l'assez bonne fortune d'un Gontaut qui fut, plus tard, favori de Lauzun, jamais il ne retrouva sa gloire perdue, et l'on ne parla plus guère de lui dans le cours des siècles. S'il traversa presque intact la tourmente révolutionnaire, ce n'est, semble-t-il, que pour nous conserver vivante une page d'histoire inscrite dans ses vieilles murailles.

 GILBERTE SADOUILLET.

Édité par CENTRE D'ÉTUDES RÉGIONALISTES DE LIMOGES en 1943

 

POUR LES PASSIONNÉS : LE CHÂTEAU DE BIRON EN DÉTAIL

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Château de Biron (24) :  VG, à droite la Chapelle Castrale, en haut au centre, le Donjon, les grands bâtiments à gauche font parti du nouveau château 16ème-17ème.  (Photo : Patrick Garcia)

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Château de Biron (24) :  La tour carrée (La Conciergerie) la galerie à arcades et la chapelle castrale.  (Photo : Patrick Garcia)

La forteresse de Biron est particulièrement intéressante en raison de l’incroyable juxtaposition de bâtiments inachevés qui s’échelonnent du 12° au 18° siècle.  

    Biron, dans un site exceptionnel, surveillant sur plusieurs lieues une région couverte de bois à la juridiction imprécise, fut tenu par les Gontaut dès le 11° siècle. Fondateurs en 1057 de l’abbaye de Cadouin où ils eurent leur sépulture aux 12° et 13° siècles, ils suivirent après 1150 les fluctuations d’allégeance des Rudel de Bergerac envers les rois de France et d’Angleterre. Martin d’Algaïs de Biguerroque, routier pour Jean sans Terre et beau-frère d’Henri de Gontaut, fut chassé en 1214 du château qu’Henri reçut du roi en 1222 ; arrières vassaux du roi d’Angleterre, les Gontaut dépendaient directement du roi de France pour la terre de Montferrant. Ils donnèrent des terres pour l’établissement de bastides : en 1267 Montréal à Alphonse de Poitiers et en 1284 Monpazier aux Anglais .

   Gaston III fonda les Jacobins de Bergerac comme lieu de sépulture, mais dès 1304 la chapelle Saint-Michel de Biron est mentionnée et Gaston IV y fut enterré. Les 14° et 15° siècles virent les sièges se succéder, 1345, 1351, 1444 et 1451 (lorsque Malrigon de Bideren, routier, le tenait tandis que Gaston V était pourchassé de place en place). Le siège le plus grave fut celui de 1463.

 « Le château a été au pouvoir des Anglais, lesquels brûlèrent ledit château et abattirent la ville consistant en plus de deux cents feux qui étaient entourés de fossés — les témoins disent que de toute ancienneté Biron passait pour la première baronnie du Périgord, qu’à Biron il y avait de grands et insignes bâtiments — que au château il y avait trois grosses tours et autres inventions fort anciennes. »

PLAN FINAL DU CHATEAU DE BIRON

 J'ai essayé de rendre plus lisible le plan de Biron réalisé par Françoise TETART-VITTU pour sa communication au Congrès Archéologique, en insérant les légendes dans les bâtiments avec les couleurs mêmes que nous apporte le dépliant édité par le château. On peut télécharger ce plan sur son PC afin de pouvoir le lire et l'utiliser à sa convenance. (Patrick Garcia)  

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 Pour ceux qui n'aime pas les plans, vous pouvez suivre la visite avec ce plan distribué lors des visite du château.

   Si nous considérons le site de Biron nous retrouvons les enceintes concentriques révélatrices de son accroissement, réduites à de simples murs et à des terrasses. Elles gardaient néanmoins jusqu’au 18e siècle le terme de défenses : Château supérieur avec Porterie, tour carrée sud-est, logis est, tour est, tour de Belli au nord, Recette et tour Saint-Pierre ; puis muraille du 16e entourant la colline au nord, les chanoinies et la porte de la ville à l’ouest, en dessous de la Prison Conciergerie et de la chapelle, enfin celle de la ville basse au niveau de la fontaine, faisant le tour de la ville actuelle.

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 Château de Biron (24) :  La Conciergerie.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La Conciergerie.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La Conciergerie.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La Conciergerie. Vue depuis l'extérieur des remparts. (Photo : Patrick Garcia)

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Château de Biron (24) :  La Conciergerie. La superbe fenêtre à meneaux renaissance. (Photo : Patrick Garcia)

    La Conciergerie a gardé, jusqu’au niveau de la basse cour, sa structure carrée à contreforts plats percés de meurtrières à longues rainures. A l’intérieur, trois étages de salles voûtées. Entre cette tour et l’église, la courtine percée de meurtrières rapprochées est conservée et la citerne de 1585 en prolongement utilise une construction ancienne. Le mur Est, en retour vers la Recette, est antérieur pour partie au 15e siècle. La Recette est une grosse tour rectangulaire du 13e siècle. Un escalier droit occupe la partie droite et mène à une poterne à l’est. Il est flanqué à gauche de trois salles superposées sous plancher, sauf la supérieure qui est voûtée en berceau brisé. C’est dans cette pièce étroite (formée d’une nef de 6 à 7 mètres de long et d’un chœur de 4 à 5 mètres sur 3 de large et 2m60 de haut) que l’on a voulu voir la chapelle Saint-Michel. Un double système d’archères permet de battre l’escalier depuis ces salles et l’extérieur à partir de celui-ci.

 La porterie du château supérieur dite Tour anglaise

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 Château de Biron (24) : La Tour Anglaise, ou"Porterie".   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : La Tour Anglaise, ou"Porterie".   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : La Tour Anglaise, ou"Porterie".   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : La Tour Anglaise, ou"Porterie".   (Photo : Patrick Garcia)

  La porterie du château supérieur dite Tour anglaise a gardé intact l’état du 13e siècle en dépit des sièges qui ont rougi et délité ses contreforts. Des défenses disparues devaient protéger son entrée située au niveau d’un premier étage. La porte, en plein cintre à deux voussures, ouvre sur un escalier voûté à la hauteur du deuxième étage qui débouche dans la cour supérieure par une porte cintrée murée au 16e siècle ; sur sa gauche, trois salles en berceau, parallèles au passage. Au troisième étage la voûte est perpendiculaire et occupe toute la tour. Un petit escalier menant au quatrième étage a disparu au 19e siècle. La ruine actuelle du logis sud nous révèle les remaniements de la tour sud-est et les ouvertures en arcs brisés du logis Est soigneusement murées lors de la construction de l’escalier en vis. Une salle voûtée occupe le sous-sol de la tour carrée sud-est surmontée d’une pièce sous plancher très transformée, enfin une salle en berceau brisé qui communiquait au logis a partiellement disparu. Le quatrième étage a été entièrement reconstruit au 19e siècle. Du logis Est il reste la salle voûtée de deux croisées d’ogives au rez-de-chaussée et, à l’étage, la partie alcôve de la chambre ducale ; la fenêtre de celle-ci, rectangulaire avec colonnette centrale sous arc de décharge, bouchée de blocage, est visible sur le mur est. Sur la façade sud, une reprise de muraille contre la tour sud-est, avec sur l’intérieur une culée à feuillage de chêne pour des ogives perdues.

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Château de Biron (24) : A droite le Vieux Logis et la Tour Est avec son toit en poivrière.   (Photo : Patrick Garcia)

 BIRON VIEUX DONJON OCTOGONAL

Château de Biron (24) : A gauche la Tour Est, au centre le Vieux Donjon ou"Tour Polygonale" et à droite, le Gros Pavillon Neuf. L'escalier que l'on voit à droite, monte au Péristile et dans la cour intérieure.  (Photo : du Net : Tripadvisor)

  Au nord, le donjon octogonal du 14e siècle dont la cave circulaire à pilier central prismatique s’appuie sur le banc calcaire est le seul vestige antérieur à la Renaissance.

Le château de 1470 a la fin du 16e siècle

    La fidélité de Gaston VI au roi de France et son mariage avec Catherine de Salignac, fille du Sénéchal de Périgord et nièce du sire des Cars, chambellan du duc de Bourbon, firent de Pons, son fils, un des compagnons de Charles VIII ; maître d’hôtel, puis officier tranchant, il le suivit en Italie et en 1489 épousa Magdeleine de Rochechouart. 1492 fut une date importante pour les Biron : le roi accorda à Pons toute justice sur la terre de Biron en échange d’un péage à Villeréal et nomma, sans l’accord du chapitre, son frère Armand à l’évêché de Sarlat en place de leur oncle Pons de Salignac. Il semble que la mort de Charles VIII infléchit le cours de cette ascension et en 1499 Pons retiré en Périgord s’y remaria avec Marguerite de Montferrand, rassemblant ainsi deux branches Gontaut et leurs terres. 1519 est l’autre date marquante de cette période par le mariage de son fils Jean avec Anne de Bonneval, ce qui compensait l’abandon de l’évêché de Sarlat à Charles de Bonneval.

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 Château de Biron (24) :  A gauche, le Péristile, au milieu, en haut de son escalier circulaire, l'entrée gothique du vieux donjon polygonal et des appartement seigneuriaux de Pons.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Escalier à Vis du Donjon de Pons.   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Superbes appartement du seigneur.  (Photo : Patrick Garcia)

   Logis reconstruits : Après les destructions du 15e siècle, Gaston VI, qui résidait plutôt à Salignac ou à La Vercantière, remania probablement les logis sud et Est. Un nouvel escalier en vis polygonale (escalier Est) dessert les vieux logis et la tour sud-est. La porte, cintrée en anse de panier très simple, était surmontée des armes, aujourd’hui effacées, dans un grand cartouche. Les petites fenêtres qui l’éclairent sont du même style. Une corniche, terminée en monstre accroupi dans l’angle du toit qui fit nommer cette tourelle d’escalier le « Dôme de l’homme du plomb », souligne à l’extérieur l’épanouissement de la vis en palmier. Un petit escalier de décharge pris sur la Sallette menait à la chambre voûtée au-dessus.

cheminée

 Château de Biron (24) :  Superbes appartement du seigneur, autre salle.  (Photo : Patrick Garcia)

   Le logis sud-est plaqué sur la Tour anglaise dont l’assise est visible dans la cour haute. Au rez-de-chaussée, une cuisine prend jour au sud par une croisée pourvue d’une banquette ; cette pièce antérieure au 15e s’ouvrait au nord par une porte cintrée bouchée anciennement. A l’étage, les montants de la cheminée de la Sallette sont proches de la porte du Chapitre avec de fortes nervures recouvrant des feuillages épineux ; ses moulures se prolongent en linteau de la petite porte de droite conduisant dans la tour sud-est. Desservie par l’escalier en vis, elle s’éclaire au nord par une petite fenêtre en accolade tandis que deux belles croisées, surmontées d’un larmier et munies de banquettes ont été percées sur la façade sud dans un mur fait de remplois.

  Au deuxième étage, même disposition, mais la cheminée (dont l’un des montants aété grossièrement remplacé, est plus simple. Cette première pièce des Archives est éclairée au sud d’une croisée à une seule banquette et d une ouverture à meneau. Elle communique à l’ouest avec la Tour anglaise. Dans cet angle le contrefort. 19e siècle masque l’amorce d’une latrine. Le troisième étage a disparu.

 Logis est :

  Un glacis du 17e siècle, rehaussé à la fin du 19e, a modifié les ouvertures. Au premier étage nous trouvons une pièce avec cheminée, latrine sur la droite et porte en accolade à gauche ouvrant sur une pièce triangulaire. C’est la plus ornée du château, dénommée Tribunal au 19è, elle fut habitée jusqu’ au 18è siècle ; c’est là que résidèrent François et Charles Armand de Biron lors de leurs séjours périgourdins. Les sculptures de sa cheminée du 16è siècle furent arasées pour poser des tapisseries et des tableaux. L’antichambre voisine possède une cheminée à grand manteau plat. Elle communiquait Peut-être avec la tour Est avant la construction du Logis Vieux. Au deuxième étage même disposition, avec des combles plus aigus autrefois.

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 Château de Biron (24) : La petite cuisine au rez de chaussée du Logis Est.    (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : Entrée gotique du donjon polygonal.   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Toujours dans le logis Est.  (Photo : Patrick Garcia)

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Nouveau logis du 16è siècle dit « Logis vieux » :

  Cette nouvelle ordonnance dans le goût de 1510-1520 doit être attribuée à Pons. De belles salles entre les chambres du donjon et les garde-robes de la tour Est étaient desservies par une vis. C’est un corps d’hôtel riant prolongé d’une galerie autour de la cour. La pierre soigneusement jointe, la finesse de la porte de l’escalier au fronton en accolade adoucie et pinacles, sont de la même qualité que la chapelle. Il n’était pas terminé en 1524-1530 et on peut douter de son utilisation avant la fin du siècle. La vis, simplement épannelée et les revers de marches attendent encore les délicats ornements qui ornent son contemporain Montal.

   En haut, une simple rambarde à corniche, et une voûte d’ogives à liernes sur culées prismatiques dont les clefs sont sculptées de dideltas inscrivant une fleur. On admire sur la cour la grande fenêtre à double meneau du premier étage avec ses nervures entrecroisées. Son larmier est orné de choux frisés et les angles d’un lion à gauche et d’une tête d’homme à droite. Sous l’appui courent des rameaux épineux.

  Si la lithographie de Lemercier de 1847 est fidèle, un appui semblable aurait existé à la croisée au-dessus de la porte de l’escalier. Les autres fenêtres à nervures coupées à angle droit sont probablement des réfections, notamment les lucarnes est. Le toit, refait en 1780 aux moindres frais, a fait disparaître les corniches et les hourds à l’est. De la galerie sur piliers torsadés il ne reste qu’un demi pilier sur la droite de l’arceau nord ; de ce côté elle se déroulait sur deux piliers bas et en retour à l’ouest, jusqu’au mur à base moulurée devant la Tour anglaise. Un nouvel accès fut pris sur le logis sud dans l’angle de l’escalier est avec un escalier parallèle à celui de la Porterie. Ses quatre voûtes en ogives à liernes et arcs doubleaux sont d’un travail fruste, les clefs centrales portaient des armes entourées de perles, cordelières ou rubans roulés et les culées des fleurs et des soleils.

Transformation de la cour basse :

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 Château de Biron (24) : Les bâtiments de "la Recette : tour et grange".   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) : Les bâtiments de "la Recette : tour et grange". Notez le portail ouvert au 17ème à la fin des guerres, pour le passage des carrosses.  (Photo : Patrick Garcia)

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Château de Biron (24) : Les bâtiments de "la Recette : tour et grange". Notez le portail ouvert au 17ème à la fin des guerres, pour le passage des carrosses. A gauche, en surplomb, le "Vieux Logis de Pons", du 16ème. (Photo : Patrick Garcia)

   A l’est, les granges de redevances sont accolées à la tour carrée dite de la Recette. La partie haute de celle-ci est réaménagée en deux pièces dont le mur de séparation supporte deux cheminées légèrement différentes. La première, aux jambages en colonnettes, a un manteau à fortes moulures orné d’un écu allongé entouré de rinceaux tandis que la deuxième a un manteau plat avec les armes en bannière dans une couronne d’aches et de chardons.

  L’évêque Armand de Biron habitait-il ce logis proche de la chapelle Saint-Michel supposée, oratoire peint dont nous étudierons plus loin le décor ? Étaient-ce ses armes qui timbraient la porte de la vis d’accès ? Il n’en reste que les supports de chardons (hommage à la famille de Bourbon ?) dans l’accolade de la porte.

La Tour St Pierre:

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 Château de Biron (24) :  Descriptif extérieur pour situer la Tour St Pierre.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Tour St Pierre: reste de peintures décoratives d'époque.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Tour St Pierre: reste de peintures décoratives d'époque.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  Tour St Pierre: Escalier qui dessert le batiment des Maréchaux.  (Photo : Patrick Garcia)

  Du côté opposé, la tour Saint-Pierre, proche des boulangeries, aux fenêtres à meneaux fut aménagée en cabinet avec une croisée à l’ouest, une cheminée à bandeau plat et reliée à la prison par une galerie. La Conciergerie est également pourvue d’une vis avec porte en accolade et prolongée par une galerie percée de trois arcades ; ces dernières éclairaient des bâtiments disparus, construits sur la vieille courtine. L’ouverture rectangulaire de cette prison est au niveau du sol de la galerie, du dessus de la citerne et du seuil de l’escalier. Les parties hautes ont été très restaurées au 19e siècle.

   La belle lucarne sud est très richement ornée, dans le goût du portail de Monpazier de 1550 et d’une porte de maison de Badefol datée de 1548. Les traverses sont chargées de balustres comme à Puyguilhem et Cahors ; la frise reprend le thème antique de la chasse de putti dans des guirlandes, sous une coquille dont les rampants ont disparu tandis que les bases surchargées de bêtes médiévales ont été enjolivées ultérieurement. La lucarne nord a un décor plus sec de griffons affrontés.

 Chantier de la chapelle :

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  Ici vue du côté Sud, à gauche, la chapelle sépulcrale, à droite, la Sacristie. (Photo : Patrick Garcia)

  En 1495 Pons obtint une bulle de fondation permettant le déplacement de Saint-Michel « trop petite et mal commode » dont procès-verbal fut dressé le 20 juin 1499. On établit une chapelle à deux étages sur le rempart, celle d’en haut, seigneuriale, comme Saint-Hubert d’Amboise ou Saint-Léger de La Palisse et une église basse à l’usage de la ville gardant le vocable de Saint-Michel.

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse".  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance qui sert de décors à beaucoup de films de capes et d'épées. Elle est splendide et superbement décorée de sculptures et de tourelles qui en font le joyau du "Colosse". Ici le superbe campanile recouvert d'ardoises...   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, détail de la porte et de ses entrelacs.  (Photo : Patrick Garcia)

 PLAN CHAPELLE

  Le service de la chapelle haute était assuré par six chanoines créés en 1519 et entretenus par les dîmes de Besse et de Saint-Martin du Dropt accaparées par Armand retiré à Biron, ce dernier conservait ainsi la pompe d’un chapitre plus docile que celui de Sarlat.

    Bien qu’aucune date précise ne puisse être avancée, il est probable que le bâtiment, d’une grande unité de style, fut élevé de 1499 à 1515.

La chapelle :

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, la nef, côté Sud Ouest avec la porte d'entrée à droite. (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance avec le chevet, tourné vers le Sud Est. On voit les gisants, au milieu celui de Pons, à droite, celui d'Armand. A gauche, l'entrée gothique  de la sacristie. (Photo: Patrick Garcia)

Sur ce terrain argileux, près d’une source et sur des bases hétérogènes de murs détruits, on dût construire des contreforts plus importants du côté sud. L’élévation extérieure révèle les trois travées de la nef dont les arcs doubleaux sont contrebutés par les contreforts. Le décrochement du transept sud-est forme la « chapelle sépulcrale », tandis que le bras nord-est réduit de la moitié servait de sacristie.

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance et la chapelle sépulcrale.   (Photo : Patrick Garcia)

  Au chevet, deux petits contreforts soutiennent les pans coupés du chœur. Des moulures animent les murs horizontalement et un tore, à deux mètres du sol, court le long des murs et contreforts et remonte dans l’angle du mur de citerne. Une corniche à plusieurs ressauts soutient une galerie de circulation à claire-voie, où l’on accède par un escalier accolé au troisième contrefort sud.

  L’église était couverte de petites ardoises rondes. Le lanternon est refait ainsi que la galerie mais sans modification de son dessin. Aucun décor sur ces murs défensifs sauf l’affirmation d’appartenance seigneuriale.

 La chapelle Saint-Michel :

  Ce berceau brisé de 27m16 sur 7m76, en trois travées d’arcs en tiers-point, a un rôle de soutien. Le mur nord étant aveugle, elle s’éclaire au sud par trois petites fenêtres à un seul remplage en soufflet. Les colonnes engagées, cantonnées de deux fines colonnettes, ont été consolidées en 1951. La porte, à l’ouest, est modestement sculptée de nervures entrecroisées, peut-être simplifiées lors de la réfection de 1769.

 Architecture intérieure de La chapelle Notre-Dame de Pitié :

   Ses trois travées sous voûtes sexpartites sont bien éclairées par les cinq hautes fenêtres qui occupent les trois quarts du mur. Les voussures des arcs retombent sur trois colonnettes engagées. La dernière travée était meublée jusqu’à la Révolution des stalles du chapitre et fermée d’une barrière dont les traces sont visibles sur le sol et le mur sud près de l’escalier des combles. La demi-travée du transept combine sa voûte avec le chevet à trois pans, formant une étoile dont les clefs pendantes ont disparu.

  Le mur ouest est percé d’une rose délicatement découpée et le chevet éclairé de trois fenêtres dont celle du centre est à triple remplage. La grande chapelle du Sépulcre, voûtée d’ogives est de même hauteur que la nef tandis que la sacristie du nord est plus basse car une logette est aménagée au-dessus. Cette partie de la chapelle liée à des bâtiments disparus (trace d’une porte soigneusement murée dans le mur nord) pouvait servir lors de la veillée mortuaire.

   Le mur Est porte une niche sous arc surbaissé avec traces d’arrachement d’un autel ; dans le mur opposé, une cheminée. Dans les angles, les culées sont sculptées d’armes au-dessus de rosettes et de branches tressées.

   On ignore le maître d’œuvre de cette chapelle. Il est permis d’imaginer qu’Armand, grand bâtisseur, fit appel à des ouvriers engagés sur ses nombreux chantiers : la très belle église d’Issigeac, achevée « en perfection » en 1519 possède de délicates bases de piliers d’un décor très proche, mais la structure massive soulignée de corniches est celle de Sainte-Marie de Sarlat. Consacrée par Armand, le 5 avril 1507, les travaux avaient été conduits par Pierre Esclanche depuis 1479.

   Il est possible qu’Armand ait alors détourné le maître d’œuvre de la fabrique, comme il le fit pour les bénéfices et les reliques, pour le faire travailler à Biron plutôt qu’à la cathédrale, commencée en 1505 et pas encore terminée en 1517.

  Le seul décor sculpté de quelque importance subsistant est la grande porte sur la basse cour. Elle ouvre sur la première travée par un arc surbaissé dont les profondes moulures garnies d’escargots et feuillages se continuent en fronton curviligne entre des pinacles. A la première campagne de travaux appartenaient la Piéta du maître autel et la Mise au Tombeau.

P224 FIG 7 LA PIETA

 Piéta du maître autel (Photo de Françoise TETART-VITTU) sont au Métropolitan Muséum.

  Une deuxième campagne fit l’encadrement du Sépulcre, les tombeaux et la niche à relique.  Seuls les tombeaux sont demeurés en place, les sculptures des deux autels furent vendues par le Marquis de Biron vers 1905 à J. Pierpont Morgan qui les mit en dépôt dès 1907 au Métropolitan Muséum.

 Les Tombeaux :

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau d'Armand Gontaut-Biron. Il construisit le magnifique château de Bannes entre Bayac et Beaumont.   (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau d'Armand Gontaut-Biron.   (Photo : Patrick Garcia)

   Peut-être lié aux aménagements faits par Jean de Biron entre 1532 et 1550, nous décrirons le tombeau d’Armand de Gontaut tel qu’il est établi actuellement devant la boiserie de la chapelle du Sépulcre. L’évêque est revêtu de ses habits sacerdotaux, la tête posée sur un coussin à entrelacs, il manque la moitié de la mitre ornée de gemmes, tandis que ses pieds s’appuient sur un buste d’ange mains jointes. Le décor du sarcophage est d’une grande qualité.

   Les trois vertus théologales, assises sur des prédelles sous plafond à caissons de rosaces, séparées par quatre pilastres moulurés d’un balustre, ornent le grand côté.  

A droite, l’Espérance en habit de pèlerin, l’ancre à terre et au centre la Foi lisant le Livre et portant sur la main gauche la chapelle de Biron (reconnaissable à ses contreforts, moulure de bas de mur et lanternon, avec une balustrade en place de la galerie ajourée).

 À gauche, la Charité vêtue d’une robe flottante à manches bouffantes tient un cœur et une bourse ouverte ; cette vêture gracieuse qui tranche avec le drapé sévère des deux autres (la Foi est coiffée d’une guimpe comme la Vierge du Sépulcre) est peut-être une réfection car sur la gravure de Bonnet elle est drapée comme les autres.

  Les pilastres sont ornés de mufles de lions tenant des guirlandes et d’angelots tandis que sur le côté droit des dauphins affrontés répondent à ceux des revers de l’encadrement du Sépulcre, qui devait se raccorder à cet endroit.

  Sur le soubassement, entre les ressauts cannelés des pilastres, des objets de culte sont représentés en frise : croix de procession, ciboire, patène, burettes, encensoir et reliquaire, au centre, « Jesu piissime miserere mei amen » sur un livre ouvert entre deux chandeliers ; la précision des détails évoque le trésor de la chapelle dont Jean voulut peut-être conserver le souvenir sur cet autel dédié à son oncle.

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau de Pons de Gontaut-Biron. C'est lui qui fit décoller la lignée.  (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau de Pons de Gontaut-Biron. C'est lui qui fit décoller la lignée. Ici la face Nord-Ouest et sa déco décrite dans ces lignes.  . (Photo : Patrick Garcia)

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 Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau de Pons de Gontaut-Biron. C'est lui qui fit décoller la lignée. Ici la face Sud Est et sa déco décrite dans ces lignes.  (Photo : Patrick Garcia)

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  Château de Biron (24) :  La magnifique chapelle castrale renaissance, ici le tombeau de Pons de Gontaut-Biron. C'est lui qui fit décoller la lignée. Ici l'épitaphe du sarcophage, j'ai souligné l'inscription dont la photo était difficile à lire.  (Photo : Patrick Garcia)

 Le tombeau de Pons, qualifié de tombeau des ducs, car ses successeurs y furent enterrés jusqu’au 17e siècle, est un haut sarcophage surmonté d’un gisant, celui-ci, très mutilé, repose selon la coutume sur une natte, les pieds sur un lion couché, son heaume à côté et la tête appuyée sur un coussin broché d’entrelacs entre deux anges agenouillés. 

   Vêtu comme son priant d’une armure et d’un tabard armorié, il porte au cou une médaille de Notre-Dame de Pitié. Sur les faces du sarcophage se déroulent deux scènes de la vie de Lazare, rythmées par des pilastres décoratifs qui n’interrompent pas le récit ; au nord, Marthe et Marie s’avancent au devant du Christ et de ses apôtres en témoignage de foi et sur la face sud, dans une salle de palais le Christ ressuscite Lazare.

  La face nord, assez proche du sarcophage du Sépulcre (traitement des arbres et des ciels non terminés) présente sur le panneau de gauche le Christ nimbé suivi d’apôtres maladroitement entassés tandis qu’à droite les cinq femmes richement vêtues sont plus délicatement sculptées (remarquons la jeune fille pieds nus aux cheveux entrelacés relevés en plumet et la tête de femme copiant la Madeleine du Sépulcre). Béthanie est un château du 15e siècle très réaliste avec ses croisées, ses fenêtres grillagées et ses corniches de bas de mur. À leurs pieds, des fraisiers, plantains et pissenlits étalés comme sur une tapisserie.

  Sur la face sud, la scène est beaucoup plus richement traitée : dans une salle carrelée, le Christ nimbé, entouré de saint Jean et d’un apôtre, se tourne vers Lazare ; celui-ci, coiffé d’un turban plissé enjambe son sarcophage, soutenu par deux juifs copiés sur le Sépulcre.

  Sur le panneau gauche, Marthe, les mains jointes, en grand manteau et escoffion, assiste au miracle tandis que Marie se détourne vers un petit chien ; un homme richement vêtu d’une cuirasse de fantaisie se bouche le nez, à l’arrière plan, deux apôtres médiocres, une femme en prière et un jeune homme à col plat et bonnet à cocarde. Les détails architecturaux de cette scène méritent d’être notés : la profondeur de la salle est suggérée par le pilier au premier plan à droite et les retombées de voûtes sur des chapiteaux à crossettes en cornes de bélier.

  Au-dessus de ces derniers on a sculpté des personnages symboliques : du côté du Christ deux ignudi symbolisant le triomphe de Dieu et un guerrier lansquenet évoquant Jésus vainqueur de la mort tandis qu’à gauche nous trouvons une prophétesse en costume oriental, Moïse et un homme en turban, symbolisant l’ancienne loi.

  A l’arrière plan, court une balustrade sous oculi grillagés où se penchent des hommes et des femmes. Les pilastres sont élégamment sculptés des décors habituels de rubans mainte nus, au nord, par des trophées, épieux et carquois et au sud par un cartouche et des grappes de fleurs. Les chapiteaux sont à feuillage d’acanthe sauf celui du milieu de la face sud qui est surmonté de cornes de bélier et d’une tête de femme échevelée tenant un couteau. Le petit côté est porte le cartouche d’épitaphe sous une tête d’angelot, la face ouest est illisible.

   Les pilastres de ces deux côtés sont identiques, couverts de feuillages assez secs s’élevant d’une cassolette. Aux angles, des niches à coquille abritaient de petites statues de vertus disparues, au-dessous desquelles des bustes d’angelots se répondent en diagonale, les uns coiffés et drapés à la romaine et les autres couverts de plumes et les cheveux frisés.

    Une frise de crânes et de tibias croisés se développe sur le soubassement, des irrégularités dans la composition (il manque des tibias près de chaque ange antique) et des reprises de scellement sur le panneau nord suggèrent des réparations, peut-être antérieures aux destructions révolutionnaires.

  Le décor de ce tombeau, apparenté à celui des Poncher (daté de 1521) par ses pilastres et têtes de mort, est singulièrement proche de celui de Jacques de Montigny de 1543 : même gisant en armure et tabard sur un coussin à ramages et sarcophage à pilastres séparant deux couronnes de feuillages.

  Mais ici nous avons un parti plus riche ; le Christ à Béthanie procède des tapisseries d’Auvergne tandis que la Résurrection de Lazare s’inspire de gravures, reflets d’exemples prestigieux comme la chaire de San Lorenzo de Florence et le tombeau de Galeazzo Visconti.  

 Peintures et décorations du Château

  Les décors peins les mieux conservés se trouvent dans la salle basse de la Recette ; oublié lors de la suppression des armoiries, l’écu écartelé de Biron, découpé sur les bords, sur champ de sable est entouré d’une couronne de lauriers, centre de rinceaux ocres à têtes de dauphins dont les nageoires de feuillages inscrivent des ignudi appuyés sur des boucliers et tenant des hampes

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Château de Biron (24) : Dans la tour St Pierre, nombreux témoignages des peintures anciennes avec blasons et armoiries.  (Photo : Patrick Garcia)

  Les appartements avaient reçu un décor profane dont il reste le plafond de la chambre ducale et les vestiges de la salle de la tour Saint-Pierre. La chambre de « Mgr. le Maréchal » était en 1700 entièrement tendue de tapisseries représentant l’Histoire d’Esther, ce qui fit disparaître les entrelacs à têtes de dauphins du manteau de la cheminée qui subsistent sur les retours. Le plafond soutenu par trois poutres est cloisonné de caissons verts et rouges, modelés au trait blanc inscrivant chacun un fleuron d’aches comme ceux peints sur la Madeleine du Sépulcre.

  Le plat des poutres est peint de rinceaux épineux et les faces portent à chaque extrémité une tête guerrière sur fond rouge entre lesquelles se déploient de larges entrelacs de fleurs et de dauphins. À la poutre centrale, du côté de la fenêtre est, deux visages de femmes s’accompagnent de putti accroupis ou suspendus dans les rinceaux (fig. 10) ; aux entrevous une grande variété de symboles : canthares, dauphins crachant des flammes, cassolettes, javelots.

  Les murs ne portent plus que des traces, une frise de tritons au haut du mur sud, une banderole avec « Ciner... vir » en bas du mur Est de l’alcôve ainsi que toute une composition architecturale de pilastres, cartouches, fronton semi-circulaire et putti autour de la fenêtre sur cour.

   Les parois de la chambre Saint-Pierre sont peintes de larges bandes aux couleurs de la maison, jaunes et rouges avec des entrelacs (décoration fréquente que l’on trouve par exemple sous le cloître de Moissac). Une frise fait le tour de la pièce, alternant les cartouches de putti tirant de l’eau d’une fontaine et les médaillons de têtes guerrières ou masquées (personnages de comédie italienne ?).

   Ceux qui travaillèrent à Biron dans cette première moitié du 16e siècle ont subi des influences complexes sans oublier le rôle notable des donateurs.  

 LE CHÂTEAU DES MARÉCHAUX DE BIRON

LES LOGIS NEUF

Château de Biron (24) : La partie la plus récente, le Bâtiment des Maréchaux et à gauche, le "Gros Bâtiment Neuf".   (Photo : Patrick Garcia)

LES LOGIS NEUFS 2

 Château de Biron (24) : La partie la plus récente, le Bâtiment des Maréchaux et à gauche, le "Gros Bâtiment Neuf".   (Photo : Patrick Garcia)

VOUTES EN BERCEAU DE BIRON A PASSER

 Château de Biron (24) : Dans les combles du chateau, les charpentes en forme de carène de bateau.  (Photo : wikipédia)

Le grand logis neuf :

D’après la tradition le grand logis neuf fut commencé par le maréchal Armand, probablement lors de sa retraite forcée vers 1583-1585 et quand, gouverneur de Bergerac il sollicitait le roi « Pour pourvoir à mes affaires que j’ay à mes biens qui sont en Gascogne où il y a vingt ans que je n’ay esté qu’une fois en passant ».

    Mais il mourut en 1592 et son fils Charles, pour qui la terre fut élevée en duché-pairie en 1598, eut peu de temps pour s’en occuper ; ce fut sa mère Jeanne d’Ornezan de Saint-Blancart et son frère Jean II qui l’élevèrent et le couvrirent d’ardoises. Aucun document ne permet de préciser la datation de ce projet, dans le goût du château de Lauzun refait par Pierre Souffron, périgourdin de La Roque-Gageac.

   Il consiste, à l’ouest, en une grosse bâtisse aux murs épais de 6 pieds, accolée à la galerie de Pons (disparue depuis) et prolongée par un pavillon carré prenant appui sur la première terrasse du nord. Une aile en retour fut commencée depuis le donjon polygonal, dont témoignent la dernière fenêtre de la chapelle neuve et les lourds modillons qui la surplombent.

 SALLE DES ETATS- 241 copie

Château de Biron (24) : Dans la partie la plus récente, au Bâtiment des Maréchaux, la "salle des Etats du Périgord", tout de bois vêtue. (Photo : Patrick Garcia)

SALLE DES ETATS- 243 copie

Château de Biron (24) : Dans la partie la plus récente, au Bâtiment des Maréchaux, la "salle des Etats du Périgord", tout de bois vêtue. Ici son parquet magnifique. (Photo : Patrick Garcia) 

   A l’angle sud-ouest, un autre pavillon dont on voit les pierres d’attente aurait remplacé la tour Saint-Pierre et les boulangeries, ses accès sur l’escalier avaient été prévus ; deux fenêtres étroites auraient éclairé les paliers d’un grand escalier droit qui ne correspondent pas du tout à ceux de l’escalier actuel. L’austérité de la façade ouest, en gros appareil soigneusement joint, est rythmée de moulures à deux ressauts servant d’appui aux fenêtres.

   Sur cour, en revanche l’appareil est peu soigné et couvert d’un enduit car la galerie renaissance masquait presque entièrement la façade. Au nord l’appartement 18e siècle a fait disparaître la petite chapelle et une pièce aveugle.

   Les troubles du temps nécessitaient d’importantes réserves d’hommes et d’armes, ce qui explique la transformation des bâtiments qui flanquaient la chapelle en une citerne datée de 1585 et l’établissement de grandes écuries hors de l’enceinte du château. Un parc et un jardin avaient été aménagés et la grotte et les allées de la garenne tracées en forme de A étaient au 18e siècle le souvenir du goût allégorique du vieux Maréchal. La confiscation des biens et du duché en 1602 arrêta net les travaux pour un siècle.

    Après son décès le 22 mars, son inventaire fut dressé à Biron en septembre 1700 ; sa confrontation avec celui de 1757, le rapport de 1752 et la visite de 1778 montre que le logis neuf demeurait une carcasse vide et que seuls les logis Est et sud étaient effectivement habités.

 - PERISTYLE- 221 copie

PERISTYLE- 214 copie

 Château de Biron (24) : A l'Ouest, le joli péristyle qui dessert la Cour d'Honneur.   (Photo : Patrick Garcia)

PERISTYLE- 218 copie

 Château de Biron (24) : A l'Ouest, le joli péristyle qui dessert la Cour d'Honneur.   (Photo : Patrick Garcia)

 PERISTYLE- 219 copie

  Son fils Charles Armand, marquis de Biron, fit partie du deuxième Conseil de Régence, fut nommé Duc et Pair en 1723 et Maréchal de France en 1734. Bien que chargé de nombreux enfants, l’héritage Lauzun et des affaires fructueuses lui permirent d’entreprendre des travaux à Biron dès 1715 sous la direction de l’ingénieur de Saint Félix. Celui-ci commença le petit appartement neuf « Du dessin de Mgr le Maréchal » mais il fut renvoyé au bout de deux mois et demi, la voûte de 74 pieds de long sur 32 de large lancée sur la grande cuisine du logis neuf s’étant effondrée. C’est à lui néanmoins qu’il faut attribuer la loggia nord car il « fit abattre le mur qui fermait ladite cour et fit faire six colonnes en pierre qui soutiennent les platebandes » qui furent posées entre elles pour soutenir le logis par le nouvel ingénieur, Pierre Tranchant de Bordeaux. Ces doubles colonnes toscanes assez lourdes, surmontées de chapiteaux plats à gouttées et cuirs évoquent les architectures théâtrales.  

 - PERISTYLE- 224 copie

Château de Biron (24) : La Cour d'Honneur enserrée par les vieux logis au Nord Est et les Bâtiments Nouveaux au Sud Ouest.   (Photo : Patrick Garcia)

  PERISTYLE- 226 copie

Château de Biron (24) : La Cour d'Honneur enserrée par les vieux logis au Nord Est et les Bâtiments Nouveaux au Sud Ouest. A droite, le vieux logis 16ème, avec la porte d'entrée gothique du donjon. En face le Péristyle. A gauche, les Bâtiments nouveaux.   (Photo : Patrick Garcia)

 PERISTYLE- 244 copie

Château de Biron (24) : La Cour d'Honneur enserrée par les vieux logis au Nord Est et les Bâtiments Nouveaux au Sud Ouest. A droite, le vieux logis 16ème, avec la porte d'entrée gothique du donjon. En face le Péristyle. A gauche, les Bâtiments nouveaux.   (Photo : Patrick Garcia)

PERISTYLE- 247 copie

 Château de Biron (24) : La Cour d'Honneur enserrée par les vieux logis au Nord Est et les Bâtiments Nouveaux au Sud Ouest. A droite, le vieux logis 16ème, avec la porte d'entrée gothique du donjon. En face le Péristyle. A gauche, les Bâtiments nouveaux.   (Photo : Patrick Garcia)

    Le 15 avril 1721 on prévoyait deux marches de toute la longueur de l’ouverture pour descendre sur l’ancienne terrasse dont le mur en décrochement est encore visible depuis l’angle de la chapelle jusqu’à la base de la colonne de droite. Cette petite terrasse fut entraînée par l’effondrement de la Tour de Belli, ce qui permit de combler l’angle du pavillon et d’y ouvrir une porte-fenêtre avec perron de deux marches.

     C’est au seul Tranchant que l’on doit la rénovation de la cour.

- GRANDE CUISINE D - 205 copie

 Château de Biron (24) : La Grande Cuisine.   (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D - 201 copie

 Château de Biron (24) :  La grande cuisine, avec sur la plaque en fonte, une date, vous la voyez?  (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D - 204 copie

Château de Biron (24) : La Grande Cuisine, notez l'épaisseur des murs.   (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D - 211 copie

Château de Biron (24) : La Grande Cuisine avec ses "Chauffoirs" pour tenir les plats au chaud. La cheminée Sud Est.  (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D - 9215 copie

Château de Biron (24) : La Grande Cuisine avec ses "Chauffoirs" pour tenir les plats au chaud. La cheminée Sud Ouest.   (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D -CHAUFFOIR- 200 copie

 Château de Biron (24) : La Grande Cuisine avec ses "Chauffoirs" pour tenir les plats au chaud.   (Photo : Patrick Garcia)

GRANDE CUISINE D -CHAUFFOIR- 209 copie

 Château de Biron (24) : La Grande Cuisine avec ses "Chauffoirs" pour tenir les plats au chaud.   (Photo : Patrick Garcia)

   En 1721, il commença par les voûtes du pavillon et de la grande cuisine, éclairée de trois petits jours à l’ouest tandis que la paroi Est est contiguë à la citerne creusée sous la cour par Ricard maître fontainier de Bordeaux.

   Un nouvel escalier mène aux deux salons de compagnie ; la rampe forgée par Jonnelle maître serrurier de Bordeaux, a le même décor en anses de panier réunies que le balcon.  Dans le même temps la décoration intérieure était entreprise ; les cheminées commandées à Bordeaux dès le 12 novembre 1722 n’étaient pas réalisées en 1729, et furent fournies par un autre marbrier ; en brèche rose à un seul boudin. Elles sont toutes les neuf semblables et surmontées de tableaux de plâtre en deux parties, œuvres de Dominique Roy dit Poitevin habitant le château, qui exécuta aussi le grand retable de la chapelle neuve. Le bois expédié de Bordeaux était travaillé sur place par des menuisiers attachés au château qui lambrissèrent le petit appartement de Madame. Les portes et lambris des deux salons furent faits par Legry, concierge, en 1781.

   La réfection de la petite terrasse entraîna celle de la grande jusqu’au mur de la Recette où l’on perça le portail nord plus commode pour les carrosses que la montée ouest. Le château se séparait du village dont les défenses devenaient sans objet ; on démolit le Parquet de Justice qui était sur la porte ouest de la ville et dont les armoiries furent placées au dessus de la porte du Chapitre en 1743.

    Vers 1750 on récupéra les pierres du pilori et de la halle publique remployées probablement à la petite remise joignant la Conciergerie. De 1750 à 1788 on y travailla constamment mais aux moindres frais : soutien de charpente, armoires pour les archives, pavé et démolitions diverses faites par des ateliers de charité. Les travaux prévus aux logis sud pour 1789 n’ayant pas été entrepris, se sont eux que nous voyons en ruine.

    Après la mort du duc Louis Antoine en 1788 puis de son frère Charles en émigration en 1800 ce fut la branche Saint-Blanquart qui hérita (Les Saint-Blancard descendent d’Armand, fils du maréchal mort en 1592).

  Dans les dernières années de la Restauration, les Gontaut commencèrent quelques réparations contemporaines des publications archéologiques dont l’abbé Audierne, correspondant de la Société française d’Archéologie, se chargeait pour le Périgord.  

- TOUR ANGLAISE- 268 copie

TOUR ANGLAISE- 177 copie copie

 Château de Biron (24) : La partie médiévale de Biron, du 12ème, la Tour Anglaise ou Porterie.    (Photo : Patrick Garcia)

TOUR ANGLAISE- 177 copie

 Château de Biron (24) : La partie médiévale de Biron, du 12ème, la Tour Anglaise ou Porterie.    (Photo : Patrick Garcia)

TOUR ANGLAISE- 9220 copie

 Château de Biron (24) : La partie médiévale de Biron, du 12ème, la Tour Anglaise ou Porterie.    (Photo : Patrick Garcia)

  C’est alors que la Tour anglaise fut couronnée de créneaux, le deuxième étage de la tour sud-est restitué, les chambres des gardes démolies et la galerie de la tour Saint-Pierre ornée de corbeaux. En 1853, la commune fît des réparations aux deux chapelles. Le vitrail central du chœur, daté de 1848 représente une crucifixion au-dessus d’une frise où la nativité est encadrée des médaillons à têtes de guerriers et des cartouches des poutres de la chambre ducale.

   Depuis 1939 les Monuments historiques ont supprimé le clocheton du 17e siècle et ont procédé à d’importantes consolidations des piliers de la chapelle basse ; actuellement c’est la réfection de la toiture du logis neuf qui est le morceau le plus préoccupant.

 (« LE CHÂTEAU DE BIRON » par Françoise TETART-VITTU)

 

GARCIA PATRICK

 

 

 

 

 

 

 

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